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Design horloger : Cedric Bellon, la simplicité durable

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Designer indépendant pour de grands noms de l’horlogerie, Cedric Bellon a lancé un premier modèle de montre qui porte son nom, deux fois plus durable que la moyenne des autres montres Swiss Made de série, en suivant le modèle de la fabrication participative.

Amoureux de la nature et passionné par les exploits de Jacques-Yves Cousteau et Haroun Tazieff, Cedric Bellon se lance d’abord dans des études de géologie. Mais très vite, il s’ennuie et change de voie. Il s’inscrit à l’École de design Nantes Atlantique et, après un cursus de cinq ans et son diplôme en poche, il lance sa propre agence, en 2004, pour travailler avec des grands noms de l’horlogerie, de Bell & Ross à TAG Heuer, en passant par Longines. Parallèlement à son activité de designer freelance, il décide de créer en 2020 sa première montre, commercialisée sous son nom.

Dans cette aventure, il joue le rôle du créateur, Watch Angels, ceux de plate-forme de distribution et de fabricant suisse, et le public… ceux d’investisseur et de client : c’est le principe de crowdmanufacturing ou fabrication participative. Ainsi, Cedric Bellon a présenté sa « tool-watch » (« montre-outil ») CB01 sur Watch Angels mi-2020 et proposé aux 150 premiers clients de s’offrir le garde-temps, avec deux mouvements différents inutilisés et récupérés chez Soprod et Dubois Depraz, à prix coûtant (respectivement 458 et 694 euros), et aux suivants de précommander au prix d’usine (643 et 920 euros).

Quatre cents amateurs répondent à l’appel et commandent une montre CB01, séduits par son design simple – le boîtier Skin Diver est un hommage à Cousteau et sa montre Aquastar – et ses ambitions écologiques, illustrées par un indice de durabilité de 87 %, deux fois supérieur à la moyenne des montres suisses de série.

Simple et robuste, la montre CB vise à répondre à plusieurs principes : une fabrication durable, l’utilisation de matériaux recyclés ou réemployés chaque fois que c’est possible, et la minimisation de la distance parcourue par la montre depuis sa production jusqu’au poignet de son propriétaire. Au final, son indice de durabilité s’élève à 87 %, contre 42 % en moyenne pour les montres de série swiss made.
Simple et robuste, la montre CB vise à répondre à plusieurs principes : une fabrication durable, l’utilisation de matériaux recyclés ou réemployés chaque fois que c’est possible, et la minimisation de la distance parcourue par la montre depuis sa production jusqu’au poignet de son propriétaire. Au final, son indice de durabilité s’élève à 87 %, contre 42 % en moyenne pour les montres de série swiss made. Amaury Dhesse

8 questions à Cedric Bellon, designer horloger :

The Good Life : Comment en êtes-vous venu à dessiner des montres ?
Cedric Bellon :
Je travaillais depuis quelques années dans une petite agence de design lorsque j’ai eu un souci de santé. Pendant ma convalescence, je me suis intéressé aux mondes de la bijouterie et de l’horlogerie. Ce sont des univers fascinants, pleins de couleurs, de détails, de matières… J’ai mis ce temps libre forcé à proϐit en dessinant des concept-watches avant de les envoyer, au culot, à de grandes marques. TAG Heuer et Bell & Ross – qui est, aujourd’hui encore, mon plus fidèle client ! – ont été les premiers à me confier des projets.

TGL : Quelle est l’histoire derrière CB Watches ?
C. B. :
En 2005, alors que j’étais à mon compte depuis un an, j’ai rencontré Guido Benedini, qui était alors responsable marketing chez Longines, l’un de mes clients. Je lui avais soumis l’idée de créer une marque indépendante qui aurait comme ambition de repenser la production de composants horlogers pour créer une montre plus vertueuse. À l’époque, l’horlogerie suisse et l’industrie de la mode en général n’étaient pas intéressées par les sujets environnementaux… Je n’aurais donc jamais eu les moyens de développer cette idée. En 2019, Guido me rappelle et m’annonce qu’il va créer une plate-forme d’incubation de projets horlogers, baptisée Watch Angels. Il m’a demandé d’inaugurer cette plate-forme avec CB Watches.

TGL : Justement, sur Watch Angels, vous inaugurez un concept nouveau : le crowdmanufacturing…
C. B. :
Plusieurs entités – un créateur, un fabricant et une communauté – permettent de créer un projet horloger complet, de l’idée de départ à la distribution en ligne. C’est la communauté qui valide, ou non, le projet en le finançant via la précommande de montres. Chacun a un rôle à jouer dans la naissance et la diffusion du produit. Des éléments du design de la montre, notamment certaines finitions, sont décidés par les utilisateurs de Watch Angels, à qui nous avons soumis un questionnaire au début de la campagne de crowdmanufacturing.

