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Pour The Good Life, Jean-Marc Daniel, économiste et professeur d'économie à l'ESCP Business School, donne son avis sur l'engouement de l'électrique et plus particulièrement de la voiture électrique.
Celui-ci dit : « Les conséquences d’une politique qui mise tout sur l’électrique, sans prendre en compte son coût social et qui ignore manifestement la réalité économique qui va conduire à augmenter de 50 % le prix des automobiles. » La suite de ses idées sur la voiture électrique à découvrir dans son texte écrit spécialement pour The Good Life.
Une envie de moderniser le moyen de transport
Retrouvons-nous aux États-Unis en 1834 ; plus précisément dans le Vermont. Thomas Davenport y est forgeron et maréchal-ferrant. Contemplant les chevaux qu’il équipe de fers, il imagine le déclin de leur utilisation. Il rêve en effet de s’associer à la révolution des transports, dont l’émergence des chemins de fer est l’un des éléments les plus emblématiques.
Par ailleurs, boulimique de lecture, il est fasciné par les écrits d’André-Marie Ampère, autodidacte comme lui, qui a donné à l’électricité sa première théorie structurée. Davenport consacre son temps libre à la mise au point d’un moteur utilisant l’électricité dont il est convaincu qu’il le fera entrer dans l’histoire. Et il y parvient le 27 novembre de cette année 1834.
Vers un nouveau mode de vie ?
Ainsi, depuis le début du xxe siècle et la mise sur le marché de la Ford T, le moteur thermique a supplanté les divers avatars du moteur électrique. Et, en 2019, le bilan reste sans appel. Le pétrole représente 90 % de l’énergie utilisée dans les transports, l’usage de l’électricité étant l’apanage du transport ferroviaire.
Pourquoi les émules de Davenport n’ont-ils pas mieux réussi ? Pour des raisons qui sont apparues très vite. La première tient au problème du stockage de l’électricité. Malgré les progrès de l’industrie de la batterie, le coût de la mise en réservoir de l’électricité a, en pratique, maintenu l’avantage comparatif de l’essence. La seconde est que la circulation de l’électricité dans les lignes qui la véhiculent sur longue distance, mais aussi dans les câbles utilisés pour recharger les batteries, conduit à la perte d’une partie de l’énergie sous forme de chaleur, ce que toute personne ayant fait un peu de physique connaît sous le nom d’effet Joule.
Un engouement pour la voiture électrique
Aujourd’hui, la donne a changé. L’urgence climatique exige que le recours aux énergies fossiles soit le plus faible possible. Pour y parvenir, s’appuyer sur l’électricité est une solution d’autant plus envisageable que moteur et batterie électriques sont de plus en plus performants. Toutefois, l’électricité n’est pas la panacée. D’abord, son usage suppose qu’elle ne soit pas issue de la combustion de charbon et de pétrole…
La logique, en l’état actuel des choses, est dès lors de développer l’énergie nucléaire, alors même que celle-ci suscite angoisse et réserves sur son impact environnemental. En outre, développer la voiture électrique nécessite une reconversion de l’appareil industriel dont les conséquences économiques et sociales sont encore probablement sous-estimées.
Des désaccords autour de cette solution
Carlos Tavares, le patron de Stellantis, n’hésite pas à critiquer la précipitation des dirigeants européens dans leurs annonces en faveur de la voiture électrique maintenant qu’ils ont voté l’interdiction de la vente des véhicules à moteur thermique à compter de 2035. Il les alerte régulièrement ainsi que l’opinion publique sur les conséquences d’une politique qui mise tout sur l’électrique, sans prendre en compte son coût social et qui ignore manifestement la réalité économique qui va conduire à augmenter de 50 % le prix des automobiles.
En fait, certains commentateurs considèrent que beaucoup de responsables qui affirment avoir les yeux de Chimène pour la voiture électrique ont conscience du caractère irréaliste de leur engagement. Ils ne se montreraient aussi déterminés que parce qu’ils espèrent ainsi susciter chez les industriels des efforts de recherche permettant d’amplifier la décarbonation de l’économie grâce à l’amélioration des performances du moteur thermique et à l’émergence d’énergie alternative, dont l’électricité serait une composante.
Après tout, Jules Verne, qui reste un précurseur dans la mémoire collective, n’a-t-il pas, dans son roman Paris au xxe siècle, imaginé qu’en 1960, cent ansaprès la rédaction de son texte, les déplacements individuels se feraient dans des véhicules à hydrogène ? Ce n’était pas le cas en 1960, mais ce le sera peut-être en 2060, puisqu’alors, comme en 1860 ou en 1960, l’électricité transportée restera soumise à l’effet Joule…
Découvrir les ouvrages de Jean-Marc Daniel aux Éditions Tallandier.
> Redécouvrir les physiocrates paru le 10 octobre 2022
> Vivement le libéralisme ! paru le 1 septembre 2022
> Histoire de l’économie mondiale paru le 26 août 2021
> Traité d’économie paru le 3 août 2021
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