Voyage
On connaît l’Orient-Express, le Transsibérien… Il existe des trains mythiques de l’Espagne à l’Australie en passant par l’Inde et la Chine. Tour du monde.
Certains de ces trains mythiques sentent le cuir et le bois, d’autres sont gainés de matériaux high-tech, mais tous offrent de petites épopées sur rail pour prendre son temps, traverser des pays en ne changeant jamais de chambre… un luxe à savourer à petite vitesse.
El Transcantábrico Gran Lujo, Espagne. Embarquer à Saint-Sébastien, faire étape à Bilbao pour visiter le musée Guggenheim, puis flâner le long de la côte, de port en port. Depuis les larges lits des 14 suites, toutes de bois et de cuir crème, ou depuis la voiture-restaurant où les chefs espagnols se succèdent, les 28 passagers voient défiler les paysages. Avant d’arriver à Saint-Jacques-de-Compostelle, ils sont invités à descendre pour admirer les églises et écumer les marchés de Santander, Gijón et Viveiro. Libre ensuite, pour ceux qui le sentent, de rentrer… à pied ! La Renfe exploite un autre train de luxe, Al Andalus, qui promène ses hôtes en Andalousie.
Le Royal Scotsman, Écosse. Dès l’embarquement, il flotte un air de raffinement. À bord de ce palace roulant, la décoration scintille d’acajou dans le plus pur style édouardien. Le dress-code requiert le port du smoking pour les hommes (voire du kilt) et de la robe de cocktail pour les femmes. Pour mieux contraster avec les paysages de nature sauvage qui défilent, sans doute. Landes battues par le vent, collines escarpées, lochs placides… Mais la douceur règne à l’intérieur : après un massage au spa, on observe l’Écosse en Cinémascope, autour d’une tasse d’Earl Grey ou d’un bon single malt. Et, surtout, on prend son temps. belmond.com
Le Bergen Railway, Norvège. Montagnes, forêts, lacs, fjords… Une seule journée de voyage, mais tant de paysages traversés. La compagnie ferroviaire norvégienne se met en quatre pour sillonner son long pays, dans un univers de précipices tranchants et de bourrasques de neige. Pas de voitures-lits ici, de simples couchettes, mais il faudrait être fou pour voyager de nuit, tant les paysages sont spectaculaires ! La ligne Oslo-Bergen culmine à 1 237 m, se penchant au bord des ravins et frôlant les cascades, traversant 182 tunnels creusés à main d’homme. Au bout du chemin, on peut sauter dans un train de poche et s’enfoncer sur 200 km jusqu’à Flam, descente réputée pour être la plus raide au monde. Dix heures de travellings étourdissants. vy.no/en
Far East à Bord du Danube Express, Europe centrale. Créée en 1989 par le Britannique Tim Littler, la compagnie Golden Eagle balade ses luxueux convois dans les brumes d’Europe centrale, sillonne la totalité de la Russie en remontant jusqu’en Arctique et en poussant jusqu’à Pékin, mais se plaît aussi à fureter dans les Balkans, à traverser la Transylvanie, à pourfendre la Turquie pour passer la frontière iranienne… Son odyssée caspienne vous embarque également en Arménie, pour vous faire glisser de l’Azerbaïdjan à l’Ouzbékistan, en passant par le Kazakhstan, au fil des noms les plus exotiques et des trésors historiques de l’Asie centrale. La grande aventure. Deux semaines, à partir de 15 000 €.
Transsiberian Express, Russie. Il n’est pas possible de parler des trains mythiques sans évoquer le fameux Transsibérien, la « Merveille des temps modernes », selon le tsar Alexandre II. La littérature a raconté le patient défilé d’arbres, de fleuves, d’usines désaffectées, d’isbas ; cet « autre côté du monde ». Espérons pouvoir un jour y embarquer à nouveau pour relire Blaise Cendrars, en buvant le thé du samovar. On pourra aussi choisir la version luxe, entre Moscou et Vladivostok : quinze jours et 9 288 km de flânerie et de stops entre la capitale de la Russie d’Europe et celle de la Russie d’Extrême-Orient, version canapés en velours rouge et rivières de vodka. goldeneagleluxurytrains.com
Les trains mythiques en Asie
Qing-Zang, Chine. Il traverse la Chine dans presque toute sa largeur. Durée du périple : plus de 47 heures. Le train part de Shanghai, sur la côte est de la Chine, et achève sa route à Lhassa, capitale du Tibet. Un voyage de 4 373 km, qui passe par les plaines du centre de la Chine avant de filer dans les montagnes tibétaines. Les rails de ce « dragon de fer qui danse sur le toit du monde » atteignent parfois les 5 072 m d’altitude, ce qui en fait la ligne la plus haute au monde. Le billet s’achète sur place.
Eastern and Oriental Express, Asie. Chefs et butlers bichonnent les passagers dans un cadre rétro, entre Singapour et Bangkok, via la Malaisie et le pont de la rivière Kwaï. Les voitures étincelantes, dans lesquelles on s’attend à croiser Marlène Dietrich exfiltrée de Shanghai Express, traversent jungles vert émeraude, rizières et villes aux minuscules gares fleuries. Depuis le piano-bar climatisé ou installé dans un fauteuil en rotin sur la plate-forme panoramique, on regarde défiler cette Asie du Sud-Est d’un autre temps en sifflant des gins tonic.
