Transport
Démocratiser le jet privé ? Les start-up se lancent dans l’aventure. Elles ont inventé le taxi-jet à prix fixe et s’inspirent d’Uber pour transposer le modèle de covoiturage dans les airs. De nouveaux modèles économiques apparaissent, mettant ce luxe jusqu’alors inaccessible à la portée de (presque) toutes les bourses. Prêt à jouer les businessmen du CAC 40 pour pas (trop) cher ? Attachez votre ceinture !
Marre d’arriver à l’aéroport deux heures avant le décollage ? de faire le pied de grue pour passer la sécurité et la douane ? de sentir les genoux du passager de derrière vous labourer le dos ? Vous rêvez de zénitude, de service personnalisé et de nuages rien que pour vous ? Vous êtes mûr pour le jet ! Alors que le marché de la vente d’avions privés a chuté depuis 2009, le nombre de passagers, en revanche, ne cesse d’augmenter. L’apparition de nouveaux business-modèles, inspirés de l’économie partagée, lance le jet privé, hier encore apanage des rich and famous, sur la voie de la démocratisation. L’achat d’un jet, c’est un prix qui s’étage entre 3 et 60 millions d’euros. Mais la crise touche tout le monde. Alors, on partage… Vous êtes un peu court, côté budget ? Pensez à l’achat en multipropriété, comme pour les appartements de vacances. NetJets propose, par exemple, d’acheter des heures de vol à l’année, cinquante minimum. Jetfly et Kepplair fonctionnent selon le même principe. Comptez 100 000 à 150 000 € pour une vingtaine de vols par an.
Le Monoprix de l’air
C’est encore trop ? La solution du chartering, permettant la location à l’heure de vol, est pour vous. Sur le modèle du britannique Blink, lancé en 2006, le Français Wijet proposait, trois ans plus tard, des vols en very light jets de quatre places pour 2 400 € l’heure. L’arrivée de cette nouvelle génération d’appareils légers et moins coûteux a inspiré ce concept qui révolutionne les données de l’aviation d’affaires en proposant de héler un jet aussi simplement qu’un taxi, et surtout en instaurant un prix fixe. Rayon d’action : 2 000 kilomètres. De quoi s’offrir un week-end à Venise ou assurer un rendez-vous business à Milan, la nouvelle clientèle se partageant entre deux tiers de businessmen et un tiers de familles, couples ou groupes d’amis s’offrant un extra. En trois ans, Wijet a doublé son chiffre d’affaires, passant de 4 à 8 millions d’euros entre 2012 et 2014 (estimation à 10 millions d’euros pour 2015), et réalisant une première levée de fonds de 8 millions d’euros en 18 mois, avant une seconde levée historique de 15 millions d’euros fin 2015, dans le but de tripler le nombre de ses avions en deux ans et d’étendre ses activités en Asie. Son exemple encourage d’autres audaces : la dernière s’appelle Le Jet et a été lancée en avril 2015. Elle propose deux liaisons hebdomadaires Paris – Londres, en 45 minutes et pour un prix d’appel de… 490 € HT la place !
Le low-cost de l’ultraluxe
Première classe
Wijet
Corentin Denoeud et Alexandre Azoulay, en association avec le pilote de l’armée de l’air Jean-François Hochenauer, sont les cofondateurs de cette société française de taxi-jet. La PME a lancé un système de tarification unique qui permet d’embarquer à quatre pour 2 400 € l’heure de vol, vers 1 200 destinations d’Europe et d’Afrique du Nord. Miniprix, mais prestations
de luxe : prise en charge pour le transfert, téléphone satellite, champagne et macarons Hermé à bord… La flotte est composée de Citation Mustang de dernière génération. Ces premiers very light jets certifiés en Europe sont moins bruyants et plus écologiques, car ils rejettent moins de CO2 dans l’atmosphère. En 2014, Wijet a par ailleurs signé un partenariat exclusif avec « La Première » d’Air France pour proposer la continuité après un vol long-courrier partant de ou arrivant à Charles-de-Gaulle : dès l’atterrissage, une limousine vous attend pour vous conduire au jet qui vous ramènera au plus près de chez vous. Pratique, isn’t it ?
Liaisons régulières
Le Jet
Patron d’une entreprise de ressources humaines en Charente, Christophe Ducluzeau a décidé de mettre l’aviation d’affaires à la portée de tous en proposant un prix accessible. Misant 200 000 euros dans ce projet, il a expérimenté son idée au printemps 2015 sur des liaisons Cognac – Paris ou Angoulême – Paris vendues pour près de 600 €, en jouant le rôle d’affréteur auprès
de compagnies aériennes. Il a ensuite lancé, le 23 novembre dernier, une liaison régulière Paris – Londres au prix fixe de 490 € HT. Deux vols le matin et deux vols le soir, deux fois par semaine : impeccable pour aller signer un contrat ou s’offrir un week-end dans la capitale anglaise.
