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Wang Wenbiao
Âgé de 57 ans, Wang Wenbiao a bâti sa fortune en introduisant des plantes résistantes sur les terres arides de son enfance. Son objectif est de limiter l’avancée des sables afin de réduire la pauvreté.
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The Good Business

Wang Wenbiao, le Don Quichotte chinois

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Il a bâti sa fortune sur le désert de Kubuqi. En luttant contre. Désormais, il va sans aucun doute appliquer sa formule gagnante à d’autres zones désertiques du globe. Portrait en creux d’un optimiste pragmatique.

« Je viens d’une famille de paysans : mes parents et mes grands-parents travaillaient à la ferme. Je dis toujours que là où il y a du désert, il y a de la pauvreté, et inversement », affirme-t-il. Wang Wenbiao s’en sort bon an mal an grâce aux études, puis grâce aux relations qu’il parvient à tisser avec les officiels locaux. Après sa ­scolarité, le jeune homme devient un temps enseignant, avant d’obtenir un poste de secrétaire dans le gouvernement local. En 1988, à 29 ans, il est appelé à la rescousse pour sauver de la faillite une petite usine fabriquant des produits chimiques à base de sel, que le groupe conservera jusqu’en 2009. « Il n’y avait pas de route, pas d’eau, pas d’électricité. L’environnement était terrible », témoigne He Pengfei, le directeur marketing d’Elion Resources. Wang Wenbiao veut justement désenclaver cette usine d’État moribonde en construisant une route. Celle-ci voit finalement le jour trois ans plus tard, mais elle est rapidement grignotée par les dunes lors de tempêtes de sable qui vont jusqu’à Pékin. Le futur milliardaire mobilise les éleveurs de la région et entreprend de fixer les dunes en piquant des rangées de branchages morts formant un ­quadrillage au sol. Parallèlement, des deux côtés de la route, Wang Wenbiao plante des arbres et des arbustes adaptés à ce climat aride : des saules du désert et des peupliers, sans oublier la fameuse réglisse. En s’enfonçant dans le sol, leurs racines stabilisent les dunes. Le feuillage forme ensuite une barrière naturelle contre le mouvement des sables transportés par le vent. Au total, Elion Resources affirme avoir introduit 500 espèces végétales dans le désert de Kubuqi. Les graines sont étudiées au peigne fin dans un laboratoire, nettoyées, préparées. Elles peuvent ensuite être conservées cinquante ans à – 18 °C. « Nous ne pouvons pas remplacer tout l’écosystème ni verdir l’intégralité du désert. Il faut juste que nous parvenions à le maîtriser », explique une botaniste en blouse blanche en faisant visiter, au pas de course, la banque de semences du groupe, située au beau milieu de Kubuqi.

Une épine dans le pied
L’entretien et l’arrosage de ces plantes miracle ont été confiés aux éleveurs du coin. Certains ont abandonné leurs troupeaux et ont été recrutés à temps plein par Elion Resources, notamment pour gérer ses infrastructures touristiques. D’autres ont préféré ouvrir des restaurants servant du mouton rôti, spécialité de la région, dans les petits villages où ils ont été sédentarisés. Commencé en 2006, le déplacement de ces 100 000 paysans et éleveurs plus ou moins ­nomades reste une épine dans le pied de Wang Wenbiao. « Au départ, ils ne voulaient pas déménager, reconnaît He Pengfei. Maintenant, ils roulent dans de belles voitures ! » Wang Wenbiao passe quant à lui le plus clair de son temps dans les avions. Dernièrement, il s’est rendu à plusieurs reprises au Xinjiang, gigantesque territoire (deux fois et demie la France) situé à l’extrême nord-ouest de la Chine, où un projet similaire à celui de Kubuqi est en cours de réalisation depuis 2003. L’objectif est de verdir 2 000 kilomètres carrés au cœur du Taklamakan, premier désert de Chine en superficie. Mais comme tant d’autres sociétés chinoises, Wang Wenbiao a aussi mis le cap à l’étranger. Grâce à son Forum international sur le désert, qu’il organise à Kubuqi depuis 2007, le milliardaire a rencontré des scientifiques, des représentants de l’ONU et des hommes d’affaires venus du monde entier. Autant de contacts précieux qui lui permettent aujourd’hui de prospecter pour voir comment le modèle de Kubuqi pourrait être décliné hors des frontières chinoises. L’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie centrale sont trois zones qu’ils étudient de près. « Nous sommes en train de choisir les pays. A ce stade, nous discutons surtout avec le ministre de l’Agriculture australien », affirme He Pengfei. Quand on lui demande de nous brosser le portrait de son patron, He Pengfei porte à ses lèvres sa tasse de thé vert, boit (bruyamment) une petite gorgée, puis répond, après mûre réflexion : « Il connaît les classiques chinois sur le bout des doigts. C’est aussi quelqu’un de très humain. Un homme persévérant, qui ne lâche rien. » En même temps, difficile de faire autrement…

Par Raphaël Balenieri @RBalenieri

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