×
Power Station of Art, Shangai
La gigantesque Power Station of Art, seule structure publique du West Bund, abrite la biennale de Shanghai.
melanie2

Culture

Shanghai prend le train de l’art

Culture

A Shanghai, les musées privés prennent la main. Pour le moment. Mais c’est sans compter sur les ambitions de certains acteurs du marché, qui aimeraient bien voir la mégapole doubler Hong Kong. Il y a encore un peu de boulot…

Figures internationales
Beaucoup de musées se contentent, pour le moment, de mener des projets en partenariat avec des institutions étrangères – l’exposition Giacometti a été réalisée à 100 % avec la fondation Giacometti (@fondation_giacometti), la rétrospective Monet avec le musée Marmottan Monet… « Shanghai met les bouchées doubles pour devenir une vitrine muséale de stature internationale, mais tout le problème est de faire fonctionner correctement ces énormes structures. Elles ont besoin d’une expertise étrangère, car il est encore difficile de trouver des conservateurs de musée, des scénographes, des muséographes, des historiens de l’art chinois, explique Romain Degoul, de la galerie Paris-Beijing, qui n’exclut pas d’ouvrir un jour une antenne à Shanghai. A l’heure actuelle, il existe en Chine deux écoles d’art qui forment des conservateurs de musée, à Pékin et à Hangzhou. C’est peu pour un pays qui voit éclore un musée par jour. »

La gigantesque Power Station of Art, seule structure publique du West Bund, abrite la biennale de Shanghai.
La gigantesque Power Station of Art, seule structure publique du West Bund, abrite la biennale de Shanghai. Olivia Martin-McGuire

Cette faiblesse explique que nombre d’institutions à Shanghai aient pour directeur des figures internationales : les Français Larys Frogier et Ashok Adiceam dirigent, respectivement, le Rockbund Art Museum et la fondation Yuz, le Coréen Yongwoo Lee est à la tête du Shanghai Himalayas Museum… « Il faut se mettre à niveau, inventer un modèle et créer un écosystème cohérent », reconnaît le collectionneur David Chau, qui donne l’exemple en soutenant deux galeries dédiées aux jeunes artistes – Antenna Space et Leo Xu Projects – et en créant le PIMO Contemporary Art Festival et la foire Art021, dont l’esprit cool et festif attire un nouveau public. En montant de son côté une foire plus institutionnelle, la West Bund Art & Design Fair, l’artiste Zhou Tiehai ne cache pas son ambition : rivaliser, depuis la Chine continentale, avec Hong Kong et sa puissante foire Art Basel HK. La taille et le volume des stands qu’il propose dans un hall de près de 11 000 m2 a, de fait, séduit toutes les grandes enseignes de la planète : Perrotin, Hauser & Wirth, Zwirner, White Cube, Victoria Miro…

Œuvres monumentales
Vitrine muséale, Shanghai n’est toutefois pas encore une place de marché, même si la maison de vente Christie’s s’y est installée il y a trois ans. Après avoir organisé une première vente en 2013, elle a ouvert un espace à l’automne 2014 dans le Bund. « Nous misons beaucoup sur l’art contemporain, et notamment sur les artistes émergents, afin d’attirer une nouvelle génération de collectionneurs, explique Gwen Delamaire, la directrice de Christie’s en Chine. Nous organisons aussi de nombreux cycles de conférences pour éduquer les collectionneurs, leur apprendre l’histoire de l’art, ou les aider dans la constitution de leur fonds. Ils achètent les valeurs sûres du marché international, mais sont de plus en plus motivés pour soutenir la jeune garde des artistes chinois. » Celle-là même qu’on a pu voir exposée à la fondation Louis Vuitton l’hiver dernier, à Paris.

L’artiste Zhou Tiehai a monté la West Bund Art & Design Fair. Avec son hall de 11 000 m2 et ses exposants prestigieux venus du monde entier, cette manifestation tente de rivaliser avec Art Basel Hong Kong.
L’artiste Zhou Tiehai a monté la West Bund Art & Design Fair. Avec son hall de 11 000 m2 et ses exposants prestigieux venus du monde entier, cette manifestation tente de rivaliser avec Art Basel Hong Kong. Olivia Martin-McGuire

Les deux nouvelles stars de Shanghai, Xu Zhen et Yang Fudong, figuraient en bonne place dans un accrochage spectaculaire, qui privilégiait des œuvres très grand format, à l’image d’une Chine qui aime ce qui brille, étonne et impressionne. Les musées sont gigantesques, les œuvres, monumentales. « Lorsque Budi Tek a décidé, il y a un an, de présenter The Rain Room au Yuz Museum [une “salle de pluie” équipée de capteurs qui permettent à chaque visiteur d’être épargné par les gouttes à l’endroit précis où il se trouve, NDLR], il a demandé au collectif Random International de produire une version de l’installation une fois et demie plus grande que celle présentée au MoMA », explique Ashok Adiceam. L’installation a été visitée par plus de 200 000 visiteurs, qui ont dû patienter pendant des heures pour avoir le privilège de commander aux saisons. Dans un pays aux ambitions démiurgiques, une œuvre qui permet de faire la pluie et le beau temps ne pouvait que fasciner.

Voir plus d’articles sur le sujet
Continuer la lecture