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On a rien vu venir, mais le cubi est en train de faire un retour triomphal chez les amateurs de vin. Conservation, transport, tous les arguments sont bons pour les défenseurs du BiB. Mais peut-il vraiment remplacer la bouteille ?
Qu’on se le dise, le cubi a mauvaise presse. De la même manière qu’un restaurant étoilé préfèrera le micro-tartare de wagyu dressé à l’emporte-pièce à la roborative côte de bœuf galicienne posée sur table, pour le vin, le petit contenant pèse finalement plus que le gros, du moins symboliquement. Et pourtant ! Le site Bibovino, spécialisé dans le BiB – comprendre Bag-in-Box, le cubi avec trois mots d’anglais, quoi ! – vend son kit-2L de Savigny-lès-Beaunes 1er Cru du Domaine Doussot-Rollet à… 110€ tous ronds, soit l’équivalent de 41,25€ la bouteille de 75cl. Ainsi, ces contenants généralement au format de deux à cinq litres se répandent à vitesse grand V(in) chez les cavistes, qui leur prêtent de nombreuses vertus : économique, écologique, de conservation… Bref, le cubi : nouvelle lubie ?
Le cubi : bas prix, même quali
L’argument historique du Bag-in-Box reposait jusque-là sur le prix. Celui au litre d’abord, mais désormais aussi celui de la livraison. Pour comparaison, le site BiBoVino propose la livraison d’un BiB de 5L à domicile pour 10€, quand Vinatis facture la livraison d’une caisse de six bouteilles pour 12€, soit 33% de plus revenu au litre – cette différence de prix augmentant par ailleurs à l’aune de la quantité commandée. Si bien que quelques acteurs se positionnent exclusivement sur le créneau de la vente en ligne. On pense notamment à Let it BIB ou Vignerons en boite.
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Si l’argument pécuniaire pèse dans la balance, qu’en est-il vraiment de la qualité des vins en cubis ? Certains cavistes comme Soif, La Cave à Pigalle ou des sites de vente en ligne cités plus haut se spécialisent désormais dans la vente en BiB de vins de qualité, souvent bio, biodynamiques ou naturels. Aussi, les vignerons indépendants et producteurs de vins « natures » qui se plient à l’exercice du BiB sont de plus en plus nombreux. On notera notamment la cuvée Trinch ! de Catherine et Pierre Breton, le BIB-Ron de Karine et Cyril Alonso, ou certaines cuvées de l’ardéchois Mas d’Intras. Ces derniers restent tout de même des pionniers, et gardent en majorité les meilleures cuvées pour leurs bordelaises. Et si l’on prend la globalité des BiB vendus en grandes surfaces, le lien entre cubi et mauvaise qualité n’est pas tout à fait dénué de sens.
Haute conservation
D’autres souligneront l’intérêt gustatif : le BiB protège contre le goût de bouchon, mais aussi l’oxydation – le liquide n’étant pas ou peu en contact avec l’oxygène. Ainsi, bien protégé de la chaleur et de la lumière, un BiB pourra généralement conserver sa palette aromatique quatre à huit semaines après ouverture. Pratique lorsque l’on est un buveur occasionnel et raisonnable. Dangereux quand on a tendance à se servir un pt’it coup à chaque détour par la cuisine… Dans le dernier cas, l’argument de la longue conservation ne tient d’ailleurs plus.
Quant à la capacité de vieillissement du vin en BiB, pas ou peu de réponses ont été apportées jusque-là, et la question mériterait mieux que quelques lignes. Mais à première vue, les sucres, acides et composés phénoliques agissant dans le vieillissement sont aussi présents dans un cubi qu’une bouteille. Enfin, la dimension écologique du BiB n’est pas non plus négligeable. À l’instar de différents formats qui éclosent un peu partout (vins en canette, à la tireuse…), le BIB est souvent recyclable, plus compact, moins lourd et plus facilement stockable, et de ce fait moins énergivore en termes de transport.
Le cubi, objet hype ou format de poivrot ?
Il est encore cependant mal vu de poser un bidon cartonné de trois litres sur la table lorsque l’on invite des amis à souper, au risque de passer pour un néophyte, ou pour le moins, une pince. On pourrait tenter de remplir en douce quelques carafes et prétexter que le nectar avait besoin de s’aérer, au risque, là, qu’on vous demande d’amener ladite bouteille sur la table pour l’instagrammer. Et de passer pour une pince… et un charlatan ! Même si, comme le souligne Céline Maguet, fondatrice de l’Agence Soif et de Soif, La Cave « ce qu’on propose aujourd’hui est loin de la boîte en carton, c’est une poche bien plus esthétique avec des étiquettes que nous réalisons nous-mêmes. Et les vins contenus dans ces poches sont les mêmes que ceux que les vignerons que nous sélectionnons mettent en bouteilles ».
La bouteille de vin, qui plus est en France, reste un objet sacré. Son service s’accompagne d’un protocole plus ou moins établi : on présente la bouteille, on la vante en deux-trois mots savants, avant de la déboucher tant bien que mal, puis le son du tire-bouchon déclare le début des agapes. Ainsi, à en croire Henri Pinède, fondateur de la Cave des Halles Laissac – aussi habile à vendre une bouteille de Romanée-Conti qu’un BiB à 25€ – « la clientèle du cubi est soit relativement jeune (moins de 30 ans), soit plutôt âgée (plus de 65 ans) ». Rare est le quinqua aisé des villes venant se ravitailler en BiB de 10 litres, ou alors il prétextera qu’il mitonne un coq au vin pour une centaine de convives dans son 40m² parisien, ce qui le fera passer pour un cuisinier hors-pair… ou un poivrot !
Alors, to BiB or nor to BiB?
Alors oui, la caisse-outre (ancêtre du cubi), le cubi ou le BiB a un futur. Sûrement un avenir même. Son déficit d’image, portée par la vente en supermarchés tend à se patiner, ses arguments marketing prennent racine petit à petit, aidés par une poignée de vignerons courageux qui ont déjà franchi le pas – et des consommateurs de plus en plus soucieux de leur impact écologique. Certaines régions, à l’instar de la Bourgogne, traînent cependant encore des pieds. Car la bouteille, de sa forme caractérisant sa région à son étiquette en passant par son bouchon qui fait « toc » et surtout sa valeur symbolique sera, certes, difficilement remplaçable. Mais à y regarder de plus près et comme le soulignait insolemment Alfred de Musset « qu’importe le flacon pourvu qu’on ait… ».