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Il fait partie de cette génération de chefs qui s’affranchissent du modèle encore en vigueur dans le monde de la restauration américaine : celui d’une cuisine formatée, déclinable à l’infini. A la tête de l’Alter depuis 2015, Bradley Kilgore ne cesse d’imaginer des concepts inédits à Miami.
Situé dans le quartier effervescent de Wynwood, Alter, le restaurant de Bradley Kilgore, illustre parfaitement ce contre-courant pris par certains jeunes chefs américains. Un secteur branché, une salle sans nappes blanches, une cuisine ouverte et, dans l’assiette, une proposition ambitieuse, proche de la cuisine gastronomique.
Car de l’ambition, ce chef n’en manque pas. Originaire de Kansas City, dans le Midwest, il a su très tôt que la cuisine serait son mode d’expression et il s’est donné les moyens pour atteindre son but. Après quelques jobs derrière les fourneaux et une formation accélérée dans une école, il part en stage en Italie.
Puis son parcours le mène à Chicago auprès de Grant Achatz, à l’Alinea. Un poste qu’il quitte pour suivre Laurent Gras lorsque ce dernier décide d’ouvrir le L2O. Il y reste deux ans avant de devenir le sous-chef d’Epic, restaurant aujourd’hui fermé, mais qui a eu son heure de gloire. Fort de cette expérience, il débarque à Miami en 2011 avec sa femme Soraya, chef pâtissière rencontrée à Denver dans leur école de cuisine.
« C’était la récession, tout était stagnant et au ralenti. Plus rien n’ouvrait à Chicago et je pensais que j’avais déjà travaillé dans les meilleurs établissements. Nous avons choisi Miami, car ma femme y avait vécu. Je suis venu ici, et en trois ans je suis devenu Best New Chef of the Year ! »
Une place à prendre
Mais avant d’obtenir ce titre – les chefs adorent les récompenses – c’est d’abord dans des restaurants d’hôtels que Bradley Kilgore exerce son talent. Chez Azul, la table du Mandarin Oriental, puis au J&G Grill du Français Jean-Georges Vongerichten, le restaurant du St. Regis Bal Harbour Resort.
Mais entre les tables de palaces qui se paient de grands noms, et les restaurants concepts (asiatiques, italiens, latino-américains, bars lounge, voire tout ça à la fois), il y avait bien, pour Bradley Kilgore, une autre place à prendre. « J’ai vu dans la ville un espace pour une cuisine créative qui ne serait pas intimidante. J’ai donc imaginé ce lieu. Avec une ambiance plus décontractée, plus rock’n’roll, et une carte qui ne pille pas votre portefeuille, Alter change l’image du restaurant gastronomique. » L’adresse ouvre à l’été 2015.
Moins d’un an plus tard, Bradley Kilgore fait partie de la dizaine de chefs nommés Best New Chef of the Year 2016 par le magazine Food & Wine. Alter accueille une clientèle variée qui peut se faire plaisir avec le premier menu dégustation (cinq plats pour 75 dollars), ou se régaler de celui à 95 dollars (sept plats) en y ajoutant du caviar à la carte et une très bonne bouteille.
Un éclectisme qui se reflète également dans l’assiette. Tout en étant extrêmement précis et technique, le chef se plaît à brouiller les pistes, misant sur des combinaisons de saveurs parfois déroutantes. Quitte à en faire, par moments, un peu trop. « Le cœur de ma cuisine est français, mais j’y intègre des influences asiatiques. J’aime, par exemple, les saveurs extrêmes de la cuisine thaïe : le très salé, le très acide ou le très épicé. J’aime aussi le soin quasi excessif qu’apportent les Japonais à leurs plats, et je mélange tout ça. Dans certaines recettes, on peut identifier jusqu’à cinq influences différentes, des éléments familiers, ainsi que des goûts totalement nouveaux. La clientèle de Miami veut de l’excitation, des émotions vives, du relief. Il faut que ça explose ! Comme la vie ici. »
Alter a trouvé sa place à Miami, prouvant qu’une autre gastronomie y était possible. Mais qu’on ne s’y trompe pas, Bradley Kilgore est aussi un redoutable homme d’affaires. Il a repris le contrôle de son entreprise en rachetant les parts de ses partenaires, et a fondé le Kilgore Culinary Group, qui lui permet de lancer des lieux inédits et d’imaginer des concepts nouveaux.
En 2016, il a ouvert Brava, une table italienne dans l’Adrienne Arsht Center for the Performing Arts, dans le quartier Omni. Tout récemment – à temps pour Art Basel –, il a inauguré, dans le Design District, le bar Kaido, où le Français Nico de Soto signe la carte des cocktails. Juste à côté, Ember, un grill américain, suivra cet hiver. Toutefois, Alter restera seul et unique, jure-t-il.
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