Getaway
Faire une virée en Toscane quand on habite Rome, c'est comme partir en week-end à Deauville quand on habite Paris : c'est un peu cliché, mais ça ne déçoit jamais.
Pour The Good Life, j’ai voulu découvrir un Chianti hors des sentiers battus le temps d’un road trip d’une journée en allant rencontrer des acteurs qui s’inscrivent dans la carte postale
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Direction la Bella Toscana
Départ de Rome pour trois heures de route en Polestar 2, une berline familiale électrique aux courbes sportives, concurrente sérieuse de la Model 3 de Tesla, offrant une autonomie de 470 kilomètres. Direction plein nord pour rejoindre le petit village de Radda in Chianti à une heure au sud de Florence en Toscane, la troisième région d’Italie continentale en termes de superficie après la Calabre et les Pouilles mais sûrement, et de loin, la première en termes de renommée à l’international, tant pour sa culture et sa gastronomie que la beauté de ses paysages et de ses villages ponctués de cyprès, d’oliviers et de vignes sur de jolies collines.
Situé entre Florence et Sienne, le Chianti est au cœur de la Toscane et bénéficie d’un climat méditerranéen, des conditions idéales pour la viticulture. C’est un condensé d’Italie sur un territoire d’environ 70 000 hectares de vignes. Là-bas, comme souvent en Italie, les clichés sont réalité et on y trouve ce qu’on était venu y chercher : le vin est bon, les collines réconfortantes et les couleurs incroyables. On connaît l’image d’Épinal de la Toscane l’été avec les hautes herbes qui dansent dans le vent. Je la recommande également quand vient l’automne, un été indien version italienne. La vigne rougit, les arbres se teintent d’orange et de jaune, et les cheminées dégagent leurs premières fumées, invitant à de longues soirées chaleureuses au coin du feu. Embarquement pour une journée d’exploration.
Pieve Aldina, le plus italien des domaines de Fontenille
On ne présente plus le duo de serial entrepreneurs Guillaume Foucher et Frédéric Biousse, les fondateurs des Domaines de Fontenille, un groupe hôtelier qui s’exporte aujourd’hui dans la Botte.
Frédéric est un « entrepreneur-aventurier-hôtelier-vigneron-vivant« , comme il se décrit lui-même sur sa page Instagram où l’on suit avec curiosité son quotidien de chef d’entreprise, de fan d’Étienne Daho et de curieux invétéré toujours à la recherche de la dernière start-up ancrée dans notre époque, prometteuse pour l’avenir. Il se charge de la partie business de l’ouverture des hôtels qui ont en fait plus attrait à des belles maisons d’hôtes.
Pour trouver leur première adresse italienne, le couple a choisi l’option terrain : sillonner la Toscane en 2019 le temps d’un long week-end. 700 kilomètres plus tard et un Stabilo vidé sur une carte Michelin, ils arrêtent leur choix sur l’ancienne résidence d’été des évêques de Sienne, située à mi-chemin entre Florence et Sienne sur la route des vins du Chianti – la Traversa del Chianti. Un ensemble de bâtiments bâtis du 15e au 17e siècle qui forment un joli hameau avec leur église romane Santa Maria Novella datant du Xe siècle et destinée à accueillir des mariages dès l’été prochain.
En trois ans, l’équipe, épaulée par le studio d’architecture italien Pierattelli, a restauré le lieu en prenant soin d’en conserver l’âme.
Pieve – pour église en italien – Aldina a ouvert ses portes en juillet et vient de terminer sa première saison avec succès. Quand on arrive, on note spontanément l’esprit de famille qui règne parmi le staff particulièrement jeune, sous la houlette du directeur Fabio Serafino. Sa femme Justine à la réception et toutes les personnes en charge de l’accueil participent à l’ambiance chaleureuse. À Pieve Aldina, pas de standards, mais une volonté de rendre le luxe accessible. Aucune des 22 chambres ne se ressemblent. Un peu comme dans une maison d’hôte, on s’installe dans l’endroit qui nous attire. On se pose dans un canapé pour feuilleter les livres de photos. On joue aux échecs dans l’Enoteca. On boit le café au bord de la piscine.
