Horlogerie
The Good Life a sélectionné pour vous les expositions du moment, entre découvertes, nostalgie ou révélation ; mêlant mode, art ancien, moderne et contemporain, design ou encore futurs "collectibles".
1. Au Musée Carnavalet, Paris devient pataphysique
« Paris n’est qu’un vaste décor de scène pour un opéra. Et tout cela est, évidemment, une fantaisie », pour Philippe Starck. Ces mots décrivent l’essence de son l’exposition “Paris est pataphysique” en cours au Musée Carnavalet à Paris. Une exposition dans laquelle l’artiste raconte les espaces publics et les sites touristiques de la capitale française comme si tout était relatif. Dans ce cadre, dans une vidéo projection Starck imagine la Tour Eiffel comme “une sculpture de vent”, en réfléchissant aux oscillations quotidiennes d’environ 15 à 18 centimètres à son sommet.
Ou encore, l’artiste reprend l’étrange carte de Paris de Jack Vanarsky, dans laquelle le cours de la Seine est imaginé droit et horizontal. D’où une physionomie de la ville totalement transformée, le Bois de Boulogne résultant placé par exemple au nord-ouest et à l’intérieur du périmètre urbain. La force de la réalité ici dessinée par Starck est de rappeler au public que des autres points de vue sont possibles et que des autres mondes se cachent au-delà des apparences.
L.P.
Paris est pataphysique
Musée Carnavalet, Paris
Jusqu’au au 27 août 2023
2. 1997 : la mode fait son big bang à Galliera
La collection « Body Meets Dress, Dress Meets Body » de Comme des Garçons, où Rei Kawakubo dénonce les canons de la beauté féminine en vigueur et propose une nouvelle relation entre les corps et les vêtements, dominée d’imposantes protubérances asymétriques, des couleurs unies et d’imprimés géométriques.
Les débuts choquants d’Alexander McQueen chez Givenchy et de John Galliano chez Dior, qui lancent la médiatisation et la mise en scène spectaculaire des défilés. L’entrée en haute couture des designers stars des années 80, tels que Jean Paul Gaultier et Thierry Mugler. Mais aussi l’explosion d’une nouvelle génération de stylistes encore peu connus à l’époque (Stella McCartney, Olivier Theyskens, Nicolas Ghesquière), l’inauguration de colette, premier et emblématique concept store de Paris, ou encore la mort tragique de Gianni Versace.
Dans l’univers de la mode, 1997 représente un enchaînement de collections de rupture, des nominations marquantes et des événements. C’est un “Big Bang”, comme le décrit à l’époque le magazine parisien Vogue dans ses colonnes, dont Paris avait besoin pour reconquérir son statut, aujourd’hui acquis, de capitale mondiale de la mode. Au fil d’un parcours rassemblant plus de 50 silhouettes, des vidéos et des documents d’archive inédits, le Palais Galliera rend hommage à cette année révolutionnaire, considérée comme le début d’une nouvelle ère.
L.P.
1997 – Fashion Big Bang
Palais Galliera, Paris
Jusqu’au 16 juillet 2023
3. étienne + robial. L’âge d’or de Canal+ mais pas que, au MAD
“Je ne suis pas collectionneur, je suis obsessionnel.” Le ton est donné avec Etienne Robial. L’exposition qui lui est consacrée au Musée des Arts Décoratifs jusqu’en juin met en lumière son travail protéiforme d’éditeur, enseignant, graphiste, directeur artistique…
C’est que le créateur du célèbre logo de Canal+ et inventeur de l’habillage télévisuel est avant-tout un artiste éclectique ! Et la rétrospective de son parcours au Mad, justement, n’oublie rien.
On y retrouve ses années à Futuropolis – la librairie spécialisée dans la bande dessinée dont il est cofondateur en 1972 -, où il joue avec les formats de BD pour valoriser le travail des artistes. Ou encore sa recherche créative continue, marquée notamment par l’intérêt de l’artiste envers la construction des alphabets, inspirée de son immense collection privée d’objets de design, livres et autres outils de travail, dont une partie est exposée dans le parcours de l’exposition.
Entre autres, on ne manquera pas la reproduction de l’emblématique Chaise rouge et bleu de Gerrit Rietveld (inspiré du mouvement De Stijl), résultat d’une étude approfondie sur l’équilibre structural surprenant de cette chaise, qui devient l’incarnation fidèle de l’esprit déconstructeur de Robial.
Bien sûr, on y évoque l’âge d’or de Canal+, pour qui Etienne Robial parvient à imposer un logo à l’identité visuelle nette et précise, reconnaissable instantanément. Cette fois-ci, c’est au spectateur de décortiquer les formes et les couleurs, les inspirations et l’univers de Robial, pour entrer et comprendre son processus créatif.
L.P.
