Culture
De la France à la Roumanie en passant par la Suisse et l’Autriche, ces festivals de musique classique sont incontournables.
Enescu. George Enescu reste, de loin, le compositeur roumain le plus célèbre de l’histoire de la musique. On lui doit surtout le magnifique opéra OEdipe. Pour lui rendre hommage, Bucarest organise tous les deux ans l’un des plus grands festivals de musique classique. La programmation ne se limite pas à la musique d’Enescu, mais revisite tout le grand répertoire, avec une prédilection pour les œuvres symphoniques. Vous vous régalerez des plus prestigieux orchestres, qui se produisent notamment dans l’Athénée, une salle de toute beauté construite à la fin du XIXe siècle, à l’époque où Bucarest était surnommé le Petit Paris ; ou bien dans le Sala Palatului, dont l’architecture communiste nous rappelle les heures sombres de la dictature de Ceausescu. Prochaine édition en 2023. festivalenescu.ro
Glyndebourne. À Glyndebourne, assister à un opéra tient du rituel. Il faut déjà rejoindre cette salle perdue au milieu de la campagne anglaise, à une heure en train de Londres. Une fois arrivé, le charme opère immédiatement, avec les moutons paissant tranquillement dans les champs alentour. Le public porte robes et smoking : on vient ici pour voir et être vu ! Et pendant l’entracte, la tradition veut que le public pique‑nique sur les pelouses : au menu, scones et champagne. Et la programmation artistique dans tout ça ? De belle facture, même si elle manque parfois d’originalité, avec, dans la fosse, l’excellent Orchestre philharmonique de Londres ou l’Orchestre de l’âge des Lumières. Cet été, pourquoi ne pas se régaler d’une Bohème de Puccini, dans la mise en scène de Floris Visser ? Du 21 mai au 28 août. glyndebourne.com
https://www.youtube.com/watch?v=pm_w7iLv-ag
Deux festivals de musique classique en France
Aix-en-Provence. Aix-en-Provence est aux festivals de musique classique ce qu’Avignon est au théâtre : un must ! Si son ADN reste le répertoire mozartien, le festival s’est largement ouvert à d’autres esthétiques, des plus anciennes aux plus contemporaines. La preuve avec cette 74e édition concoctée par le directeur, Pierre Audi : outre Idoménée de Mozart, dirigé par Raphaël Pichon, on pourra découvrir une nouvelle production de Salomé de Strauss, avec la sublime chanteuse Elsa Dreisig, ou encore le rare Moïse et Pharaon de Rossini, mis en scène par Tobias Kratzer. Sans oublier Monteverdi avec Le Couronnement de Poppée et une création de Pascal Dusapin. L’occasion de parcourir les différents lieux du festival : la mythique cour de l’Archevêché, le bijou intimiste du théâtre du Jeu de Paume ou encore le Grand Théâtre, aux lignes contemporaines. Du 4 au 23 juillet. festival-aix.com
Saintes. Le renouveau de la musique baroque s’est également fait dans les festivals. Au premier rang desquels figure celui de Saintes, dont la figure tutélaire reste le chef d’orchestre Philippe Herreweghe. L’abbaye aux Dames a vu défiler les plus grands spécialistes de la musique ancienne, les thuriféraires du style historiquement informé. Mais pour autant, n’allez pas imaginer une sorte de musée ! Bien au contraire, c’est dans une ambiance festive que se déroule cette manifestation qui concilie beauté du patrimoine et intelligence de la programmation. À noter que le festival, qui fête ses 50 ans en 2022, réunit les ensembles baroques montant, comme Les Surprises, Gli Incogniti ou La Tempête… La manifestation a désormais un nouveau directeur, David Théodoridès. Va-t-il s’inscrire dans la continuité de cet héritage ou bien opérer quelques changements ? Du 16 au 23 juillet. abbayeauxdames.org
En Suisse et en Autriche
Lucerne. C’est la grand-messe de la musique symphonique : chaque été, les plus prestigieux orchestres du monde se pressent au Festival de Lucerne. Peut-on imaginer un décor plus enchanteur ? La salle de concerts, construite par l’architecte Jean Nouvel, est située au bord du lac des Quatre‑Cantons, face aux sommets des Alpes de la Suisse centrale. Un écrin d’autant plus idéal que l’acoustique y est à la fois chaleureuse et transparente. De quoi profiter pleinement des sons des philharmoniques de Vienne, Berlin… La prochaine édition du festival aura comme thème la diversité, mettant en valeur les artistes de musique classique issus des minorités, tel l’orchestre Chineke, et donnant aussi à entendre des compositeurs trop peu connus, comme le chevalier de Saint-Georges, considéré comme « le Mozart noir ». Du 9 août au 11 septembre. lucernefestival.ch
