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Henri Giscard d’Estaing
Henri Giscard d’Estaing, président du Club Med.
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The Good Business

10 questions à Henri Giscard d’Estaing, le numéro 1 du Club Med

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Le président du Club Med nous parle des ambitions de ce groupe hôtelier qui poursuit son implantation en Chine. Rencontre.

Nous avons posé 10 questions à Henri Giscard d’Estaing, Président du Club Med.

 

1. The Good Life : A quel moment vos clubs ont-ils séduit la clientèle chinoise ?

Henri Giscard d’Estaing : Il y a trente ans, nous avons été les premiers à penser que les Chinois prendraient un jour des vacances. Ils ont droit aujourd’hui à deux ou trois semaines de congés par an, et aussi à des ponts. Nous constations déjà que nos clubs de la région Pacifique étaient appréciés par les gens de culture chinoise, soit Singapour, Hong Kong et Taïwan. En 2000 émerge un touriste chinois qui voyage plutôt en groupe et que nous ne ciblons pas encore. Trois ans plus tard, le gouvernement de Pékin facilite le voyage individuel. Ces touristes privilégiaient des destination comme la Thaïlande, Bali ou les Maldives. Nous avons alors voulu diversifier les destination, en favorisant des vols directs depuis Shanghai et Pékin vers l’île Maurice.

Henri Giscard d’Estaing, président du Club Med.
Henri Giscard d’Estaing, président du Club Med. DR

2. TGL : De quand datent les clubs en Chine ?

H. G. d’E. : Dès 2010, nous avons réfléchi à un premier emplacement avec cette question : plage ou montagne ? La logique était bien évidemment un bord de mer, mais on a décidé de ne pas faire comme tout le monde, et de parier sur la montagne.

 

3. TGL : Plutôt risqué dans un pays jusque-là pauvre en skieurs !

H. G. d’E. : Oui, c’était audacieux, d’autant plus que le village que nous avions choisi se situe dans la station très isolée de Yabuli, dans le nord-est du pays. Ce resort avait, à l’époque, un taux d’occupation de 5 % ! Il appartenait à un Chinois, mais avait été construit sur un modèle canadien aux standards élevés que nous avons pu adapter en investissant 3 M $. Nous avons confié la direction du village à un Basque, et avons fait venir des moniteurs issus de l’École du ski français pour offrir le meilleur niveau d’enseignement. Aujourd’hui, le taux d’occupation est de 60 %.

Des skieurs profitent des pistes à Yabuli dans le nord-est de la Chine.
Des skieurs profitent des pistes à Yabuli dans le nord-est de la Chine. DR

4. TGL : Rappelez-nous comment Club Med est devenu propriété de Fosun.

H. G. d’E. : Il nous fallait un partenaire local. Nous en avons toujours eu dans le domaine immobilier au Moyen-Orient ou au Maroc, lesquels siégeaient à notre conseil d’administration. Or, lors de la crise de 2008, l’impact sur les activités de loisirs et du tourisme en Union européenne a été sévère. Nous avons, par exemple, perdu 40 % de la clientèle italienne entre 2010 et 2013. Les prévisions en Europe étaient mauvaises. A ce moment-là, notre bonne étoile nous a menés vers le plus grand conglomérat privé chinois qui avait des activités à l’échelle mondiale dans la pharmacie, l’immobilier, la banque et les assurances. Fosun souhaitait se diversifier vers les biens de consommation et les services, et voulait développer des associations internationales. Aussi, en 2010, à un simple partenariat régional, j’ai préféré l’idée que Fosun prenne une participation au capital dans notre maison mère et que l’un des quatre fondateurs, Guo Guangchang, entre ainsi au conseil d’administration. Puis nous avons lancé un processus d’OPA amicale pour stabiliser notre actionnariat, dans le but d’initier une nouvelle phase d’internationalisation qui suivait la montée en gamme. En fait, nous travaillions régulièrement avec Fosun depuis sept ans. Ces détails sont fondamentaux pour comprendre l’évolution du Club Med (@clubmed).

 

5. TGL : Qu’est-ce que l’arrivée de Fosun change à votre fonctionnement ?

H. G. d’E. : Depuis 2015, Fosun détient 98,26 % du Club Med. Le groupe facilite évidemment notre développement en Chine, où nous avons créé 5 villages. De 2010 à 2016, nous avons atteint nos objectifs en passant de 50 000 clients chinois à 200 000, et la Chine est devenue notre deuxième marché après la France. Alors que nous investissions 60 M € par an dans les villages, avec Fosun, c’est 80 M €. Le maillage s’accélère, puisque 15 nouveaux villages dans le monde sont prévus dans les trois ans, et nous allons luxueusement en restaurer 9 existants. Notre accélération a cimenté la confiance de nos partenaires immobiliers. Enfin, Fosun est très présent sur les stratégies d’évolutions prioritaires. Lorsque Guangchang Guo me glisse à l’oreille que la dimension du digital mobile va bouleverser les relations commerciales, j’ai ajouté ce conseil stratégique à la liste de nos priorités : digitalisation avec la création d’un département spécifique [on trouve maintenant des e-GO au Club Med, ndlr], internationalisation et montée en gamme. Lorsqu’on choisit un projet en Chine, Fosun nous ouvre grand les portes.

