The Good Business
Fondée en 1993 à Rotterdam, l’agence MVRDV est devenue un mastodonte. Aux quatre coins de la planète, Winy Maas, Jacob Van Rijs et Nathalie De Vries prêchent une approche décomplexée de l’architecture qui ne s’interdit pas grand-chose, si ce n’est la neutralité. Ils affrontent ce monde en mutation et multiplient les projets sans jamais ralentir.
« We create happy & adventurous places », annonce la page d’accueil du site Internet de MVRDV. Des lieux joyeux et aventureux, aux quatre coins de la planète, peu importe le flacon pourvu qu’il y ait les mètres carrés : voilà en somme l’équation à succès du trio néerlandais.
Car l’architecture de MVRDV s’inscrit plutôt à rebours de la frugalité ou de l’économie de moyens aujourd’hui revendiquées par bon nombre d’architectes à l’heure de l’urgence écologique. Mais revenons quelques années en arrière. MVRDV est né en 1993 de l’association entre Winy Maas (né à Schijndel en 1959), Jacob Van Rijs (né à Amsterdam en 1964) et Nathalie De Vries (né à Appingedam en 1965).
« Des projets qui, avant tout, respectent l’échelle humaine »
Tous trois diplômés de l’influente Delft University of Technology – plus connue sous le nom de TU Delft –, ils ont accolé leurs initiales pour créer ce qui est aujourd’hui l’une des agences les plus renommées et les plus influentes du monde.
« Nous avons créé MVRDV avec un projet de logements, lauréat d’Europan 11 [compétition biennale de jeunes architectes de moins de 40 ans, NDLR]. Il n’a pas été réalisé mais il est devenu un manifeste. Depuis, nous nous sommes efforcés de vivre – et de surpasser – cet acte fondateur avec des projets qui, avant tout, respectent l’échelle humaine, et sont également flexibles, diversifés, innovants, durables, sociaux, abordables et passionnants, en travaillant à toutes les échelles, depuis la maison unifamiliale au bâtiment monumental abritant plus de 1 000 logements », résume le trio, même si l’échelle de ses réalisations flirte désormais plus souvent avec le XXL qu’avec le XS.
Un recours massif à la communication
A l’origine, MVRDV est une petite agence néerlandaise installée à Rotterdam qui réveille le milieu par une approche décomplexée. Dans les années 90, la scène nationale est à son apogée et le trio, dans le sillage de ses aînés OMA ou UNStudio, fait parler de lui à travers des projets iconoclastes mais aussi un recours massif à la communication.
Car l’agence n’a pas attendu l’avènement des réseaux sociaux pour mesurer l’importance de communiquer afin d’exister dans ce milieu très concurrentiel qu’est celui de l’architecture. Leurs premiers travaux font l’objet de publications hautes en couleur – FARMAX (1998), MetaCity/Datatown (1999) ou encore Costa Iberica (2000) –, alors que la profession s’ennuie encore dans les monographies traditionnelles et austères.
On les découvre avec l’audacieux pavillon néerlandais, conçu pour l’exposition universelle d’Hanovre en 2000, qui aborde les questions d’écologie et de rapport à la nature. Parmi les réalisations qui ont assis leur réputation internationale, Silodam (2002, Amsterdam) joue la carte de la mixité typologique et sociale à l’intérieur comme à l’extérieur avec un jeu de façades hétérogènes qui a fait la une de la presse spécialisée.
En 2005, c’est à Madrid que le projet Mirador interrogeait la densité contemporaine. Des problématiques avant-gardistes que les Néerlandais ont pris à bras le corps quand l’architecture peinait encore à sortir du postmodernisme.
Du plus petit au plus grand
Aujourd’hui, MVRDV est un mastodonte qui rassemble 250 collaborateurs et produit des milliers de mètres carrés dans le monde entier. Au caractère avant-gardiste et inventif des débuts a succédé une approche décomplexée qui ne s’interdit rien.
