Vins et spiritueux
Franciacorta produit des vins effervescents de grande qualité très appréciés par les Suisses et les Japonais, mais qui peinent à se faire une place en France face aux champagnes. Ils témoignent pourtant d’un véritable art de vivre.
Pour découvrir le vignoble de Franciacorta, c’est assez simple. En sortant de Brescia, prenez la direction du lac d’Iseo. C’est là, sur 200 km² et 19 communes, que se trouvent les vignes qui permettent de produire le meilleur effervescent d’Italie.
Climat et richesse des sols
Un doux paysage de collines, bordé au nord-ouest par la rivière Oglio, au nord par le lac, et à l’est par les contreforts des Alpes rhétiques. Il y a dix mille ans de cela, la région était un vaste glacier qui, en fondant, a laissé de nombreuses alluvions minérales et calcaires qui font aujourd’hui la richesse des sols de Franciacorta.
Autre atout de l’appellation, le climat : « entre les courants d’air qui descendent des Alpes et limitent les maladies et les brouillards qui montent du lac, on retrouve plus un climat méditerranéen que continental », détaille Tania Martini, sommelière d’Eataly Paris, magasin spécialisé dans la gastronomie italienne.
Franciacorta, une appellation tardive
La culture de la vigne dans cette partie de la Lombardie remonte aux Romains. En 1809, les cartographies de la région par les troupes napoléoniennes recensent plus de 1 000 hectares consacrés à la vigne, qui était alors mélangée à d’autres cultures. Les vins produits – qualifiés de « piquants » par Girolamo Conforti, en 1570 – connurent un fulgurant succès, dépassant largement les besoins de la population locale.
Leur réputation dépassait alors largement les frontières de Franciacorta. Il faudra cependant attendre le début des années 60 pour que Franco Ziliani, cofondateur de la maison Guido Berlucchi, produise le premier « pinot de Franciacorta ». Un vin mousseux, précurseur de l’appellation bien avant qu’elle n’existe.
Considéré par les vignerons comme le père du franciacorta, Franco Ziliani s’est battu pour que l’appellation soit reconnue. Elle deviendra une dénomination d’origine contrôlée (DOC) en 1967, avant d’obtenir une dénomination d’origine géographique contrôlée et garantie (DOCG) en 1995. Aujourd’hui, l’appellation recouvre 2 902 hectares de vignes pour 118 propriétés et caves.
Ici, le chardonnay – largement majoritaire –, le pinot noir et le pinot blanc sont vinifiés selon la méthode champenoise. On retrouve aussi 1 % d’erbamat, un cépage typique de la région, « très tardif et qui apporte beaucoup d’acidité », précise Tania Martini. S’il a longtemps été négligé, ses caractéristiques en font désormais un atout dans un contexte de réchauffement climatique généralisé.
Le défi du vieillissement
Seule incertitude : ses capacités de vieillissement. « L’autorisation d’inclure jusqu’à 10 % d’erbamat dans les assemblages de franciacortas depuis 2017 garantit une expérience gustative intense, mais il semble que les niveaux élevés d’acide malique dans les baies puissent limiter son vieillissement », reconnaît Silvano Brescianini, directeur général de Barone Pizzini et vice-président du consortium Franciacorta.
Si l’utilisation de l’erbamat reste encore anecdotique, le processus de production est strictement régi par le cahier des charges de l’appellation : vendanges manuelles, seconde fermentation en bouteilles et lent vieillissement sur lies, exactement comme en Champagne. Ce long processus permet de distinguer les différentes catégories de franciacorta.
Si toutes sont des assemblages de chardonnay et de pinot (noir ou blanc), avec une touche d’erbamat pour les rosés, les millésimés et les Riserva, c’est la durée de vieillissement qui fait toute la différence. Les bouteilles passent ainsi au minimum 18 mois sur lattes pour les franciacortas « de base », 24 mois pour les rosés et les Satèn, 30 mois pour les millésimés et jusqu’à 60 mois pour les Riserva.
Au moment du dégorgement, une liqueur de dosage est alors ajoutée : moins de 3 g pour le non-dosé, jusqu’à 6 g pour l’extra brut et moins de 12 g pour le brut. Là encore, comme en Champagne, des versions plus dosées existent, mais elles sont plutôt destinées à l’exportation.
La difficile percée de Franciacorta sur le marché français
En 2019, 17,6 millions de bouteilles ont été vendues dans le monde, essentiellement en Suisse et au Japon, loin devant l’Allemagne, les États-Unis et le Royaume-Uni. Reste que ces vins, malgré toutes leurs qualités organoleptiques, peinent à trouver leur place en France.
« Les cuvées de franciacorta sont au même prix que les champagnes, et nos clients, à ce prix-là, préfèrent acheter du champagne », explique Viviana Vecchione, responsable des achats de vins internationaux chez Millesima.
Pour le négociant bordelais, qui avait pourtant lancé toute une gamme de franciacortas en 2013, les seuls marchés qui continuent à acheter ces vins sont Hong Kong et Singapour. « Attention, les volumes restent microscopiques : on parle de 300 bouteilles par an sur ces deux marchés, toutes cuvées confondues. »