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L’Europe vient de décider d’interdire la vente de véhicules thermiques à partir de 2035. Pourtant, les marques de prestige traînent pour passer à la voiture électrique… Pourquoi sont-elles encore réticentes ? The Good Life s'est intéressé au sujet.
La voiture électrique a bien des atouts. Elle est silencieuse, elle accélère fort, elle coûte peu cher à recharger… Alors, pourquoi les marques de prestige tardent-elles à adhérer à la voiture électrique ? Les constructeurs généralistes ont quasiment tous un ou plusieurs voitures électriques à leur catalogue. C’est loin d’être le cas des marques de prestige.
Il y a bien la I-Pace de Jaguar, une pionnière lancée dès 2018, mais qui ne se vend plus trop. En revanche, la gamme Ferrari se trouve encore vierge de tout modèle. Chez Lamborghini, pas le moindre watt proposé, si ce n’est le prototype Terzo Millennio de 2017, à l’ingénieuse carrosserie servant d’accumulateur. La Rapide E d’Aston Martin de 2019, quant à elle, a fait un flop… Il faut dire que jusqu’à présent les acheteurs ne montraient pas d’empressement particulier. Ainsi, en 2020, seuls 30 % des clients de Bentley souhaitaient rouler dans une électrique.
Aujourd’hui, l’heure est aux annonces. Ferrari espère son premier modèle au jus dans trois ans. Bentley, pour sa part, déclare son intention de lancer, à compter de 2025, une voiture électrique par an. Maserati promet une électrification totale de sa gamme pour 2026. Les constructeurs n’ont pas vraiment le choix, l’Europe a voté la fin du thermique pour 2035. Reste qu’on est loin de l’embouteillage à la borne de recharge ! Et même si, l’an prochain, Rolls doit lancer la Spectre, son premier modèle électrique, que le Range Rover aura sa déclinaison électrique en 2024, pour le moment, la Porsche Taycan se sent bien seule.
Écologie, les mauvais élèves seront-ils sauvés ?
Les amateurs de voitures d’exception peuvent se réjouir. Un pan du patrimoine automobile pourrait être sauvé. Ainsi, l’amendement 121 exonère les très petites marques de tout passage à l’électrique. Celles qui produisent moins de 10 000 voitures par an peuvent continuer à fabriquer des autos thermiques ! Cela concerne notamment : Ariel, Morgan, Bugatti, Pagani, Donkervoort ou Koenigsegg. Ces constructeurs produisent des voitures souvent de sport, ultrapolluantes. En matière d’environnement, c’est un peu le bon point donné au mauvais élève. L’écologie politique est bien difficile à suivre.
Des similarités entre les voitures électriques
Le hic, c’est que l’électrique dispense des sensations finalement assez similaires d’un modèle à l’autre. Les performances sont là, avec des accélérations foudroyantes, tout le couple étant délivré instantanément, mais le caractère manque à l’appel. Cette énergie, telle qu’elle se présente aujourd’hui, s’avère peu compatible avec le prestige auto.
La boîte de vitesses, le bruit, les vibrations, qui concourent fortement à l’âme d’une auto, font défaut au moteur électrique. Et il est bien difficile, pour une mécanique aphone, de faire passer l’esprit outrageusement sportif d’une Ferrari. Il est tout aussi délicat de traduire, avec un moteur linéaire, l’impression de « puissance toujours suffisante », apanage des Rolls. Avec l’électrique, on a l’impression de conduire toujours le même véhicule.
Le problème, c’est que les acheteurs pardonnent à une voiture de luxe ou de sport d’être fatigante, bruyante, inconfortable, limite dangereuse, mais pas d’être ordinaire ou ennuyeuse. Malgré tout, Peter Bosch, membre du conseil de surveillance de Bentley, reste positif. « L’électrique convient parfaitement à nos produits les plus performants, déclare-t-il. Nous avons toujours cherché à fabriquer des voitures de sport silencieuses. » Aurait-il oublié le moteur à compresseur de la 6,5 l Speed Six des années 1920, à la sonorité tonitruante et envoûtante ?
Comment procéder ?
L’électrique manquerait donc un peu de caractère… Partant de ce constat, certaines marques s’appliquent à lui en donner, même si cela passe parfois par des parades un peu artificielles. Ainsi, la plupart des voitures électriques conservent une architecture classique à capot avant proéminent. « La grande majorité des clients d’une électrique souhaitent conserver une forme de voiture thermique traditionnelle », annonce Gilles Vidal, patron du style de Renault.