Après avoir savouré un délicieux petit déjeuner du buffet avec une omelette au fromage local et des confitures maison fournies par une autre maison Fontenille, il est temps de partir découvrir le coin.
Trail Running de vignes en villages
Courir en Toscane offre des vues panoramiques mais les collines peuvent être un défi pour les jambes. L’objectif du jour est d’atteindre le village de Radda in Chianti, perché à 530 mètres d’altitude, en traversant les vignes. Fin octobre, les vendanges sont terminées, les oliviers finissent de mûrir leurs fruits, et la nature semble se préparer à l’hiver. Seuls les cyprès restent immuables, observant les saisons qui passent. Dans le charmant village de Volpaia, un mariage est célébré. Les enfants courent et font des bulles, une Fiat 500, jaune pour changer, attend les mariés alors que les anciens observent la scène.
Le parcours, improvisé, mène au village de 1600 habitants entouré de murailles.
A midi, c’est l’heure de la balade dans Radda qui donne lieu à pique-nique aux saveurs locales. La charmante bourgade offre une escapade idéale pour les amateurs de vin. Une fois passés les murs d’enceinte de ce petit village qui a connu de nombreuses attaques au cours des siècles, nous plongeons dans le passé : maisons en pierre, volets verts, Piaggio à deux ou trois roues qui bourdonnent et bancs publics prêts à accueillir pour quelque temps les amours débutants.
L’attraction phare de Radda semble être la Casa Chianti Classico, installée dans un monastère franciscain du XVIIIe siècle. Les visiteurs peuvent y suivre un cours d’œnologie de 90 minutes et en apprendre davantage sur l’histoire du Chianti. Je préfère aller à la rencontre des viticulteurs directement dans leur vignoble dans l’après-midi.
Pour le déjeuner, direction l’institution locale, l’épicerie-boucherie Casa Porciatti qui propose du jambon à la découpe, des oignons rouges au vinaigre, des pickles d’oignons blancs, du thon à l’huile. Le bonheur en Italie, c’est de remplir son panier de bons produits et de s’installer sur un muret de pierre pour les déguster et tenter des associations, souvent gagnantes.
Pour les fruits et légumes, direction le camion garé sur la place où un couple de maraîchers crie d’un bout à l’autre de l’étalage coloré qui sent bon les produits de saison. Des concombres, des tomates, les dernières de la saison en provenance de Calabre et du raisin local. Buon appetito!
Un road trip dans le Chianti à moto, un classique
Qui n’a jamais rêvé de parcourir la Toscane à moto, les cheveux au vent ? J’ai opté pour l’option avec casque et j’ai enfourché une Royal Enfield 350 classique proposée à la location par Motezza, une société qui loue uniquement des bécanes néo-vintage Royal Enfield et qui propose des tours « avec style » à la journée ou à la semaine en Toscane.
En solo, je pars en direction de Castellina in Chianti, recommandée par Gerhardt, l’Autrichien tombé amoureux d’une Italienne et de sa région, qui a monté Motezza — un hommage à la moto, à la lentezza (la lenteur) et à la bellezza (la beauté, bien sûr).
Dès la sortie de Greve in Chianti, les premières courbes offrent de belles sensations et le vrombissement typique de la plus indienne des motos anglaises se fait entendre dans les environs.
Rencontre avec Filippo de Querceto di Castellina
Au détour d’un virage, un chemin de pierres blanches et un panneau indiquant simplement une cantina, lieu de production du vin en italien. Arrivé au bout du chemin, je gare la moto et rencontre Filippo Di Battista qui m’accueille avec un large sourire et reconnaît mon accent français. Filippo est florentin et habite depuis 20 ans entre Paris où il est architecte et la campagne toscane où il dirige les hébergements de l’agriturismo familial Querceto di Castellina.
