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Xylella fastidiosa, la grande menace
Xylella fastidiosa, la grande menace.
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The Good Business

Xylella fastidiosa : La bactérie qui menace les oliviers

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En 2015, les prix de l’huile d’olive, en Europe, ont subitement augmenté de 20 % par rapport à 2014. La cause ? La disparition de milliers d’oliviers dans le sud de l’Italie, victimes de la Xylella fastidiosa. Alors que les autorités italiennes peinent à traiter le phénomène, les pays voisins s’inquiètent d’une possible propagation de la bactérie tueuse. Afin d’éviter que l’huile d’olive ne finisse par devenir un produit de luxe, les acteurs européens tentent de développer des moyens de lutter contre ce fléau.

Xylella fastidiosa, tout a commencé dans le sud de l’Italie

En 2013, dans la province de Lecce, dans les Pouilles, le Conseil national de recherches de Bari découvre la présence d’une bactérie, la Xylella fastidiosa, laquelle transmet la maladie de Pierce. Celle-ci provoque l’arrêt de la circulation de la sève dans les feuilles des plantes, causant leur flétrissement, puis leur mort. Connue pour avoir dévasté les champs de citronniers au Brésil et les vignobles californiens au XXe siècle, cette bactérie tueuse n’avait encore jamais traversé l’Atlantique. Son arrivée en Italie prend les autorités de court, qui ne possèdent aucune méthode fiable pour traiter les arbres infectés. « La grande difficulté pour lutter contre cette maladie tient dans le fait que la bactérie est transportée par de petits insectes, à l’instar de la cicadelle, qui sont des milliards sur le territoire européen », explique Egidio Lardo, directeur des laboratoires d’agrément de l’université de la Basilicate, à Potenza. Sur les conseils de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), l’Union européenne (UE) recommande à la région des Pouilles de créer une zone tampon, au nord de la ville de Lecce, sur une ligne allant de la mer Ionienne à la mer Adriatique, la crémation des arbres susceptibles d’être atteints dans un périmètre de cent mètres, ainsi que l’interdiction d’exporter les arbres de la région.

Voilà qui a immédiatement suscité les foudres des producteurs d’huile d’olive. En plus de s’attaquer à un patrimoine historique de la région – certains oliviers sont millénaires –, cette mesure représente un coût important. L’abattage des arbres malades et les mesures préconisées par l’UE pourraient représenter près de 200 millions d’euros pour la seule année 2015. La mesure réduirait également la production nationale, puisque la région des Pouilles produit près de 40 % de l’huile d’olive de l’Italie. Alors que les premiers travaux de recherche attribuent la contamination à l’importation de plantes du Costa Rica, des théories en tous genres naissent en Italie pour contester les méthodes de l’UE. La bactérie aurait été introduite par des promoteurs désireux de récupérer des territoires – une municipalité a déjà autorisé la construction d’une discothèque au milieu de champs d’oliviers abandonnés –, ou encore par les autorités italiennes pour faire place nette au gazoduc Trans Adriatic Pipeline (TAP). « Les mesures d’arrachage et les polémiques sur leur légitimité ont provoqué un état de confusion dans le secteur. Résultat, la maladie ne s’est pas arrêtée », constate Egidio Lardo.

Xylella fastidiosa, la grande menace.
Xylella fastidiosa, la grande menace. Ariel Martín Pérez

Propagation en Europe de la bactérie Xylella fastidiosa

Les acteurs de la région des Pouilles ont toutefois fini par s’entendre sur quelques mesures à mettre en place, comme l’élagage des arbres et la plantation de variétés d’oliviers plus résistantes à la bactérie, comme la leccino. Mais l’absence de traitement continue d’inquiéter. La peur est renforcée par une étude de l’université de Naples – Frédéric-II, publiée en mars dernier, qui alerte sur la possibilité de la propagation. « Nous avons analysé les conditions écologiques de développement de la bactérie dans les Pouilles, et nous avons comparé ces informations avec celles du bassin Méditerranéen, explique Luciano Bosso, coauteur de l’étude. Une vaste zone du Bassin est exposée [à la bactérie], notamment au Portugal, en Espagne, en Italie, en Corse, en Albanie, au Monténégro, en Grèce, en Turquie ainsi qu’en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. » En France, les autorités sanitaires multiplient les contrôles pour détecter la présence de la bactérie sur le territoire. En avril 2015, elle a été repérée sur le marché de Rungis, dans un caféier importé du Costa Rica. En juillet 2015, elle a été découverte en Corse, puis en région PACA, en octobre. Malgré la médiatisation de ces découvertes, le danger pour les cultures françaises reste faible. « La souche de la bactérie Xylella fastidiosa française [découverte en Corse et en PACA] est différente de celle qui a été détectée en Italie, tempère Olivier Nasles, président de l’Association française interprofessionnelle de l’olive (Afidol). Elle attaque d’abord les plantes d’ornement, comme le polygale à feuilles de myrte. »