étienne + robial. Graphisme & collection, de Futuropolis à Canal+
Mad Paris,
Jusqu’au 11 juin 2023
4. Le coup de coeur de la rédaction : profusion de Choses au musée du Louvre
S’il n’y en avait qu’une… C’est l’exposition du moment à Paris. Le musée du Louvre frappe fort avec Les Choses, qui proposent à elles toutes une vision renouvelée doublée, notamment, d’une nouvelle définition d’un genre longtemps considéré comme mineur : la nature morte. C’est que l’expression française nature morte (XVIIe siècle) désigne maladroitement « ce qui est en réalité la représentation d’un amoncellement de choses, parfois bien vivantes, associées selon un ordre choisi par l’artiste », avance le catalogue de l’exposition.
La redéfinition en soi d’un genre bien plus polymorphe que le public ne l’imagine n’est pas le seul apport de ces Choses qui renouent avec le principe de l’exposition très fournie. N’y allons pas par quatre chemins : prévoyez (au moins) deux heures de déambulations au milieu des quasi 170 œuvres présentées, allant de la Préhistoire au XXIe siècle, des choux et des animaux, des richesses et des perversions, aux symboliques représentatives du mode de pensée d’une société donnée à plusieurs époques, de son quotidien et de ses rêves.
« Les artistes ont (…) été les premiers à prendre les choses au sérieux » souligne-t-on au Louvre, qui nous fait également le plaisir de ne pas tomber dans l’écueil désormais tristement banal et pas toujours pertinent du parcours chronologique.
Il ne sera donc question que de parallèles et de confrontations, de paradoxes et de présence, de discours à décrypter. Des premiers memento mori, touchantes mosaïques antiques, à Henri Matisse se confrontant au maître du genre au XVIIe siècle Jan Davidsz de Heem (1606-1684), en passant par Jean Siméon Chardin (1699-1779) ou Séraphine de Senlis (1864-1942), les célèbres portraits végétaux de Giuseppe Arcimboldo (1526-1593) et les fameux ready-made du turbulent Marcel Duchamp (1887-1968)…
Il serait trop long de citer tous les chefs-d’œuvre offerts à l’œil curieux visiteurs (et humide de l’amateur). Une larme justement, transparente, glissant le long d’une pastèque, le fragile équilibre d’un couteau à cheval entre la table et l’assiette délaissée, l’inquiétude visible de l’ère industrielle à travers l’objet moderne, l’asperge esseulée d’Edouard Manet : tout n’est que beauté d’un instant. Le charme de la chose.
E.C
Les Choses, une histoire de la nature morte
Musée du Louvre
Jusqu’au 23 janvier 2023
5. Walter Sickert, le daring man anglais au Petit Palais
Loin de nous l’idée de prendre part au débat royal en Angleterre. Contentons-nous de convenir que nos meilleurs ennemis sont plutôt du genre uptight. Walter Sickert (1860-1942) possède ainsi deux qualités fondamentales à nos yeux : un sens aigu de la provocation en plein XIXe siècle anglais et un apprentissage passé auprès du peintre Whistler. Réalisée en partenariat avec la Tate Britain, cette première rétrospective consacrée au peintre moderne très peu présent dans les collections françaises est l’occasion d’une redécouverte -si ce n’est celle de resserrer les liens, puisque Sickert importe en Angleterre une manière très marquée par ses amitiés (Degas, Monet, Blanche, Pissarro…) et ses séjours parisiens. On y apprend notamment qu’il aurait eu une grande influence sur la peinture figurative anglaises et notamment sur Lucian Freud, qui fait justement l’objet d’une très belle exposition à la National Gallery de Londres jusqu’au 22 janvier.
Mais revenons à nos moutons. En plein contexte artistique académique, dans une société anglaise plutôt corsetée, Walter Sickert peint le music-hall, la pauvreté, le nu désérotisé. Autant de sujets osés et plutôt mal accueillis pour l’époque. Ajoutez une bonne dose de cadrages déroutants et des couleurs. Virtuoses, certes, mais étranges, souvent tristes, appliquées dans une touche épaisse et raide. Et si vous ne jurez que par Edward Hopper, on pourra enfin clouer le bec avec ces modern conversation pieces d’un style menaçant et autres images de presse transposées en peinture, long before Andy Warhol.
E.C
Walter Sickert, Peindre et transgresser,
Petit Palais, en partenariat avec la Tate Britain,
Jusqu’au 29 janvier 2023
6. Splendeurs de Ca’d’Oro, la Renaissance vénitienne à l’Hôtel de la Marine
Troisième exposition en date pour l’Hôtel de la Marine qui bénéficie jusqu’en mars d’un ensemble de prêts superbes de la Galleria Giorgio Franchetti alla Ca’d’Oro de Venise, pendant les travaux de restaurations de cette dernière. La collection, habituellement abritée dans ce palais-écrin, joyau de l’architecture gothique à Venise, est composée d’un mélange : la donation de la collection rassemblée par le baron Giorgio Franchetti (1865-1922) mais aussi les dépôts d’autres institutions locales.
