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The Good Playlist la folk de Sam Amidon - the good life
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Culture

The Good Playlist : la folk 2.0 de Sam Amidon

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Des racines de la folk music aux productions les plus actuelles, le chanteur et multi-instrumentiste américain Sam Amidon navigue, depuis vingt ans, sans frontières stylistiques, dans les hautes sphères musicales de ce monde, tout en restant un musicien très confidentiel.

Depuis les Appalaches et ses montagnes vertes jusqu’aux rives du Mississippi, imaginez le tableau : une Amérique du début de la sidérurgie et de l’expansion du train, ce railroad (auquel The Good Life consacre en partie ce numéro) qui a tant alimenté le grand répertoire des traditional folksongs. Une Amérique qui chante ses histoires d’amour, ses rêves d’exil et de voyages, ses faits divers, la dureté de vies de labeur, son quotidien le plus banal, peut-être le plus essentiel. Une Amérique, enfin, où la musique traditionnelle n’est pas l’héritage des hillbillies et où le blues n’est pas la seule affaire des Afro-Américains. Depuis plus de vingt ans, Sam Amidon, chanteur, guitariste, banjoïste virtuose et violoniste, né en 1981, dans les Green Mountains du Vermont, à deux pas du Canada, explore et sublime ce répertoire transmis oralement de génération en génération, et immortalisé dès la première partie du XXe siècle par des musicologues et archivistes : ces field-recorders, dont Alan Lomax est le plus célèbre représentant.

The Good Playlist la folk de Sam Amidon - the good life

Mais là où la majorité des musiciens perpétuent les chansons dans leur tradition populaire, Sam Amidon les propulse dans la modernité la plus totale avec une approche dont la liberté, l’aventure, le minimalisme et l’épure seraient les maîtres mots. Une signature stylistique qu’il développe depuis la publication d’All Is Well, en 2008, pour le label islandais Bedroom Community, album qui renferme plusieurs chansons qu’on placerait sans difficulté dans les plus hautes sphères de la production folk du début de ce siècle.

Cela, en partie, grâce aux orchestrations sous influence new‑yorkaise de Steve Reich signées Nico Muhly (qui fait également des merveilles chez Sufjan Stevens et Bonnie « Prince » Billy) et des paysages électroniques délicatement dessinés par Ben Frost. Écrin idéal pour réinventer, recomposer des mélodies séculaires dont les lointaines racines se trouvent entre Écosse, Angleterre et Irlande.

La presse est unanime et consacre Sam Amidon dès l’album suivant, I See the Sign, que le New York Times place parmi les meilleurs disques de l’année 2010. Même son de cloche du côté de chez Pitchfork. Un succès critique qui lui ouvre les portes du prestigieux label Nonesuch, qui compte dans son catalogue des géants du jazz, du rock, de la musique contemporaine et plus encore, de Brad Mehldau à David Byrne, d’Ali Farka Touré à Steve Reich, d’Emmylou Harris à Laurie Anderson.

Entre folk et expérimentations

« Un positionnement qui correspondait exactement à mon engagement musical depuis le début, à savoir cette intersection entre les musiques folk, traditionnelles et l’improvisation, les textures plus expérimentales », précise l’intéressé que l’on rencontre juste avant un concert parisien au printemps.

Sur scène, cheveux bouclés, chemise de bûcheron, Sam Amidon retrace, ce soir-là, aux côtés du batteur et homme‑orchestre Chris Vatalaro (l’un des musiciens et accompagnateurs les plus précieux que la ville de Londres possède), les sommets de son répertoire depuis le tout début, alternant entre sa guitare et son banjo qu’il emmène dans des contrées à l’orée du rock, de la funk, voire de la musique répétitive.

Et cette voix, qui passe d’une ligne folk céleste à l’âpreté d’une complainte, d’un tiraillement comme un écho au fiddle (violon utilisé dans les musiques traditionnelles) ou à la musique du saxophoniste Albert Ayler, figure incontournable du free‑jazz.

Un style que Sam a exploré en étudiant avec le violoniste Leroy Jenkins, immense référence du genre, dont on retrouve le nom sur des albums de John Coltrane, Anthony Braxton et tant d’autres. Ce parcours musical d’une grande richesse l’inciterait presque à réfuter le terme de musicien folk. « Je ne me suis jamais véritablement intéressé aux singer-songwriters, précise‑t-il. J’ai écouté Bob Dylan et Joni Mitchell pour la première fois alors que j’avais 20 ans. Quant à Nick Drake, il n’a été qu’une influence très tardive. »

All Is Well, sorti en 2008 sur le label islandais Bedroom Community,
All Is Well, sorti en 2008 sur le label islandais Bedroom Community, DR

Les liens semblent évidents lorsqu’on découvre la mélodie de sa composition Juma Mountain et sa mélancolie automnale – un morceau tiré de The Following Mountain, publié en 2019. Mais Sam préfère évoquer l’importance du groupe Yo La Tengo ou du musicien Arto Lindsay, qui lui ont donné envie d’embrasser la scène indie rock new‑yorkaise au début des années 2000.

Vingt ans plus tard, cette résurgence rock marque plus que jamais sa musique, comme le suggère son dernier disque Maggie – qu’il n’avait pas pu présenter en tournée jusqu’alors, Covid oblige –, qui laisse entrevoir des textures plus denses, plus électriques, tout en restant absolument enraciné dans les terres montagneuses du mythique banjoïste Dock Boggs, comme celles, méandreuses, de Mississippi John Hurt et de Bessie Jones. Celles, en somme, d’une Amérique en noir et blanc.

La playlist de Sam Amidon pour The Good Life :

Suivez The Good Life sur Spotify pour retrouver toutes nos playlists : @thegoodlifemagazine


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