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Nouveau coup de pouce à la motorisation électrique : la France vient d’adopter un décret facilitant le rétrofit, procédé consistant à remplacer le moteur thermique d’un modèle par un bloc électrique. Les contraintes réglementaires sont allégées, et tous les engins sont désormais concernés.
C’est un mariage princier qui a mis en lumière une autre union historique. En 2018, Meghan et Harry s’affichaient à la sortie du château de Windsor dans une superbe auto signée par le constructeur britannique Jaguar : une mythique Type E de 1968 animée par… un moteur électrique. Cette alliance de tradition et de modernité, certes déjà développée et existante à travers le monde, apparaissait soudainement au grand jour. La plus belle voiture du monde – selon les termes d’Enzo Ferrari – se mouvait ainsi, en silence, grâce à un bloc de 220 kW, soit environ 300 ch, alimenté par une batterie lithium-ion de 40 kW. Création de la division Classic de Jaguar, cette Type E-Zero a provoqué un engouement pour ce type de reconversion. A tel point que la marque de Coventry a travaillé depuis sur son prototype dans le but de proposer cette transformation aux propriétaires d’anciennes Type E. Si le projet est pour le moment mis en pause par Jaguar, difficile de ne pas lui attribuer la mise en avant à large échelle de cette solution : le rétrofit.
De nombreux pays s’y sont intéressés et ont rapidement défini une réglementation pour l’encadrer légalement. En France, il a fallu attendre avril dernier pour voir l’entrée en vigueur du décret qui permet de remplacer, dans un véhicule, un moteur thermique, essence ou Diesel, par un moteur électrique, en allégeant les contraintes. « Le rétrofit n’était pas interdit avant, précise Arnaud Pigounides, coprésident de l’Association des acteurs de l’industrie du rétrofit électrique (AIRe), association des acteurs de l’industrie du rétrofit électrique, et président de Retrofuture. Toutefois, il fallait l’accord du constructeur. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. »
Fini, donc, les lourdes et coûteuses procédures qui imposaient aux entreprises de rétrofit de passer tout le véhicule en homologation, avec l’accord du constructeur. L’homologation se limite désormais au kit de transformation et à son montage. Ces kits doivent préserver les caractéristiques initiales des véhicules, à savoir le poids – à plus ou moins 20 % – l’équilibre des masses et la puissance. Il s’agit, bien sûr, de ne pas toucher à la sécurité propre du véhicule, aussi bien pour sa conduite (équilibre général) que pour sa résistance aux chocs, notamment vis-à-vis de la disposition de certaines pièces, comme les batteries.
« Le décret impose également de les faire poser par un professionnel », avertit Arnaud Pigounides. Le rétrofit s’ouvre à tout type de véhicule. « De la voiture aux camions, bus et cars de plus de 5 ans, jusqu’aux 2 et 3-roues de plus de 3 ans », précise Gérard Feldzer, coprésident de l’AIRe et président fondateur de Carwatt. Cet ancien pilote de ligne, spécialiste du transport et directeur de campagne de Nicolas Hulot, n’a d’ailleurs pas attendu le décret pour se lancer dans le rétrofit, et au-delà de la simple voiture.
« J’y ai pensé il y a cinq ans. Carwatt propose déjà des adaptations électriques de véhicules Diesel dans les aéroports ou les ports, comme les petits tracteurs ou les pousseurs d’avions. Dans ces configurations, il s’agit de prolonger la vie de ces engins qui n’effectuent que de courtes distances à faible vitesse et de limiter les émissions polluantes. Nous employons même des batteries de seconde vie, à la fois pour le côté recyclage et pour favoriser la performance économique de notre solution. »
Avant le décret, il était toutefois difficile de s’attaquer aux véhicules circulant sur la route. Désormais, les professionnels pourront proposer des solutions pour des bennes électriques ou des bus, par exemple. « Ces solutions coûtent environ deux fois moins cher qu’un véhicule neuf, avec une garantie de 7 ans sur les batteries, explique Gérard Feldzer. Sans compter qu’ils ne sont plus bruyants, ni polluants en milieu urbain. Pour un véhicule de 5 à 6 ans, il est ainsi facile de prolonger sa durée de vie de 6 à 7 ans. »
Les nombreux atouts du rétrofit
Arnaud Pigounides a relevé trois motifs principaux permettant de souligner l’importance de cette nouvelle réglementation. Tout d’abord, elle s’inscrit dans une économie circulaire : « Si le véhicule est en bon état et durable, c’est un atout pour prolonger son existence. Cela peut être pratique, par exemple, pour les fourgons aménagés des artisans. » Dans ce cas, le rétrofit est moins cher qu’un véhicule neuf dont l’agencement est à refaire. Le patron de Retrofuture insiste également sur les économies d’énergie réalisées, d’autant plus lorsqu’on possède des panneaux photovoltaïques chez soi ou dans son entreprise, ainsi que sur l’absence de bruit, notamment dans les centres urbains.