TGL : Concernant la montre, vous insistez autant sur l’aspect « outil » que sur la durabilité. Pourtant, le second sujet est beaucoup plus vendeur en ce moment…
C. B. :
J’en ai marre du monde ultracomplexe dans lequel on vit, entourés d’objets connectés. J’aime la simplicité d’un outil manuel, un crayon, un pinceau, un couteau, une hache… Je veux mettre cela en avant, car lorsqu’un objet est simple dans sa conception et intuitif dans son utilisation, il a davantage vocation à être durable qu’un objet complexe destiné à l’obsolescence. Aussi, on ne s’adresse pas au grand public, mais à des passionnés d’horlogerie. Donc, on peut parler d’environnement, mais il faut d’abord « parler montre ».

Le designer horloger Cedric Bellon est le premier créateur dont la marque a été lancée grâce à la plate-forme Watch Angels.
Le designer horloger Cedric Bellon est le premier créateur dont la marque a été lancée grâce à la plate-forme Watch Angels. @Geoffrey Arnoldy

TGL : Et comment avez-vous réussi à les convaincre que la montre CB était une bonne « montre-outil » ?
C. B. :
Le design, d’abord. Pour moi, quelque chose qui dure dans le temps, c’est quelque chose d’intemporel, donc le dessin est simple, bien proportionné, la montre n’est ni trop grosse ni trop petite. Ensuite, la « tool-watch » est, par définition, une montre à vivre, robuste et simple, pas un objet que l’on garde dans un coffre. Ce qu’elle a de séduisant, c’est non seulement son look, mais aussi son histoire, et les principes de durabilité mis en œuvre pour sa fabrication. Un exemple : le cadran. Il symbolise la démarche intellectuelle et industrielle du projet. Le plus souvent, il s’agit de laiton trempé dans plusieurs bains chimiques. C’est polluant et énergivore. Je me suis dit que nous pouvions faire des cadrans en acier, un matériau recyclable, même s’il est rare de l’utiliser ainsi. Finalement, avec Watch Angels, nous avons réussi à mettre au point un cadran en acier inoxydable brossé brut. Cette recherche de durabilité a guidé tous nos choix de matériaux, sauf les mouvements – qui sont tout de même des pièces inutilisées –, le verre, le Luminova et les joints.

« Une montre à vivre, robuste et simple »

TGL : En quoi est-ce différent de travailler sous votre nom plutôt que pour des marques ?
C. B. :
Comme avec mes partenaires de l’horlogerie traditionnelle, j’ai dû adapter le design aux mouvements. Mais, pour la montre CB, je n’ai pas eu à m’adapter à l’univers d’une marque, j’ai mis plus de moi-même dans la conception de la montre. C’est encore très imparfait, il faut créer un univers, et cela se construit petit à petit, mais c’est beaucoup plus personnel.

TGL : Avez-vous constaté des évolutions dans les habitudes « vertes » des grandes maisons ?
C. B. :
Pas du tout ! Certains décideurs au sein de grands groupes sont peut-être concernés à titre personnel, mais ils sont coincés dans un système de stratégies marketing et financières – traitement énergivore et chimique des matériaux, fabrication en grande quantité – qui ne collent pas avec la protection de l’environnement. Mais inévitablement, elles vont y venir, ça va devenir une tendance commerciale et un argument de vente. Pour le moment, je constate beaucoup de greenwashing, des tentatives par certaines maisons de démontrer que leur image est attachée à des valeurs environnementales qui s’apparentent plutôt à une manière, en reversant des fonds, de se racheter une virginité. Ce n’est pas une mauvaise chose, cela permet à des fondations et associations de faire du bon boulot, mais ce n’est pas ma vision de l’horlogerie durable.

Simple et robuste, la montre CB vise à répondre à plusieurs principes : une fabrication durable, l’utilisation de matériaux recyclés ou réemployés chaque fois que c’est possible, et la minimisation de la distance parcourue par la montre depuis sa production jusqu’au poignet de son propriétaire. Au final, son indice de durabilité s’élève à 87 %, contre 42 % en moyenne pour les montres de série swiss made.
Simple et robuste, la montre CB vise à répondre à plusieurs principes : une fabrication durable, l’utilisation de matériaux recyclés ou réemployés chaque fois que c’est possible, et la minimisation de la distance parcourue par la montre depuis sa production jusqu’au poignet de son propriétaire. Au final, son indice de durabilité s’élève à 87 %, contre 42 % en moyenne pour les montres de série swiss made. Amaury Dhesse

TGL : Quelles sont les prochaines étapes du développement de CB Watches ?
C. B. :
Je suis très content de l’écho positif qu’a reçu le projet, en attestent les préventes. Désormais, nous allons nous atteler à fabriquer tout ce qui a été commandé avant de proposer de nouvelles montres à la vente, à la fin du printemps, quand les premières livraisons vont débuter. Et si ça marche, alors nous allons commencer à travailler sur un second modèle. Je vais continuer à travailler pour d’autres marques parce que j’adore ça, mais CB Watches me permet d’exercer mon métier d’une manière plus vertueuse.


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