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The Good Life a rencontré le président et fondateur de la start-up Neoline, Jean Zanuttini, qui promet de mettre à l'eau d'ici 2025 un navire fonctionnant à l'énergie vélique dédié au transport de marchandises.
Les vieux trois-mâts du XIXe siècle revenaient des Caraïbes la cale chargée de café et d’épices ; les cargos voiliers du XXIe empliront leurs soutes de voitures, de cognac et de maroquinerie de luxe. Ce qui n’était qu’un rêve il y a dix ans entend s’imposer comme l’une des solutions majeures de la décarbonation du transport maritime. En 2025, le cargo à voiles Neoliner effectuera sa première liaison transatlantique Saint Nazaire – Baltimore, avec escales à Saint-Pierre-et-Miquelon et Halifax. Jean Zanuttini, président-fondateur de la start-up Neoline, lance un défi industriel avec son chargeur à l’empreinte carbone allégée d’au moins 70 %. Une révolution vers un fret international plus responsable.
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Rencontre avec Jean Zanuttini, fondateur et président de Neoline pour un fret international plus responsable
The Good Life : Le Neoliner n’est pas le tout premier cargo propulsé par le vent. D’autres projets l’ont précédé. Vous ont-ils inspiré ?
Jean Zanuttini : Il existe aujourd’hui un foisonnement de projets véliques visant à décarboner. La recherche est active et nous nous en réjouissons, car chaque progrès notable d’une de ces solutions bénéficie à toutes les autres. Avant Neoline, en 2007, la Compagnie de transport maritime à la voile (CTMV), dont j’étais un actif contributeur, proposait de construire un voilier marchand de 50 mètres transportant du vin sur une ligne Bordeaux – Dublin. Une grande partie du groupe fondateur de Neoline était à la CTMV, qui travaillait déjà à la transition énergétique du transport maritime. Mais la compagnie a périclité en 2010. On aurait pu en déduire que la voile n’était pas intéressante. En fait, on s’y était mal pris.
La technologie permet-elle de revendiquer une ampleur industrielle ?
J. Z. : Avec sa voilure de 3 000 m2, son mât de 70 mètres autoporté qui peut tourner à 360 degrés autour de son tube et se rabattre pour passer sous les ponts, notre technologie n’a pas d’équivalent à ce jour, du moins pas à ce niveau. Mais la force de la solution brevetée des Chantiers de l’Atlantique, ce n’est pas seulement la performance de ses voiles, qui peut être dépassée par d’autres technologies à propulsion vélique à ailes, par exemple, c’est la puissance du développement industriel complet qu’elle permet.
La promesse écologique de la navigation vélique est très forte. Peut-elle, aussi, devenir une offre économiquement attractive ?
J. Z. : Nous nourrissons une ambition compétitive. Gardons à l’esprit que cette initiative de décarboner par un mode de transport vélique répond à l’urgence climatique. D’un point de vue économique, le fret vélique impulse une nouveauté qui, pour s’imposer, doit arguer de ses propres points forts.
En dépit du prix un peu plus élevé de ses conteneurs, le navire à voiles écarte le risque de marée noire et ignore les hausses de prix à la pompe. Ce qui motive nos clients, c’est une offre de transport fiable, avec un cargo qui arrive à l’heure. Nous en faisons un argument central.
Mais comment faire de la ponctualité un argument majeur avec un navire soumis aux caprices du vent et contraint à une allure délibérément réduite ?
J. Z. : Réduire la vitesse est un argument fort pour décarboner, car passer de 15 à 11 nœuds, c’est diviser par deux le besoin en énergie. Et permettre à notre cargo de 136 mètres d’emporter 5 000 tonnes de marchandise. Mais pour nos clients, cette vitesse moindre peut être complètement indolore.
Car on peut naviguer plus lentement et livrer plus vite. Neoliner va mettre Baltimore à 14 jours de mer et Saint-Pierre-et-Miquelon à 8 jours de Saint-Nazaire, au lieu de 20 jours via le routage et les cargos actuels. Aucun concurrent direct ne peut rivaliser avec une telle offre, fort bien accueillie par cet unique territoire français d’Amérique du Nord, qui importe deux tiers de ses produits depuis Halifax, et un tiers de la métropole.
