Voyage
Certains utopistes aimeraient déplacer des montagnes. D’autres, plus pragmatiques sans doute, mais tout aussi idéalistes, se contentent de transporter des villages et des forêts… Quelques chimères deviennent réalité, c’est ce qui leur confère toute leur beauté.
L’histoire de l’ Amanyangyun est si belle qu’on peine à y croire, qu’on craint de tomber dans on ne sait quel panneau. Tout cela n’aurait-il pas été inventé par une superéquipe de communicants en campagne ? Mais nous sommes en Chine. Celle de tous les possibles. A Shanghai, une ville où tout va plus vite (19 lignes de métro construites en vingt ans), plus haut (la 2e tour la plus haute du monde y a été inaugurée en 2015), plus loin (plus de 70 millions d’habitants pour toute l’agglomération en 2017). Et on parle d’un groupe hôtelier qui a habitué ses hôtes, depuis pile trente ans et l’ouverture de l’Amanpuri, sur l’île de Phuket, à des projets et à des emplacements toujours plus étonnants et surprenants (le palais d’Eté à Pékin, Sveti Stefan au Monténégro ou bien le cœur désertique de l’Utah, aux Etats-Unis).
Le budget aurait été astronomique, même pour l’hôtellerie de luxe et de haut vol : près de 3,3 milliards de yuans, soit plus de 400 millions d’euros… Une rumeur que ne confirme ni n’infirme la porte-parole de l’ Amanyangyun. L’histoire est si belle qu’il convient donc de la raconter. Tout commence en 2002. Ma Dadong, jeune entrepreneur de 29 ans ayant déjà réussi et gagné ses premiers millions grâce à la publicité et au marketing, quitte Shanghai pour rendre visite à ses parents à l’occasion du nouvel an chinois dans la province de Jiangxi. Las, il réalise qu’un projet de barrage va engloutir une forêt de camphriers et le village de son enfance, entre autres.
Certains arbres ont plus de 1 000 ans, nombre de maisons, construites sous les dynasties Ming et Qing, sont plusieurs fois centenaires… Mister Ma n’imagine pas une seule seconde que la Chine puisse perdre un tel patrimoine, alors qu’elle n’hésite pas à protéger, à Shanghai par exemple, des bâtiments d’à peine 100 ans. Et il ne se résigne pas à voir disparaître le paysage de son enfance. Il va donc les transférer. A une demi-heure du centre de Shanghai, à 700 kilomètres de là. Parce que le climat y est propice, parce qu’il sait qu’il peut y trouver la place nécessaire à leur réimplantation. Il va donc déplacer 10 000 arbres et près de 50 maisons. Sans autre projet que de les sauver…
Le groupe Aman
Créé en 1988 par Adrian Zecha, indonésien et ancien journaliste, avec un premier établissement en Thaïlande, à Phuket, Aman a rapidement essaimé sa vision du chic hôtelier, résolument low profile et upper classy, dans toute l’Asie puis par très petites touches en Europe et jusqu’aux Etats-Unis, en passant par les Caraïbes.
Peu à peu, l’entrepreneur perd le contrôle face à ses actionnaires et « partenaires », et c’est un « Amanjunkie » russe et milliardaire qui, grâce à un règlement de la Cour suprême du Royaume-Uni, prend les rênes et le relais en 2015. Amanyangyun est le 3e hôtel à ouvrir en Chine et le 31e du groupe. Sous la férule de Vladislav Doronin, il est fort probable qu’Aman joue désormais une carte plus urbaine. A commencer par New York…
De la philanthropie à l’état le plus pur… Qui monopolise des centaines d’hommes – ingénieurs, botanistes, architectes, menuisiers, chauffeurs… – et réclame des moyens techniques colossaux. Il commence par faire replanter les arbres, en leur redonnant leur orientation d’origine. En 2005 démarre la reconstruction des énormes bâtisses de granit. Il n’a toujours aucun projet. Mais doit bien sentir la désespérante vacuité d’une telle entreprise. Jusqu’à ce qu’il rencontre, en 2009, Adrian Zecha, fondateur du groupe hôtelier Aman. Entre doux dingues, ils se comprennent et se séduisent, partagent la même vision quant à la préservation du patrimoine et de la nature, et les mêmes aspirations quant à la transmission des savoirs.