De cette évolution résulte à la fois des bâtiments intéressants mais aussi des édifices sans âme et décontextualisé qui pourraient être construits n’importe où. En 2014, MVRDV réalise le Markthal, à Rotterdam, un bâtiment étourdissant mêlant logements et marché couvert. Diablement photogénique et inventif dans sa typologie, le bâtiment est devenu le symbole du renouveau de la cité portuaire et ne désemplit pas.
Deux ans plus tard, dans la même ville, ils inaugurent la « MVRDV House », nom de code de leurs nouveaux bureaux. « En pleine expansion, la famille MVRDV avait besoin d’une nouvelle maison : c’est exactement ce que nous avons essayé de traduire. Tout ce dont la maison a besoin : un salon, une salle à manger, un canapé pour s’asseoir tous ensemble, explique Jacob Van Rijs. Mais c’était aussi l’occasion de saisir la manière dont nous fonctionnons en tant que lieu de travail, puis de créer de nouveaux espaces sur mesure pour améliorer nos méthodes et notre productivité ; des espaces efficaces qui boostent notre approche collaborative du travail. »
Un bureau MVRDV à Paris
Pièce maîtresse, une table dédiée aux repas mesurant 30 mètres de long pour favoriser l’interaction sociale et l’esprit d’équipe. C’est en terrain connu qu’ils sont les meilleurs. Car à l’autre bout de la planète, à Tianjin (Chine), à Séoul ou à San Francisco, c’est une autre histoire. Les mètres carrés s’envolent. A Pune, en Inde, MVRDV a réalisé en 2018 les Future Towers : 140 000 m2, 1 068 appartements abrités dans une montagne habitée.
A Taipei, les futures Twin Towers s’élèveront sur quelque 450 000 m2 derrière des façades médias interactives. Des projets qui donnent le vertige. Outre le bureau principal à Rotterdam, ils ont une antenne en Chine et ont récemment ouvert des bureaux à Paris.
Dans la capitale française, ils ont construit le Pushed Slab, un immeuble de bureaux durables dans l’écoquartier Gare de Rungis du 13e arrondissement et mènent de front plusieurs projets d’envergure en France : la rénovation du palais du Commerce, à Rennes, l’opération Montivry, à Ivry, Bastide Niel, à Bordeaux… Lister les opérations de MVRDV sur le territoire reviendrait presque à énumérer les étapes du Tour de France tant ils sont partout.
MVRDV, construire mais aussi réfléchir
Dans cette effervescence constructive, MVRDV essaie parfois d’appuyer sur pause. Ils ont créé The Why Factory, think tank et institut de recherche indépendant animé avec la TU Delft et dirigé par Winy Maas. Objectif ? Imaginer la ville de demain et explorer les problématiques contemporaines, ce qui les a toujours passionnés.
Un travail de recherche qui nourrit la conception des projets, eux-mêmes prétextes à pouvoir développer des axes de réflexion. Winy Maas s’est largement imposé comme l’image médiatique du trio. C’est lui que l’on voit partout tandis que les deux autres cofondateurs se font plus discrets.
Il faut dire qu’il est ce qu’on appelle « un bon client ». C’est lui le porte-parole de la marque MVRDV. Affable, ironique, il sait aussi exprimer son engagement. Le 23 mai dernier, lors d’une conférence au centre d’architecture bordelais Arc en rêve, il affirmait son affection pour l’Union européenne malmenée : « Je suis profondément européen, je veux travailler dans tous les pays de l’Europe car nous avons besoin des uns des autres pour com- battre ce nationalisme latent. »
Cela tombe bien, tout le monde s’arrache les services des Néerlandais et de leurs réalisations à succès. Sur leur site figure même crânement un compteur des prix et nominations depuis la création de l’agence. Dernier chiffre en date ? 99. Nul doute que MVRDV n’a pas l’intention de ralentir.
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