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Il vient de battre un record : celui du plus grand voilier au monde. Bâti sur une succession d'innovations techniques, l'Orient Express Silenseas ouvrira-t-il la voie à une véritable révolution du voyage en mer ?
C’est le navire de tous les superlatifs. L’Orient Express Silenseas est le plus grand bateau du monde : long de 220 mètres, il met K.O. les 143 mètres du Shilling Yacht A dessiné par Philippe Starck. Sa suite présidentielle est monumentale — 1415 m2 dont 530 de terrasse privative. Il est doté d’un système de propulsion vélique (qui use du vent pour motoriser le navire, ndlr) parmi les plus puissants au monde. Enfin, ses voiles, révolutionnaires, sont hautes de 100 mètres et couvrent 1500 m2 chacune. Cocorico, c’est un projet 100 % français !
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Renaissance d’une légende
Mais pourquoi diable l’Orient Express prendrait-il la mer ? Faisons un saut dans le passé. En 1867, le fondateur de ces trains de légende se rend aux États-Unis à bord d’un navire transatlantique. Il y découvre l’ambiance feutrée des suites aux décors fastueux, la vie mondaine des restaurants et l’atmosphère singulière qui règne à bord. Cette expérience en mer inspire a Georges Nagelmackers une idée : celle d’un train tout aussi exceptionnel, l’Orient Express.
140 ans plus tard, devenue une marque rachetée par le groupe français Accor, le mythe renaît. D’abord, et logiquement, sous les traits de plusieurs trains, dont certains sont déjà en circulation (le Venice Simplon-Orient-Express opéré par Belmond) ou le seront bientôt (La Dolce Vita et le Nostalgie-Istanbul-Orient-Express, en 2026).
Mais la légende ne s’arrêtera pas là. Accor a déjà révélé la création d’un concept hôtelier décliné de ses wagons : l’hôtel La Minerva à Rome puis le Donà Giovanelli à Venise ouvriront leurs portes en 2024. En ce mois de janvier 2023, c’est la création d’un voilier de croisière qui vient compléter l’offre Orient Express proposée par le géant français de l’hospitalité.
Le mythe prend la mer
Loin du millier de chambres que l’on rencontre habituellement à bord des navires de croisière, Accor a fait le choix de réduire drastiquement son offre. Dans une logique de positionnement ultra luxueux, l’Orient Express Silenseas ne comptera que 54 suites d’une superficie moyenne de 70 mètres carrés, pour un total maximum de 120 passagers. Thibaut Tincelin, Président de Stirling Design, qui a eu la charge de l’architecture du voilier, confirme la volonté du groupe à ne vouloir que de l’exceptionnel, peu importe les coûts : « notre proposition architecturale comprenait un sacrifice commercial : la suppression d’un pont entier initialement prévu pour des cabines supplémentaires afin de rendre son air de voilier à ce paquebot. Accor a validé l’idée par souci esthétique. »
A la barre de l’agencement intérieur, un nom désormais familier pour quiconque s’intéresse à la légende moderne de l’Orient Express : Maxime d’Angeac, qui a également conçu le Nostalgie-Istanbul. La décoration aura donc l’Art déco des années 1930 comme fil rouge, remis au goût de jour afin s’ancrer dans l’univers du yachtisme moderne, teinté d’un certain art de vivre méditerranéen.
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Le navire invitera lui-même l’univers du spectacle au sein d’un amphithéâtre-cabaret et d’un studio d’enregistrement privé. Parce que le pari d’Accor est aussi d’inventer la croisière moderne, des méditations et autres soins de l’esprit côtoieront un spa flamboyant, démesuré au regard de la quantité de passagers à bord. Le luxe moderne !
L’Orient Express Silenseas : le voilier du futur
Les Chantiers de l’Atlantique, qui font partie des leaders mondiaux des marchés de navires hautement complexes et des installations offshore, a présenté en 2018 Silenseas, son concept révolutionnaire de propulsion proche du « zéro émission ». Navire de croisière combiné à un yacht, il imite la silhouette et surtout le mode de navigation d’un voilier pour un voyage en mer plus respectueux grâce aux gréements Solidsail, trois voiles rigides pouvant assurer, dans des conditions météorologiques adaptées, jusqu’à 100 % de la propulsion. Un élan inédit pour un paquebot qui associe l’énergie vélique à un moteur State of the art fonctionnant au gaz naturel liquéfié, pour écrire le futur de la croisière.
La décarbonation est l’objectif majeur du secteur pour les années à venir, souligne Thibaut Thincelin : « ce premier développement va permettre à la suite de s’écrire de façon plus rapide et moins coûteuse. C’est une marche importante que nous gravissons. » Et de poursuivre : « Le voyage en mer représente à la fois une alternative vertueuse à l’avion et un danger pour les écosystèmes marins. En développant des systèmes comme Solidsail, les Chantiers de l’Atlantique écrivent le futur de croisière, un avenir néanmoins encore réservé à une niche. »
Le Président de Stirling Design souligne que la révolution a quitté le port, en témoigne l’annonce du début de la construction des navires cargo Neoline qui vogueront équipés d’un système à propulsion vélique semblable à celui de l’Orient Express Silenseas. Ainsi, si les solutions pour un avenir plus vert en mer semblent éclore, encore faudra-t-il qu’elle deviennent la norme afin de jouer un vrai rôle dans l’avenir du voyage.
F.L.G.