Le Club Med de Guilin, à 500 km de Hong Kong, est sur un site naturel classé d’une exceptionnelle splendeur.
Le Club Med de Guilin, à 500 km de Hong Kong, est sur un site naturel classé d’une exceptionnelle splendeur. DR

6. TGL : Les différentes activités du consortium vous aident-elles également ?

H. G. d’E. : Ce conglomérat possède des banques au Portugal, des sociétés d’assurances à New York ou à Montréal. Ce sont autant de partenaires qui soutiennent notre croissance. Certains de nos clubs ont ajouté l’activité de trapèze, avec le Cirque du Soleil qui appartient à Fosun. On travaille à devenir leader mondial en nous ancrant sur notre savoir-faire français.

 

7. TGL : Quel est le profil de votre clientèle chinoise ?

H. G. d’E. : Elle fréquente nos clubs en famille à près de 70 % et n’a, pour le moment, qu’un seul enfant. Les grands-parents sont présents dans nos villages. Enfin, il arrive que plusieurs familles s’y regroupent aussi.

 

8. TGL : Comment évoluent ces touristes ?

H. G. d’E. : Comme nous l’avions espéré, les Chinois sont passés du mode voyage au mode vacances. Il y a peu, ils découvraient le monde en groupe, picorant ici et là. Désormais, ils apprennent à se poser : en moyenne 3 jours chez eux, et 4 à l’étranger, contre 7 pour les Occidentaux. En revanche, ils dépensent plus que nos autres clients. Lors d’un séjour, expérimenter et apprendre est fondamental à leurs yeux. Ils veulent s’initier au ski ou à la plongée avec un GO, et que leur enfant puisse s’immerger dans une atmosphère internationale, car la plupart parlent anglais.

 

9. TGL : Pourquoi faire aujourd’hui de la montagne un enjeu stratégique ?

H. G. d’E. : Aujourd’hui, nous construisons notre deuxième village de montagne au Japon, où 30 % de nos clients sont chinois, et nous avons inauguré cet hiver un second village de ski en Chine, avec un taux d’occupation de 75 %, ce qui va renforcer notre position de leader en Asie. Idem à Samoëns-Morillon, dans les Alpes, où nous avons un projet en cours. Au total, il existe 20 clubs alpins, dont le taux d’occupation, cet hiver, a été de 80 à 90 % selon les endroits. Cela reflète un développement exponentiel autour de la neige que nous avions anticipé. En fait, nos villages de ski en Chine permettent à une clientèle locale de s’initier en douceur chez elle et, ensuite, de se laisser tenter par les Alpes. Très différentes de leurs montagnes, elles représentent un peu le Graal. Cela dit, nous avons également inauguré deux villages balnéaires à la pointe Sud de la Chine : sur l’île d’Hainan, qui est un peu le Hawaï chinois, et à Dong’ao, dans le delta de la Rivière des perles. Ils viennent s’ajouter à Guilin, un site exceptionnel classé au Patrimoine mondial de l’Unesco, où se trouve un grand musée de sculptures contemporaines de plein air, dont l’une signée Ben affiche le mot « libre ». C’est en voyant cette œuvre-là que j’ai été convaincu d’ouvrir à cet endroit, il y a trois ans…

Le Grand Massif Samoëns-Morillon, dans les Alpes, l’un des projets en cours de Club Med.
Le Grand Massif Samoëns-Morillon, dans les Alpes, l’un des projets en cours de Club Med. DR

10. TGL : Quels sont vos investissements pour ces nouveaux clubs ?

H. G. d’E. : Aucun, puisqu’on ne fait que du management de sites qui ne nous appartiennent pas. On fonctionne sur la base d’un contrat hôtelier et commercial. Nous assurons la gestion de villages, ainsi que la commercialisation de nos boutiques. On utilise nos équipes de construction ou de design. On va également ouvrir des clubs sous la marque JoyView by Club Med, dont le premier, à Anji, à 3 heures en voiture de Shanghai, est réputé pour ses bambouseraies et ses plantations de thé blanc. Le second se situera sur une plage près de Pékin. Enfin, un dernier est prévu au pied de la Grande Muraille. JoyView est destinée aux citadins des grandes mégapoles qui rêvent de décompresser le week-end, ou aux séminaires d’entreprises. Mais des Européens peuvent aussi très bien s’y arrêter lors de sauts de puce à travers le pays.

 

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