Bregenz. Imaginez une scène sur un lac : c’est le pari génial, depuis 1946, du festival de Bregenz ! Si les spectateurs sont assis sur la rive, les artistes évoluent, eux, sur un plateau installé sur les eaux du lac de Constance. Un cadre idyllique qui, cet été, servira d’écrin à Madame Butterfly de Puccini. Et, comme toujours à Bregenz l’interprétation s’annonce de premier plan, avec, notamment, la présence de l’excellent Orchestre symphonique de Vienne. Outre l’opéra sur la scène lacustre, le festival autrichien programme aussi des ouvrages dans son théâtre en intérieur, ainsi que des concerts symphoniques. Jolie coïncidence musicale, le lac porte le même nom que la femme de Mozart… Du 20 juillet au 21 août. bregenzerfestspiele.com
Salzbourg. La ville natale de Mozart accueille chaque été le festival sans doute le plus célèbre au monde consacré à la musique classique. La programmation fait la part belle à l’opéra, avec des distributions vocales de stars et des mises en scène souvent décapantes. L’écrivain autrichien Robert Musil se définissait comme « anarchiste conservateur », des termes qui conviennent aussi parfaitement au Festival de Salzbourg. Le mélange entre héritage et souffle contemporain est ici détonnant. À ne pas manquer l’été prochain : une nouvelle production du Château de Barbe-Bleue de Bartók, dirigée par Teodor Currentzis et mise en scène par Romeo Castellucci ; deux figures génialement radicales de la scène artistique. La Flûte enchantée de Mozart sera, elle, dirigée par l’inspirée Joana Mallwitz, preuve qu’enfin le festival n’hésite pas à faire appel aux femmes chefs d’orchestre, trop longtemps mises de côté. Du 15 juillet au 31 août. salzburgerfestspiele.at
En Allemagne
Festival de Bayreuth. C’est le rendez-vous incontournable des amoureux de la musique de Richard Wagner. Chaque été, ils gravissent la colline de Bayreuth, où se trouve le Festpielhaus (palais des festivals), conçu par le compositeur lui-même. Un écrin acoustiquement idéal (avec sa fosse d’orchestre entièrement recouverte pour laisser passer les voix) même si le confort des strapontins y est quelque peu spartiate… On vient y découvrir des productions de la Tétralogie, le cycle wagnérien inspiré de la mythologie germanique, dont certaines sont déjà entrées dans l’histoire, comme celle mise en scène en 1976 par Patrice Chéreau et dirigée par Pierre Boulez. Du 25 juillet au 1er septembre. bayreuther-festspiele.de
Ingolstadt. Situé au nord de Munich, Ingolstadt est surnommé « Audi Stadt ». C’est en effet dans cette ville bavaroise que sont fabriquées les voitures de la marque allemande aux anneaux, propriété du groupe Volkswagen. La marque s’est toujours engagée en faveur de la musique classique ; elle est même à l’origine de la création de l’orchestre de la ville, constitué de musiciens géorgiens ayant fui l’instabilité politique de leur pays. Désormais, la marque mise davantage sur l’événementiel et organise le festival Audi Summer Concerts avec des concerts en plein air. La programmation, conçue par la violoniste Lisa Batiashvili, fait la part belle aux grands noms et aux œuvres mainstream. Mais ne boudons pas notre plaisir ; c’est aussi une belle manière de rendre la musique classique, souvent accusée d’être élitiste, accessible au plus grand nombre. Du 30 juin au 10 juillet.
Deux festivals de musique classique en Italie
Ravello. Lorsqu’il imagine le jardin tropical de Parsifal, Richard Wagner a en tête celui de la villa Rufolo, à Ravello. Située sur les hauteurs de la côte amalfitaine, cette petite ville italienne jouit d’un panorama absolument exceptionnel. Et le meilleur point de vue se trouve justement dans le jardin, là où, chaque été, le festival dresse ce qui est peut‑être la plus belle scène au monde. Derrière les musiciens, la mer Méditerranée s’étend à perte de vue. Si l’acoustique n’est pas le point fort du lieu, on ne peut qu’être émerveillé par cette alliance des sens. D’autant que la programmation met les petits plats dans les grands en convoquant le nec plus ultra du milieu musical. À noter que certains concerts se déroulent en intérieur dans la salle construite par Oscar Niemeyer, le génie brésilien de l’archi à qui l’on doit certains bâtiments de Brasilia. Même poésie du béton et indolence des lignes organiques. Dates non communiquées. ravellofestival.com
Vérone. Qui n’a pas rêvé d’aller un jour aux arènes de Vérone écouter un chef-d’œuvre de l’opéra italien ? Ce sont près de 8 000 personnes qui peuvent assister aux représentations. Cet été figurent au programme trois tubes de Verdi : Nabucco, La Traviata et Aïda. N’imaginez pas des productions d’avant‑garde : à Vérone, on mise sur le classicisme ! Décors à l’ancienne – avec les mises en scène hors d’âge de Franco Zeffirelli –, voix spectaculaires et grande masse symphonique… les pages lyriques sont restituées avec éclat, jusqu’à l’excès. Et pour ceux qui voudraient tester une autre expérience lyrique dans un monument de l’Antiquité, on leur conseillera les Chorégies d’Orange, dont le mur du théâtre offre une réverbération fascinante. Les anciens avaient déjà tout compris en matière acoustique. Du 17 juin au 4 septembre. arena.it
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