Un dernier point essentiel, sachant que la ville sera le lieu de prédilection de ces véhicules transformés, en raison d’une autonomie limitée à une centaine de kilomètres pour limiter les coûts et pour garantir un intérêt économique au système. Car, avec l’avènement de la voiture électrique, les constructeurs commencent à réduire leurs coûts, et donc les prix de vente de leurs nouveautés. A l’image des derniers modèles commercialisés autour de 15 000 euros. Le prix d’un rétrofit doit donc rester abordable.
Et le processus, prendre la voie de l’industrialisation. « Pour amortir le coût d’une homologation, il faut produire des kits pour un modèle à forte demande et qui s’adapte facilement à d’autres modèles », explique Stéphane Wimez, directeur général du 2CV Méhari Club Cassis (MCC). Fort de son expérience avec l’Eden (la Méhari électrique), le MCC compte proposer un rétrofit pour les 2 CV sur la base de celui existant pour l’Eden au meilleur prix.
Reste que la moitié du coût est impacté par la batterie. Ainsi, pour ne pas voir les prix s’envoler – ni le poids, car les batteries sont plus lourdes qu’un réservoir d’essence –, les batteries de petite capacité seront privilégiées. « Pour une citadine avec une centaine de kilomètres d’autonomie et une vitesse maxi de 110 km/h, le prix du rétrofit est d’environ 10 000 à 15 000 euros, sans aide fiscale, indique Gérard Feldzer. Soit environ 5 000 à 10 000 euros avec la prime. » Ce qui rend la solution intéressante et accessible pour une citadine essence ou Diesel, soumise aux conditions de circulation dans les centres-ville, notamment aux interdictions liées à la vignette Crit’air.
Le rétrofit des anciennes…
C’est d’ailleurs là que le rétrofit prend des points : l’électrification permet la circulation propre, et donc sans restriction. De quoi prendre l’envie de rouler avec sa voiture de collection sans se soucier de ce point. Car le rétrofit ne s’adresse pas qu’aux voitures récentes, n’en déplaise aux puristes. Ian Motion, Retrofuture, MCC et bien d’autres encore l’ont compris depuis longtemps en proposant du rétrofit avant même le décret, mais en se limitant à quelques modèles anciens, voire un seul.
Ici, le terme rétrofit s’associe presque à la restauration, car, dans certains cas, l’ensemble de la voiture bénéficie d’un relooking du sol au plafond. « Si vous prenez l’exemple d’une Spitfire : le prix d’une occasion se situe autour de 12 000 euros et l’électrification autour de 15 000 euros. Au final, vous avez une voiture quasi neuve, avec une histoire et un style, pour le prix d’une petite citadine électrique neuve, signale Arnaud Pigounides. Et cela concerne aussi les voitures plus imposantes, comme les SUV ou les berlines. »
Toutefois, pour ces dernières, la recherche d’autonomie et les puissances supérieures font monter les prix : « Là, il faut compter plutôt entre 25 000 et 30 000 euros pour une grosse voiture », précise le président de Retrofuture. En cause, bien sûr, la batterie, qui reste le problème majeur : « la pile à combustible – hydrogène – peut répondre aux besoins de longs trajets, reprend Arnaud Pigounides. Mais elle est encore très complexe à produire, à transporter, et très chère comparée aux batteries lithium-ion. »
Sans compter que la recherche d’autonomie se fait parfois sans bon sens : « Réclamer 400 km avant recharge peut être une hérésie pour une voiture qui ne quitte pas la ville ou la banlieue, déclare Gérard Feldzer. Peu de personnes font une centaine de kilomètres par jour. »
… et des 2-roues
Une réduction de l’autonomie engendrée par le rétrofit qui se retrouve également sur les deux-roues. « Elle est inévitable, précise Clément Fléau, président de Noil. Sur un scooter, il y a peu d’espace disponible pour les batteries et, comme pour les autos, nous devons respecter le poids du véhicule et la répartition des masses. » La jeune entreprise, installée à Montreuil, assure le rétrofit de nombreux modèles de scooters, du 50 cm3 au maxiscoot, en passant par les 125 cm3 et les Mobylette.
« Avec la prime de 1 100 euros, le coût de la conversion est vite réduit. Et l’électrification en ville, c’est la garantie de pouvoir se déplacer. Fin juin 2019, près de 40 % des 2 et 3-roues étaient interdits de circulation dans Paris à cause de la pollution. » Des points positifs qui se conjuguent là aussi aux économies en carburant, au silence et à un entretien qui se limite « aux plaquettes de freins et aux pneus », conclut le jeune dirigeant. Un dernier facteur à prendre en compte dans le prix global d’un rétrofit, que ce soit pour les 2, 3 ou 4-roues.
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