Horlogerie
« Pratique de la course à pied en pleine nature » : c’est la première définition du trail running que l’on trouve sur Google. Mais y réduire la discipline reviendrait à oublier sa vision de la course à pied, plus libre, plus ouverte, plus mystique aussi, comme pourraient le définir les ultra runneurs qui avalent presque par miracle des distances de 170 kilomètres. Décryptage d’une pratique qui séduit de plus en plus d’adeptes, dont bienveillance et dépassement de soi sont les maîtres mots.
En matière de course à pied, on connaissait les « pistards », ces sprinteurs qui ne jurent que par les pistes d’athlétisme, capables de tourner en rond dans des stades pour s’entraîner au maximum de leurs capacités et grappiller le moindre centième de seconde pour exploser les chronos sur des courtes distances, puis les coureurs sur route, ces joggueurs urbains, ceux qui courent le dimanche ou s’alignent sur des semi ou des marathons. Et il y a les traileurs, ces « ovnis » habitant loin des villes là avec des sentiers vallonnés voire escarpés comme terrains de jeux favoris. Puis petit à petit — Covid aidant ? —, les genres se sont mélangés et les urbains se sont orientés vers le grand air en quête d’évasion et de reconnexion à la nature, faisant du trail running une discipline de plus en plus courante parmi les clubs de course sur bitume.
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Pourquoi la pratique du trail running séduit de plus en plus ?
Cet engouement se traduit par la multiplicité des courses de trail en France et à l’étranger auxquelles s’inscrivent de plus en plus de passionnés, sur des formats allant de 15 à 170 kilomètres. Le Graal pour un traileur : prendre le départ de l’une des courses du circuit UTMB. Chaque course appartenant à la franchise courue permet de collecter des « running stones », soit des points permettant de participer à un tirage au sort afin d’obtenir un dossard pour le boss finale du circuit : l’Ultra Trail du Mont Blanc à Chamonix.
Si toute l’année des courses aussi exotiques que sublimes sont proposées à travers le monde entier — en témoigne la toute dernière à rejoindre la franchise, la Mauritius by UTMB sur l’île Maurice, dont le tracé longe des lagons bleu azur et pitons escarpés —, l’UTMB Chamonix se dévoile comme « la course mythique qui, depuis 2003, fait voyager nombre de passionnés autour du Mont-Blanc ».
Il y a 20 ans tout pile, Catherine et Michel Poletti, un couple de commerçants et passionnés de grands espaces, imaginaient la première édition de cette course alpine qui allait devenir le rendez-vous incontournable que l’on connaît aujourd’hui, transformant la vallée en fête gigantesque pendant une semaine en août, pendant laquelle s’affrontent les grands noms du trail running.
L’UTMB Chamonix, la Grand-messe du trail running
Cette année, du 28 août au 3 septembre, tout le microcosme du trail running s’était donné rendez-vous dans le village pour suivre les départs (et surtout les arrivées) des courses allant de 15 kilomètres pour l’ETC à 171 kilomètres pour l’UTMB, en passant par 55 pour l’OCC ou encore 300 (!) pour la PTL, un format particulier couru en équipe de deux où les participants ont 151 heures, pas une de plus, pour passer la ligne d’arrivée, en dormant dans des refuges et en marchant une bonne partie du tracé. Car mentionnant la marche et le sommeil, si la première est plus que plébiscité en trail lorsque le dénivelé positif devient trop important pour pouvoir courir — imaginez des pentes plus raides que des piquets, et ça sur 20 kilomètres —, dormir ne se présente en revanche que comme une option pour les ultra traileurs.
On considère une course de trail comme « ultra » si elle est comprise entre 42 et 170 kilomètres. Ce qui, pour les athlètes de haut niveau de la discipline, correspond à 20 heures de course — le record ayant été battu cette année par l’américain Jim Walmsley avec 19h37 de course, comprenant seulement une trentaine de minutes d’arrêt en cumulé sur toute la course ! Pour le commun des mortels s’étant entrainé des années pour le départ d’une telle course, elle peut représenter au maximum 46 heures d’effort et 30 minutes avant l’arrêt définitif du chrono.