Certaines enseignes simulent
- Une boîte de vitesses pour gommer la linéarité de l’électrique : Porsche a aménagé des passages de vitesses artificiels sur sa Taycan pour que ses accélérations s’effectuent par paliers.
- Une appellation mythique : Chez Porsche toujours, le Taycan se nomme Turbo ou Turbo S, exactement comme la mythique 911 thermique.
- Une sonorité moteur : Le moteur watté est aphone. Quelques constructeurs ont imaginé des sons synthétiques. BMW a même sollicité l’illustre compositeur allemand Hans Zimmer. Sur longues distances, ces sons artificiels finissent par casser les oreilles. Heureusement, ils sont déconnectables.
- Un design de voiture thermique : Très réduit, le moteur électrique peut se placer à peu près n’importe où, notamment dans le moyeu des roues.
Savoir-faire et artisanat
Si certains renâclent encore, la plupart des constructeurs de prestige sont engagés dans une profonde mutation. Jaguar mise clairement sur le design pour faire la différence. Il s’appuie sur son équipe menée par Gerry McGovern, directeur de la création, qui promet « des voitures électriques ne ressemblant à aucun autre ». Béatrice Foucher, la directrice générale des Automobiles DS, cherche à ajouter un supplément d’âme à ses autos qui seront 100 % électriques dès 2024, grâce à l’esprit français du luxe.
Le studio de conception de la marque dispose d’un sellier, qui développe, pour les finitions Opéra, des sièges en cuir à l’élégant laçage bracelet. Certaines pièces métalliques de l’habitacle reçoivent une finition guillochée, comme cela se fait en horlogerie, notamment. D’autres voies s’ouvrent aux constructeurs. « Pour se différencier, les équipes de Bentley travaillent sur le design, les matériaux, la fabrication artisanale et la personnalisation illimitée », confie Peter Bosch. Tout un programme que The Good Life attend de découvrir !
3 questions à Martin Millot - Chef du service marketing de Lexus, spécialiste des véhicules hybrides haut de gamme
Comment les clients Lexus appréhendent-ils l’électrification ?
Le luxe Lexus a toujours été très différent de ce qui se fait ailleurs. Lexus, marque premium de Toyota, propose des autos électrifiées hybrides depuis 2005. Aujourd’hui, 99 % de nos ventes France sont électrifiées. Du coup, nous n’avons pas la même problématique que nos concurrents, Tesla mis à part.
Comment conserver sa personnalité ?
Lexus a mis en place les programmes Lexus Driving Signature et Lexus Driving Experiences. Leur objectif consiste à retrouver des vraies sensations de conduites au volant d’une électrique. Ce plaisir n’est pas basé sur la vitesse, qui est dépassée, sauf à être sur un circuit. Chez nous, cela se traduit, notamment, par la définition d’une ambiance intérieure particulière, appuyée par le Tazuna Cockpit. Avec cet environnement, tout le tableau de bord est orienté vers le conducteur. Il se compose notamment d’un affichage tête haute très moderne et évolutif, dont les fonctions se manient grâce à divers boutons tactiles. On se retrouve dans la position d’un cavalier tenant les rênes de son cheval, le buste bien droit, le regard loin devant.
Et au volant ?
Nous avons lancé le RZ 450e, notre premier véhicule 100 % électrique avec une plate-forme spécifique. Il s’agit d’un imposant SUV de 4,8 m et plus de 2 t, mais au design dynamique. Quand on développe une voiture électrique, il faut travailler son caractère. Le RZ bénéficie d’une transmission à 4 roues motrices permanente, qui confère un sentiment de puissance et de sécurité. Au volant, on ne ressent ni le poids du véhicule, pourtant conséquent, ni ses dimensions. On est collé à la route. On retrouve donc des sensations de conduite fortes. Le volant Yoke en forme de papillon et la colonne de direction électronique ajoutent encore de l’originalité à la conduite. Ce système ressemble à un joystick. Il a une butée à 150°, ce qui implique de ne jamais se retrouver les mains croisées. Transmission intégrale permanente, plate-forme électrique spécifique, volant Yoke… tout cela fait qu’on est assis, au volant du RZ 450e, dans un autre univers, celui de Lexus comme nous avons toujours cherché à le proposer.
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