Fashion
The Good Look
Rééditée en juin 2024, cette tennis ne sert plus à taper la balle. Faute de valeur marchande et d’aura pop, malgré un cachet indéniable, elle n’est pas non plus une véritable sneaker. Histoire d’un rendez-vous manqué.
En 1987, à Chicago, l’équipementier Wilson lance une chaussure de tennis conçue « pour les joueurs sérieux ». Dotée du caoutchouc Goodyear Indy 500 Plus, dont la durée de vie est présentée comme trois fois supérieure à celle des élastomères standard, et inégalée dans son rapport poids/résistance, la Pro Staff, aux lignes douces, rejoint la cohorte de tennis blanches et épurées aperçues aux pieds des stars de l’époque.
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Une reine sans couronne
Seulement voilà, les Adidas Supreme d’Ivan Lendl, les Nike Wimbledon de John McEnroe ou les Noah du Coq Sportif sont les dernières représentantes d’un style voué à disparaître.
En cette même année 1987, sur la côte Ouest, Nike bouscule les codes de la chaussure de sport depuis le triomphe de l’Air Jordan 1 (1985) et met un terrible coup de vieux à la tennis lisse et plate à la papa avec son ovni Air Trainer caractérisé par son scratch à la base des lacets.
Si le jeune Pete Sampras s’en empare un temps, avant de signer chez Sergio Tacchini, et si la Pro Staff fait commercialement son trou dans les club-houses amateurs, Wilson vient de manquer le virage du tennis grunge et de la génération Agassi.
Stylée, mais pas cool
Redessinée en 1994 et rebaptisée Classic, la sémillante et techniquement réputée Pro Staff n’est associée à aucune star des courts, donc à aucun plan marketing spectaculaire ni à aucun exploit, aucun souvenir, aucune émotion ; hormis ceux des 15/3 du dimanche. À l’heure du premier âge d’or de la sneaker, c’est trop peu pour percer dans la cour de récréation et rivaliser avec la Reebok Pump de Michael Chang ou la Air Tech Challenge du Kid de Las Vegas, Andre Agassi.
Confinée dans son périmètre tennistique sociologiquement bourgeois, la Pro Staff n’est pas non plus adoptée par la rue ou le rap comme la Stan Smith chantée par IAM, et ne complétera le costume de mariage d’aucune rock star, contrairement à la Springcourt G1, invitée aux noces de John Lennon et à celles de Mick Jagger, en 1969.
L’objet est similaire, mais il manque malheureusement d’âme. Son encéphalogramme cool reste désespérément plat et le ballon de volley servant de compagnon d’infortune à Tom Hanks dans Seul au monde restera l’unique incursion pop de la marque. Pire, en 2010, technologiquement désuète et commercialement à bout de souffle, la Pro Staff n’est plus fabriquée et tombe dans les oubliettes. Wilson tente un come-back, dix ans plus tard. Sans effet.
Enfin la bonne ?
Et puis la revoilà au printemps 2024, dans son coloris original (talon et logo verts), assortie d’une belle punchline – « New sole, old soul » – et même associée, via une collab saluée sur HypeBeast . com, avec le label streetwear New York Sunshine.
« Nous savions que l’histoire de la Pro Staff 87 était trop magique pour nous et que nous devions la faire revivre pour de bon. Nous voulions que ces chaussures redeviennent les plus convoitées de l’histoire de Wilson », explique Shivam Bhan, directeur des produits et du merchandising dans un communiqué qui laisse toutefois perplexe.
Présentée comme « une icône intemporelle de la mode » (hum…), la Pro Staff version 2024 est décrite sous toutes les coutures selon des critères laissant penser que la marque ne choisit toujours pas son camp entre sport et lifestyle : « La semelle intermédiaire R‑DST+ associée à la semelle extérieure Duralast améliore le confort et optimise l’adhérence sur toutes les surfaces. (…) Vos pieds se sentent aussi bien qu’ils sont beaux, offrant un confort inégalé tout au long de la journée. »
Si Wilson joue peut-être là la carte de l’hybridité gorpcore, le timing de ce lancement laisse également songeur, surfant avec deux sets de retard sur cette tendance tenniscore en queue de comète. Jusqu’ici, tout va bien. La nouvelle Pro Staff 87 est actuellement sold out. La reconnaissance, enfin ?
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