Comme nous le confiait Julien Chorier, athlète du team Hoka classé dans le top 30 des 170 kilomètres en 2022, « sur de l’ultra-trail, le sommeil devient complètement accessoire. On ne dort pas pendant 24 heures, le cerveau reste en éveil par l’effort. Si l’on ressent vraiment le besoin de faire une pause, ma technique est de m’arrêter, poser ma tête sur mon bâton de trail et fermer les yeux. Si au bout de 2 minutes mon cerveau se met en pause et je m’assoupis, alors ma tête va tomber, cela va me réveiller, et hop c’est l’heure de repartir. »
On l’aura compris, trail running est un synonyme de performances sportives stratosphériques, où le corps est mis à rude épreuve tant sur le plan mental et physique, puisque même s’alimenter peut devenir un combat. Sur les ravitaillement, des points spécifiques postés tous les 10 ou 30 kilomètres par les organisateurs, on retrouve justement tout ce qu’il faut pour… survivre. S’il faut absolument redonner au corps tout ce dont il a perdu, le ventre n’accepte pas grand-chose comme nourriture. Ce sont donc des mélanges bouillon-saucisson-compote de pomme-barre énergisante-coca parfois (souvent) peu ragoûtants qui s’y voient ainsi engloutis !
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Oui, on peut être parisien et trail runneur
Et pourtant, malgré sa difficulté, le trail running prend de plus en plus d’ampleur, qu’ils s’agissent de sportifs en demande d’aventure ou de marques. Hoka en tête de liste, partenaire majeur de l’UTMB depuis désormais deux ans, qui met en place d’importants moyens pour accompagner ses athlètes et séduire les participants grâce à ses chaussures ultra performantes. Une stratégie qui fonctionne, puisque vu du banc de touche, deux participants sur trois courent avec des Hoka aux pieds.
Si l’appartenance à un club n’est absolument pas obligatoire pour prendre le départ d’un trail — alors qu’il l’est pour un cross par exemple — et qu’il n’existe quasiment pas ou très peu de clubs dédiés, de nombreux running crews parisiens s’adonnent à la discipline, comme Powerup, une bande qui ne jure que par Hoka, justement, et qui s’entraîne comme tous les coureur de la capitale… au bord de la Seine, en y ajoutant néanmoins des séances de dénivelés à Montmartre pour entrainer leurs quadriceps à tenir le coup sur des courses de trail running.
A Chamonix, ce ne sont pas moins de 24 membres du crew Powerup ont fait le déplacement pour prendre le départ des courses de l’UTMB, chaussés du modèle Tecton X2 de Hoka. Tous ont pris le goût de la dimension nouvelle qu’offre le trail running par rapport à la course à pied, comme nous l’explique Chris, membre depuis 4 ans qui s’alignant sur des courses allant jusqu’à 120 kilomètres : « le trail me permet de briser la monotonie qu’apporte la course sur route et de me retrouver en pleine nature. Le véritable objectif est de terminer la course sans se soucier du temps, on prend justement le temps de profiter de l’effort et du paysage. »
Evident jusqu’au-boutiste, il poursuit : « Comme je n’aime pas quand les bonnes choses ont une fin, je me suis orienté vers l’ultra, une discipline oùl’on a l’impression de vivre lors de chaque course toutes les émotions d’une vie mais concentrées sur quelques (longues) heures. On passe par toutes sorte de sensations et on est à chaque fois surpris par les capacités du corps et du mental. »
Ruddy Trobrillant, capitaine et coach de l’équipe de running Powerup souligne néanmoins le manque de diversité de la discipline : « Les traileurs ont souvent le même profil et peu de femmes osent encore s’inscrire ». Ainsi, si le trail running fait grossir le rang de ses adeptes depuis quelques années, il lui rester encore à travailler sur quelques points afin de s’ouvrir (vraiment) à toutes et tous. La distance la plus courte d’une course est pourtant de 14 kilomètres, un chiffre plutôt… raisonnable — avec un peu d’entraînement.
Photos : Romain Bourven