Covoiturage aérien
Cojetage
Spécialiste de l’empty legs, ce site pilote de la compagnie Wijet s’emploie, depuis sa création en 2010, à démocratiser le jet privé en vendant à prix cassés les « vols à vide », proposant des tarifs « cinq à dix fois plus bas qu’à l’accoutumée ». Cojetage a lancé en 2014 sa plate-forme de réservation en ligne, ainsi que des applications mobiles (iPhone, Android). Le principe est simple : chaque détenteur de jet met en ligne une annonce avec le vol prévu (date, points de départ et d’arrivée, prix) et les passagers potentiels repèrent le vol qui pourrait leur convenir. Selon la taille de l’appareil, le propriétaire peut proposer entre quatre et dix-huit sièges. On voyage donc souvent avec d’autres passagers, même si une formule propose de privatiser intégralement un avion. Initialement affilié à la seule Wijet, Cojetage a contracté des accords avec une dizaine d’autres compagnies aériennes, pour élargir son offre.
La plate-forme du jet
PrivateFly
Ce portail de réservation pour l’affrètement d’avions privés et la location de jets est basé à St Albans, près de Londres. Créé en 2008, il a réalisé une levée de fonds de 2 M £ en 2011. Dirigée par Adam Twidell, qui la présente comme le Skyscanner ou l’Expedia du jet, l’entreprise a lancé l’hiver dernier un service de transferts en hélicoptère privé depuis 14 aéroports français et suisses vers plusieurs stations de ski d’Europe. En février 2015, la plate-forme en ligne a sorti son application mobile en France, qui compare instantanément les différents prix sur un réseau de plus de 7 000 jets privés basés partout dans le monde et qui permet aux usagers de décoller 45 minutes après la réservation.
Agences connectées
OpenJet
Cette plate-forme permettant de réserver des prestations de jets privés à la fois en ligne et en temps réel est encore une émanation de la galaxie Wijet. Elle met en relation opérateurs de chartering et passagers et s’adresse également aux agences de voyages. Jusqu’à présent, ces agences hésitaient à répondre à des demandes de prestations de jets privés émanant de leurs clients (entreprises ou particuliers), en raison de la complexité à gérer ce type de services. Un récent partenariat signé avec Amadeus permet désormais aux professionnels du voyage de rechercher, réserver et régler des vols et des services associés auprès d’opérateurs de jets privés. Une grande première.
L’objectif est d’attirer les patrons de PME ou les cadres qui circulent habituellement sur des lignes régulières ou en Eurostar. Quand le train en première classe coûte 310 € pour 2 h 15 de trajet, on peut effectivement commencer à réfléchir pour de bon. Mais l’imagination ne s’arrête pas là. Avec un marché qui représente 300 millions d’euros en France et 1,5 milliard en Europe, elle tourne même à plein régime. L’économie collaborative et les nouvelles technologies font décoller le monde de l’aérien. Des start-up se sont positionnées sur ce secteur de niche en proposant de réserver un jet privé en quelques clics sur une application mobile, aussi facilement qu’on commande un Uber. Ces plates-formes de réservation en ligne, telles PrivateFly, Fly Victor ou OpenJet, mettent en relation passagers et opérateurs en temps réel.
Empty legs à prix cassés
Restait à exploiter le créneau très prometteur de ce que les Anglo-Saxons appellent l’« empty legs ». Partant du principe que les propriétaires de jets privés, eux aussi touchés par la crise, sont contraints de rentabiliser (un minimum) leurs avions, des petits malins ont eu l’idée d’offrir la possibilité de voyager en mode luxe pour un prix imbattable. Sur le modèle de BlaBlaCar ou d’Airbnb, ce concept inédit lancé par Fly Victor ou Cojetage repose sur une idée simple qui consiste à remplir les vols à vide des jets privés, soit environ 40 % du volume. Il s’agit de vols dits de positionnement, qui permettent aux compagnies de ramener un jet, après une course, vers sa base. Comptez à partir de 150 € la place en partageant l’appareil avec d’autres passagers. Trouvé au hasard des sites : un Valence – Genève à 240 €, un Perpignan – Milan à 600 € ou un Paris – Nice en Falcon 900 pour 258 €. Des prix qui pousseraient à se convertir au « coavionnage », sans compter la bonne conscience écologique : le partage fait chuter l’empreinte carbone !
La France en tête en Europe
Dans le secteur de l’aviation privée, plusieurs nouveaux marchés sont actuellement en expansion, notamment en Asie, mais les Etats-Unis et l’Europe représentent encore à eux seuls 90 % de l’ensemble du trafic. Le marché américain de l’aviation d’affaires est plus mature et 3,5 fois plus important que le marché européen – question de culture (et de géographie) ! Avant la crise, l’aviation d’affaires croissait de 10 % par an en Europe ; après une période de creux, le secteur montre des signes de reprise. On enregistre 240 000 mouvements chaque année en France, entre Nice, Cannes-Mandelieu, Lyon-Bron, Chambéry… situant l’Hexagone en tête du marché européen pour l’aviation d’affaires. L’aéroport du Bourget fait partie des aéroports européens les plus fréquentés, devançant Genève et Nice-Côte d’Azur. Toutes les six minutes environ, un jet décolle du Bourget, qui se rapproche de nouveau de son record de 2007 : 60 000 mouvements annuels. L’axe Paris-Genève est le trajet le plus demandé, devant le Paris-Nice et le Paris-Milan.
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