On y croise plusieurs chefs-d’œuvre des principaux artistes actifs à Venise et plus largement en Vénétie pendant la Renaissance, dont le splendide saint Sébastien d’Andrea Mantegna (1431-1506), une Vénus endormie aux formes alanguies et aux détails somptueux, véritables petites natures mortres dans l’œuvre de Paris Bordon (1500-1571) par ailleurs ancien élève du Titien, un saisissant portrait du Christ, sa mère et saint Jean au cadrage resserré, livré par Michele da Verona (1469-1540). Plus loin, on s’attarde dans la galerie spectaculaire de portraits psychologiques qui prennent vie dans le marbre, véritables prouesses des artistes de l’époque à l’image d’Alessandro Vittoria (1525-1608).
E.C
Ca’d’oro, chefs-d’œuvre de la Renaissance à Venise,
Hôtel de la Marine,
Jusqu’au 26 mars 2023
7. Fan des années 80 au MAD de Paris
Il est loin, le temps où les années 80 sonnaient comme la dernière des ringardises. Depuis quelques années déjà, notamment grâce au marché du design français, on sentait le frémissement de leur grand retour. L’heure a sonné : le Musée des Arts Décoratifs de Paris inaugure sa grande exposition -rétrospective, devrait-on dire- consacrée aux années 80 avec quelques 700 oeuvres de toutes disciplines, allant du design (les Français Philippe Starck et Martin Székély en tête) au graphisme, à la mode (Thierry Mugler y côtoie Martin Margiela ou encore Jean-Paul Goude), la photographie et la publicité, sans oublier la fête à la sauce Palace. Un véritable art de vivre revu sous toutes ses coutures, propre à toute une époque frénétique, débridée et créative, qui acquiert désormais ses lettres de noblesse.
Pour les impatients, à qui le mois d’octobre semblerait encore un futur lointain, la rose Shocking d’Elsa Schiaparelli s’expose en ce moment dans les galeries du MAD et jusqu’en janvier. Ou la redécouverte, si elle était nécessaire, d’une grande dame fantasque et inspirée du style, entourée des plus grands artistes de son temps, à l’origine de quelques modèles restés à jamais gravés dans l’histoire de la mode.
E.C
Années 80. Mode, design, graphisme en France
MAD Paris,
Jusqu’au 16 avril 2023
Shocking ! Les mondes surréalistes d’Elsa,
MAD Paris,
Jusqu’au 22 janvier 2023
Les expositions à voir dans le monde
8. Etel Adnan, solaire à Munich
La reconnaissance d’Etel Adnan est arrivée tardivement, quand, à 87 ans, elle a été la grande découverte de la Documenta 13, en 2012. Poète, écrivaine et peintre libanaise installée à Paris de longue date, elle a été célébrée au Guggenheim de New York, au Mudam, au Luxembourg, au Centre Pompidou-Metz et, par-delà sa récente disparition en 2021, le sera au Lenbachhaus de Munich, cet automne.
Elle est venue à la peinture sur le tard, élaborant une oeuvre aux formes simples qui marque un trait d’union entre l’image et l’écrit, entre les cultures orientales et occidentales. Les formats sont souvent petits, mais les couleurs, solaires. L’exposition rassemble un large ensemble de ses peintures et oeuvres sur papier, ainsi que des tapisseries, le tout présenté en miroir d’oeuvres d’artistes qui questionnent eux aussi l’abstraction, l’écriture, la mémoire.
N.W
Etel Adnan,
Lenbachhaus,
Jusqu’au 26 février 2023
9. Picasso, abstrait ou pas abstrait à Bruxelles
On connaît la sentence de Picasso : « Il n’y a pas d’art abstrait. » En 1907, lorsqu’il réalise ses premières expérimentation en marge des Demoiselles d’Avignon, Picasso réfute déjà les ponts de vue traditionnels. En 1910, quand il se lance dans des peintures cubistes comme Femme à la mandoline ou Verre au citron, il brise radicalement la frontière entre figuration et abstraction.
Au fil de sa carrière, Picasso reviendra à la figuration, mais son oeuvre tardive, fondée sur une peinture gestuelle, pose à nouveau question. C’est dire si les rapports de Picasso à l’abstraction sont complexes. Ils nourrissent une exposition passionnante, qui ouvre le débat pour la première fois.
Picasso & Abstraction,
Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique,
Jusqu’au 12 février 2023
10. Le MoMA (presque) tout-numérique à New York
En 2010, le MoMA acquiert le symbole « @ », qui incarne, aux yeux du musée, le passage à l’ère du tout-numérique. Depuis, le catalogue du département du design et de l’architecture du musée s’est étoffé, associant des terminaux informatiques, des applications, des sites web, des icônes…
Fort de cette collection, le musée ouvre une exposition autour de la notion de design interactif, considérant que l’interface avec tous ces outils numériques transforme nos comportements, modifie nos mouvements corporels, change notre conception de l’espace et du temps, altère nos modes de relation à l’autre et transmue, en réalité, toute notre perception de la vie. Le parcours inclut la présentation de 35 jeux vidéo, créés entre 1972 et 2018. De musée, le MoMA devient ainsi une grande aire de jeux, un laboratoire des nouvelles pratiques numériques.
N.W
Never Alone : Video Games and Other Interactive Design,
MoMA, New York
Jusqu’au 16 juillet 2023
Lire aussi...
Expositions : De l’art contemporain dans les aéroports de Paris