Reste que le risque, réel ou supposé, de propagation de la souche italienne (pauca), ou de mutation de la souche présente en France (multiplex), finit par convaincre l’UE d’accélérer la mise en place d’un programme de lutte contre la Xylella fastidiosa. Fin 2015, l’EFSA organisait un atelier réunissant une centaine de scientifiques du monde entier pour faire le point sur les connaissances de la bactérie et sur les pistes de recherches à mener afin de lutter contre elle. A la suite de ces travaux, l’UE a lancé un appel à manifestation d’intérêt de 7 millions d’euros, destinés à financer des travaux de lutte contre la Xylella fastidiosa. Une équipe de chercheurs français et belges a présenté le projet Lubixyl, qui propose de développer une méthode de lutte contre la bactérie en utilisant un champignon ou un « phage » (virus). Le projet préconise également d’utiliser une technique par injection d’enzymes dans le tronc des arbres touchés, technique qui pourrait, en prime, être utilisée dans d’autres secteurs. « La raison de notre mobilisation, c’est le risque de voir la souche détectée en France s’attaquer à la vigne. Les dommages pourraient être aussi graves qu’avec le phylloxéra », explique Olivier Nasles. En attendant qu’une technique de protection émerge, les oliviers continuent de mourir en Italie. Et le prix de l’huile d’olive devrait de nouveau bondir cette année.

Les palmiers meurent aussi

Xylella fastidiosa, la grande menace

Depuis quinze ans, 250 000 palmiers sont morts en Europe, victimes de deux ravageurs : le papillon Paysandisia archon et le charançon rouge. Apparu dans les années 90 en Espagne, le Paysandisia archon s’est répandu en France dans les années 2000. Les œufs sont déposés dans les couronnes des arbres, puis les chenilles creusent des galeries et se nourrissent des tissus du palmier, le conduisant à sa mort en près de trois ans, en moyenne. A partir de 2006, un second nuisible, le charançon rouge, a commencé à s’attaquer aux palmiers en France. Ce coléoptère se niche également dans les couronnes des palmiers pour y pondre des larves, utilisant parfois les trous réalisés par les papillons. Profitant du boom du marché des palmiers et de la mauvaise gestion des déchets, les deux ravageurs se sont rapidement propagés dans pratiquement tous les pays d’Europe du Sud. La difficulté à repérer les signes de maladie a rendu plus difficile encore le travail des autorités sanitaires. « Les signes d’attaque ne sont pas visibles avant plusieurs mois, voire plusieurs années, confirme Didier Rochat, chargé de recherches à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). Puis le palmier peut mourir en quelques semaines. » La présence des palmiers dans des environnements majoritairement urbains a obligé les autorités à limiter l’utilisation massive d’insecticides et à développer de nouvelles solutions par injection. C’est tout l’objet du programme scientifique européen Palm Protect, lancé en 2012, qui a également étudié la possibilité d’utiliser des nématodes (de petits vers capables de tuer les larves de charançon), des trichogrammes (des micro-insectes pouvant détruire les œufs logés dans les palmiers), ou bien encore des champignons toxiques. « Les vers étant sensibles à la chaleur et à l’humidité, ils sont fragiles et leur efficacité est partielle », note toutefois Didier Rochat. Le projet envisage également d’attirer les charançons avec des phéromones afin d’évaluer leur nombre et de les localiser. Pour l’instant, le coût de ces méthodes et la difficile coordination des acteurs publics et des particuliers sur le terrain n’ont pas permis de freiner la propagation des deux ravageurs. Récemment, des papillons ont été repérés dans le Morbihan, entre autres.

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