Voyage
Ce nouvel hôtel reflète parfaitement l’histoire et les grandeurs anciennes de la cité majorquine. Quant à ses prestations, elles lui confèrent un charme résolument romanesque.
Rien n’indique la réception à l’entrée du Can Bordoy. On entre dans cet hôtel comme dans une vieille maison de vacances de famille. Et on en ressort un peu déboussolé. Posez vos valises dans cet établissement le temps d’une escapade à Palma et vous vous retrouverez au centre de toutes les attentions. L’impeccable sens du service des majordomes de cette demeure passe par l’écoute et l’échange avec le commun des mortels – oubliez le personnel d’hôtel impersonnel –, jusqu’à de délicates attentions, comme l’arrangement quotidien des fleurs dans votre chambre. Tous les sens sont ici choyés.
Les années folles
Arrivez en début de soirée et vous vous surprendrez à savourer d’entrée de jeu l’un de ces cocktails un peu surannés qui sont proposés au bar et qui font également office de verre d’accueil. Situé dans le centre historique de Palma, le Can Bordoy est l’un des rares établissements hôteliers de la capitale de l’île de Majorque à posséder un jardin privé de 750 m2 – l’un des plus grands de la ville –, incluant une coquette piscine d’agrément. Cette maison, érigée au XVIe siècle par la famille de marchands Bordoy Blanes et aujourd’hui remaniée et revisitée, a tout d’un remake, à petite échelle, de Gatsby le Magnifique. Le temps où les sœurs de la lignée Bordoy dirigeaient le collège du Sacré-Cœur-de-Jésus est révolu, et l’hôtel organise désormais régulièrement des fêtes grandioses sur le thème de ce film évoquant les années folles et son insouciance.
« L’architecture d’origine était tout sauf merveilleuse, évoque Giovanni Merello, directeur général du Can Bordoy. Elle avait un caractère très sombre, tout sauf accueillant ou opulent… » Le quartier de la Loge de Palma et ses bâtisses de style gothique catalan – où siégeait autrefois le collège des marchands – sert donc de décor de fond à ces 3 300 m2 acquis par l’entrepreneur suédois Mikael Hall, dans l’optique d’y réaliser une quarantaine de chambres. Entièrement revisité par l’agence madrilène Ohlab – Paloma Hernaiz et Jaime Oliver sont réputés pour leur conception de l’architecture à taille humaine –, l’hôtel Can Bordoy compte au final seulement 24 suites, ce qui résume parfaitement l’essence même de cette « enclave intimiste », comme le souligne Giovanni Merello.
Des fissures peintes à la main
L’établissement a été inauguré en 2018, dans le fil de nouveaux restaurants et hôtels participant peu à peu à rehausser l’image de Palma comme cité balnéaire contemporaine et cosmopolite – et non plus seulement comme point de chute de Scandinaves à la recherche de résidences secondaires sur l’île. Le Can Bordoy séduit, à l’instar de son confrère, ouvert en 2012, l’hôtel Es Princep, dont la construction a suivi la réhabilitation d’une partie du quartier historique de la marina de Palma. Les touristes, tout comme la bonne société majorquine, sympathiquement réservée tout en étant ouverte aux nouveautés, viennent dîner, le soir venu, au Botànic, le restaurant du Can Bordoy. A sa tête s’active le chef Andrés Benítez, formé aux étoilés Michelin, dont la star Sergi Arola.
Avec ses tapas de circonstance – petites assiettes et plats bien sentis faisant honneur à la cuisine entre terre et mer des Baléares –, combinés de vins parfois biodynamiques, l’endroit propose une lecture haut de gamme et hybride de ce qui se trouve dans les nombreux marchés de bouche qui font le bonheur des habitants de Palma et de ses visiteurs, toujours plus nombreux à y faire escale avant de découvrir le reste de l’île. Barcelone n’est qu’à cinquante-cinq minutes de vol…
Dans le lobby et les espaces communs de l’hôtel, comme dans son beau patio et dans les suites (de 30 à 80 m2), c’est une philosophie non pas majorquine mais japonaise qui a été appliquée : celle du kintsugi, qui désigne habituellement l’art de réparer la céramique. Parquet d’époque recréé, tapisserie vintage sur mesure ou encore verreries soufflées main révèlent l’extraordinaire travail des artisans locaux appelés sur le chantier du Can Bordoy pour mettre en œuvre un univers où même la simple fissure – peinte à la main ! – est artificielle. Le résultat est à la hauteur de ces artifices. Les hôtes aiment se retrouver ainsi plongés dans ces espaces à vivre quasiment coupés de la réalité, le temps d’un court séjour – à Palma, la moyenne est d’environ trois nuitées.
Dans les chambres, la literie et son confort surdimensionné et les salles de bains aux allures de palace du futur sont d’obédience italienne et dernier cri. Sur le rooftop, une partie du toit est translucide et permet même d’observer les allées et venues dans l’intimiste spa, un étage en dessous, tout en admirant les ruelles et les monuments de Palma en contrebas. L’esprit fin de siècle – voir et être vu – gagne le Can Bordoy à tous les étages et enivre, sans aucune limite de plaisir à l’horizon.
Can Bordoy
Forn de la Glória 14, Palma de Mallorca.
Tél. +34 871 871 202.
www.canbordoy.com