En 1998, Jacopo, le frère de Filippo décide d’arrêter de vendre les raisins des vignes familiales achetées par le grand-père et de commencer à produire leur propre vin, étiqueté de la précieuse appellation Chianti Classico. La première année, 3300 bouteilles de « L’aura », inspiré du nom de leur maman et maîtresse des lieux, sortent des cuves de ce petit hameau typiquement toscan. Depuis 25 ans, l’histoire se poursuit et la cantina a transformé les bâtiments en appartements soigneusement décorés pour accueillir des touristes dans ce cadre enchanteur. Filippo s’occupe des neuf appartements pouvant accueillir jusqu’à 40 personnes. Jacopo et sa femme Mary sont en charge du vin et des dégustations, tandis que Laura, la maman, prépare les délicieux repas de la nonna pour les convives. La relève arrive déjà avec Livia, la fille de Filippo, première petite-fille de Laura et qui a donné son nom à un blanc réputé de la maison.
La culture de la vigne dans le Chianti remonte à l’époque des Étrusques, l’une des plus importantes civilisations pré-romaines au VIIIe siècle av. J.-C. Cependant, c’est au Moyen-Âge que la région a acquis sa renommée viticole. Les moines des monastères locaux ont joué un rôle essentiel dans le développement de la viticulture, en cultivant des raisins et en produisant du vin pour les besoins liturgiques et la consommation locale.
Au cours des siècles, la production de vin dans la région du Chianti a continué de prospérer et le Chianti Classico, une sous-région spécifique du Chianti, a été l’une des premières appellations d’origine contrôlée (AOC) établies en Italie en 1716. Au XIXe siècle, des viticulteurs tels que Barone Ricasoli ont joué un rôle majeur dans la définition des cépages, le Sangiovese en premier lieu, et des techniques de vinification pour produire le Chianti tel que nous le connaissons aujourd’hui. À partir du début du XXe siècle, en l’absence de lois protégeant l’appellation, on a commencé à produire du Chianti en dehors des limites géographiques de ce territoire, un peu partout dans le reste de la Toscane pour profiter de la renommée des vins du Chianti. On a ensuite tenté de clarifier les choses en donnant au vin produit dans la zone de production d’origine l’appellation « Chianti Classico », mais le fait de permettre au vin produit en dehors de cette zone de garder le nom « Chianti » a continué à entretenir la confusion chez les consommateurs. Pour résumer, retenons que le Chianti Classico est produit sur le territoire historique du Chianti et qu’on le reconnaît au coq noir sur son logo, tandis que le vin Chianti est produit en dehors de ce territoire. Retenons surtout que la famille Di Battista fait du Chianti Classico et avec la manière.
Dîner à l’Enoteca de Pieve Aldina
De retour à l’hôtel, promenade au soleil couchant dans les vignes entourant l’hôtel et retour pour un dîner dans l’enoteca, la salle commune qui sert à la dégustation de vins et aux cours de cuisine proposés par l’établissement.
La gastronomie italienne est mise à l’honneur par le chef Flavio Faedi à travers différents espaces : qu’il s’agisse de l’enoteca traditionnelle, ancienne cuisine des évêques, qui vous plonge dans l’Italie des années 50 ou d’un bistrot dont la terrasse s’étend à travers les jardins, du joli nom de Rondini (hirondelles).
Le chef y propose une cuisine qui s’inspire des racines humbles et savoureuses traditionnelles de la Toscane. Il décide des menus en fonction des produits du jardin potager, qui va très vite s’agrandir, aux vues des nombreuses terrasses ensoleillées.
Extinction des feux, des étoiles plein les yeux
Au total, une vingtaine de chambres spacieuses se partagent une vue imprenable sur cette campagne romantique. Si la rénovation de tous les éléments décoratifs (certaines fresques remontent au XVIe siècle) s’est faite dans les règles de l’art, on retrouve le luxe convivial qui caractérise toutes les adresses de la collection : une décoration maison d’une élégance épurée, valorisant les espaces, les charpentes et l’architecture historique.
Nous testons la Suite Bleue aux magnifiques fresques rénovées avec soin et dans le respect de l’esprit de la maison. La literie est excellente, et les matériaux rappellent la chaleur d’une maison de campagne. Buonanotte.
Pieve Aldina
53017 Radda in Chianti, Italie
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