Aman va apporter son expertise et donner du sens à la chimère du businessman. Ce dernier rachète donc le terrain qu’il louait jusqu’à présent au gouvernement. Et en 2012, le chantier démarre réellement. Depuis, 83 % des arbres replantés ont repris, 26 maisons ont été reconstruites. A l’architecte Kerry Hill d’entrer en scène. Et d’imaginer cette parfaite association entre passé et futur, entre patrimoine et création, entre minéral et végétal. Quitte à friser l’austérité, voire un certain ascétisme.
Aux maisons de la montagne du Jiangxi, dans lesquelles sont désormais installées 13 villas de 2 à 5 chambres (12 feront parties du programme Aman Residences et seront à vendre), répondent des cubes de granit dans lesquels sont installés 24 suites et restaurants, tandis qu’aux piliers de bois sculptés et patinés par les ans font écho des claustras de nanmu, le bois précieux autrefois réservé au seul usage de l’empereur, et qu’aux bassins intérieurs répliquent désormais des douves bordées de bambous. Sur les 10 000 arbres du Jiangxi, 1 000 ont été replantés dans le resort, dont l’« arbre mère », vieux de presque 1 800 ans.
Comme un rituel, chaque hôte, à son arrivée, l’arrose avec de l’eau du puits. Le début d’une expérience. Il y a, à l’ Amanyangyun, quelque chose qui confine au sacré. Même s’il est parfois, selon le sens du vent, troublé par le passage des avions qui décollent et atterrissent à l’aéroport international de Shanghai Hongqio, le silence est ici enveloppant. On dit qu’il est plus facile d’être un ermite au centre du monde qu’en dehors du monde ; il semble que Mister Ma, au milieu de ces « nuages qui nourrissent » (la signification de « yang yun »), ait imaginé un parfait entre-deux.
Y aller
Kuoni Emotions propose un séjour de 7 jours / 4 nuits à partir de 3 560 € par personne à l’hôtel Amanyangyun Shanghai en chambre double, catégorie Ming Courtyard, avec les petits déjeuners, les vols au départ de Paris en classe économique et, à partir de 5 042 € par personne, avec les vols en classe affaires avec Air France. Transferts aéroport-hôtel-aéroport compris. Prix sur la base de 2 personnes, avec un départ le 17 mai 2018.
Tél. +33 (0)1 55 87 85 65
www.kuoni.fr
Nous sommes à des années- lumière de Shanghai, et pourtant si proches du Bund et de ses enseignes racoleuses. Reste à être lisible, aussi bien pour la clientèle chinoise (70 %) qu’étrangère, qui peut avoir du mal à comprendre l’intérêt d’être si loin si proche… L’ Amanyangyun est aujourd’hui l’hôtel le plus cher de Chine. Une gageure dans un pays qui ne craint aucune surenchère. Il faut donc répondre aux attentes, forcément nombreuses… Aman mise sur ses signatures : un chic absolu, mais non ostentatoire, une discrétion sans faille, le soin apporté à chaque détail, même le plus insignifiant.
Lumières filtrées par des claustras de bois blond ou des meurtrières inversées, mobilier empruntant leurs lignes à la fois à Charlotte Perriand et à la dynastie Ming, matières et couleurs d’une éclatante sobriété. Mais, très clairement, Aman mise tout sur son spa. Immense, il est une véritable parenthèse dans cette enclave. Protocoles spécifiques, programmes de détox, Aman a réellement imaginé ce 31e opus comme une retraite. Exclusivement dédiée au moi le plus profond. Alors seulement on pourra apprécier la cérémonie du thé ou les cours de calligraphie, qui font finalement surtout appel à la force de la méditation et sont organisés dans la 26e maison du village de Mister Ma, une ancienne école, baptisée Nan Shufang. Du nom du pavillon royal de lecture de la Cité interdite.
Amanyangyun
6161 Yuanjiang Rd, Minhang Qu.
Tél. +86 21 8011 9999
www.aman.com/amanyangyun
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