Le Seven Stars, Japon. Surnommé « Le train sept étoiles », le Seven Stars de la JR Kyushu Railways sillonne l’île de Kyushu, l’une des plus belles régions du Japon, en 4 jours et 3 nuits. Les conditions de luxe sont exclusives, avec seulement 14 suites décorées d’un mélange de styles oriental et occidental, avec salles de bains équipées de toilettes… japonaises. Le voyage comprend la cuisine kaiseki (petits plats servis avec un extrême raffinement), ainsi qu’une nuit dans un ryokan, à Kirishima, pour faire l’expérience des sources d’eau chaude. La compagnie propose aussi un Sweets Train, à bord duquel bonbons et pâtisseries composent les menus ! cruisetrain-sevenstars.jp/english
Le Deccan Odyssey, Inde. Des flots de soie crème habillent les fenêtres, une moquette chamarrée étouffe le pas des serveurs enturbannés portant des plats parfumés de mille épices… La décoration des cabines, les fauteuils fuchsia du bar, les néons de la voiture spa (avec sauna et petit gymnase) rappellent les palaces des années 50 du cinéma de Satyajit Ray et invitent à plonger paresseusement dans l’Inde des maharadjahs. Le long convoi de 21 voitures se promène dans le nord de l’Inde, au fil de plusieurs circuits. Le plus classique parcourt, en huit jours et autant d’escales, les villes du Rajasthan, avec flots de musique et d’éléphants à chaque escale. deccan-odyssey-india.com
Afrique et Amériques
The Pride of Africa, Afrique du Sud. Tout commence en 1985 lorsqu’un homme d’affaires sud-africain, Rohan Vos (d’où le nom Rovos Rail), passionné par l’ingénierie mécanique, achète deux wagons pour les atteler à un train à vapeur pour son usage privé. Quatre ans plus tard, il lance sa propre compagnie ferroviaire. Elle est aujourd’hui l’une des plus luxueuses au monde, avec des wagons qui sont pour la plupart de véritables pièces de collection rénovées dans un style classique de l’époque victorienne. Son périple le plus incroyable met 14 jours pour aller du Cap à Dar es-Salaam, capitale de la Tanzanie, au bord de l’océan Indien, à travers le Botswana, le Zimbabwe et la Zambie. Une formidable migration émaillée de safaris-photos, de nuits au bord des célèbres chutes Victoria, de tours en hélicoptère ou à dos d’éléphant, à travers déserts et réserves. Le voyage d’une vie.
Le Rocky Mountaineer, Canada. De Calgary à Vancouver ou de Whistler à Jasper, impossible de décoller les yeux de cette nature démesurée. Luxueux et nonchalant, le Rocky Mountaineer se faufile à travers les somptueuses Rocheuses canadiennes. Pour se faire plaisir et profiter des meilleures vues, une incursion dans les wagons Gold Leaf s’impose. On y découvre un environnement de luxe, des plafonds de verre en forme de dômes et des vitres immenses. « Pas d’inquiétude : nous lavons les vitres à grande eau entre chaque voyage ! » plaisante le site du Rocky Mountaineer, qui vous promet de passer le voyage le nez collé à la baie vitrée pour saluer aigles, ours et mouflons. rockymountaineer.com
Le Coast Starlight, Californie. Traversant trois États en 35 heures, le Coast Starlight part de Seattle pour rejoindre les plus grandes villes de la côte Ouest, en passant par les sommets enneigés de la chaîne des Cascades, puis en longeant l’océan Pacifique pour rallier Los Angeles. Si le voyageur arrive à détacher ses yeux des fenêtres de ce train à double étage, il aura tout le temps de profiter de nombreuses animations à bord : dîners élégants, dégustation de vins et de fromages et même sorties au théâtre – le train a sa propre salle de théâtre. Vancouver, Salem, Sacramento, Santa Barbara… La liste des étapes à elle seule fait rêver. amtrak.com
Hiram Bingham, Pérou. Nommé d’après le nom du célèbre explorateur américain qui s’attribua la découverte de la cité inca du Machu Picchu, l’Hiram Bingham entraîne ses passagers dans un voyage à travers les Andes péruviennes, de Cusco au Machu Picchu. Ses célèbres voitures bleu et or rappellent les plus belles heures des luxueux wagons Pullman, entre laiton et bois poli. Le wagon d’observation, garni d’enveloppants sièges rembourrés et décoré de boiseries, dégage une atmosphère de luxe contrastant avec la nature sauvage qui défile sous les yeux. La lente progression vers la citadelle inca traverse des paysages escarpés et creusés de tumultueuses rivières, totalement hypnotiques. Une expérience courte, mais intense.
Deux trains mythiques en Australie
L’Indian Pacific, Australie. Ce train transcontinental relie l’océan Pacifique à l’océan Indien, en traversant un océan d’un tout autre genre, rouge celui-ci : le désert australien. Ce long trajet est pourtant loin d’être monotone. La ligne longe les célèbres Blue Mountains, qui doivent leur nom aux reflets bleutés de l’essence qui s’échappe des eucalyptus, stoppe à Broken Hill ou à Kalgoorlie, mines d’argent et d’or… Passé Adélaïde commence alors la grande plaine aride du Nullarbor, ou Oondiri pour les Aborigènes, autrement dit « sans eau ». C’est aussi là qu’on peut parcourir la plus longue ligne droite du monde : 297 miles, soit 478 km ! journeybeyondrail.com.au
The Ghan, Australie. Le Ghan n’a rien à envier à son grand frère l’Indian Pacific. Cette artère ferroviaire essentielle de l’Australie sur l’axe nord-sud doit son nom aux nombreux chameliers afghans qui aidèrent à sa construction. Le parcours se déroule sur 15 000 km de terres hostiles entre Alice Springs et Darwin, traversant les vastes étendues de l’Outback. Un voyage épique de trois jours au cœur des spectaculaires clichés du bush australien : pistes ocre et desséchées, à perte de vue, sous un ciel bleu perçant et un soleil écrasant. Le confort contraste avec les conditions dantesques qui règnent à l’extérieur, dans le désert. journeybeyondrail.com.au
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