Et ce, de manière calamiteuse : charge à Anvers–Rotterdam, puis changement de navire à Halifax. Dernièrement, un convoi a dû faire un détour par Carthagène des Indes, en Colombie. Bilan : 40 jours de traversée. À l’arrivée, les produits frais ne l’étaient plus !
Est-ce en raison de ses vents dominants que vous ciblez la côte atlantique ?
J. Z. : De toute évidence, c’est un argument déclencheur. Dans l’Atlantique Nord, le vent est imprévisible dans sa puissance, mais on sait qu’il y en aura.
À nous de capter cette énergie là où elle se trouve, de l’optimiser. Nos systèmes de routage météo sont affûtés, et en cas de pénurie de vent, un moteur hybride diesel-batteries électriques, qui fournit 30 % des besoins du navire en énergie, dont celle des manœuvres portuaires, offre une alternative minimale.
Mais nous travaillons sur un système de batteries permettant de diminuer l’empreinte carbone de 90 %. Le zéro émission sera l’étape ultime, avec un système de production d’électricité autonome et le choix à venir d’un nouveau carburant écologique.
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D’autres facteurs contribuent-ils à l’efficacité de cette ligne transatlantique pour un fret plus responsable ?
J. Z. : L’argument météorologique n’est pas notre unique force. Renault, Manitou, Bénéteau, nos clients de la première heure, mais aussi Michelin, Hennessy, Rémy Cointreau, Longchamp et Clarins, qui, pour certains, réalisent jusqu’à 80 % de leur chiffre d’affaires à l’export, dont 30 % outre-Atlantique, tous ont bien compris l’intérêt de ces trajets directs point à point, et les économies de préacheminement qui en découlent. Ils économisent du temps, de l’argent et allègent encore un peu plus leur impact environnemental.
Vos premiers partenaires exprimaient-ils des réticences ?
J. Z. : Nos premiers clients partenaires furent les plus soucieux d’une solution dépolluante réalisable à court terme. Ils ont du recul sur les réponses fantaisistes, comme celle d’un hydrogène vert qui pourrait servir à tout, tout de suite, pour rendre plus responsable le fret international.
N’est-ce pas décevant d’avoir finalement dû renoncer à une fabrication française ?
J. Z. : Durant de longues années, nous avons soutenu le dossier du réseau d’entrepreneurs de l’Ouest, Neopolia. Nous avons hélas dû y renoncer, car le niveau d’engagement réclamé auprès des investisseurs devenait trop élevé. Conserver ce partenaire, c’était renoncer à construire le navire.
Et c’est le chantier turc RMK Marine qui assure la fabrication de la coque, alors que celle du gréement est assurée par ceux de Saint-Nazaire. Mais 35 % de la valeur du chantier turc revient à des entreprises françaises. Je précise que, même dans le cadre du chantier Neopolia, l’appel à un sous-traitant étranger était prévu pour la coque.
Au début de l’année 2022, votre principal investisseur, le français Sogestran, a soudainement abandonné le navire. Avez-vous craint pour la survie de votre projet pour un fret plus responsable ?
J. Z. : Notre navire était enfin sur la ligne de départ quand le climat international s’est brutalement assombri avec l’arrivée de la guerre en Ukraine, la flambée des taux d’intérêt et de certaines matières premières, dont l’acier. Sogestran, qui était notre principal investisseur, a annoncé son départ fin janvier 2022.
On pouvait rêver meilleure situation. Le puissant armateur CMA CGM, lui aussi engagé dans la course au zéro carbone, est aujourd’hui notre partenaire de référence. Sa montée au capital de Neoline, le soutien de ses équipes nous est plus que précieux vers un fret plus responsable.
À quand l’ouverture de la toute première ligne pilote transatlantique ?
J. Z. : Le calendrier s’accélère : mise en chantier du navire pilote début novembre 2023, pose de la quille en janvier 2024, mise à l’eau et essais en mer en Turquie en avril 2025. Le navire pilote sera livré à Saint-Nazaire fin juin 2025. Mais très vite, il y en aura un deuxième.
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Site internet de Neoline.