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Depuis peu, les marques de haute horlogerie sont nombreuses à s’intéresser à leurs montres de seconde main. L’objectif des manufactures ? Reprendre la main sur ce marché.
Il y a huit ans, Richard Mille décidait de prendre le business de ses montres d’occasion en main. A l’époque, le programme Richard Mille Certified Pre-owned représente une façon de pallier le manque de pièces neuves à vendre dans les boutiques. Ce label regroupe des montres d’occasion rénovées tant sur le plan esthétique que mécanique, dans le respect de l’état initial. Les horlogers qui interviennent sont formés par la manufacture.
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Ces montres labellisées sont la promesse de réaliser un achat “en toute confiance”. Elles sont accompagnées d’un certificat d’entretien, d’un certificat d’authenticité et d’une garantie 24 mois.
Depuis ses débuts, le phénomène seconde main a pris une grande ampleur pour la marque. L’horloger contemporain lui consacre plusieurs boutiques à travers le monde. On en compte au Japon, à Syngapour ou encore aux Etats-Unis. A Londres, c’est Ninety, la boutique officielle, exclusivement dédiée aux Richard Mille “d’occasion”, qui s’en occupe. Selon LuxeConsult, d’ici à 2033, les montres anciennes dépasseront, en chiffre d’affaires, les garde-temps neufs.
D’autres manufactures sur le coup
Omega, Audemars Piguet, MB&F, H. Moser & Cie ou Urwerk… ont également, pris leurs “montres récentes” en main. Chez F.P.Journe, un service Patrimoine a été créé voilà sept ans. Il propose des montres de la marque dont la fabrication a cessé. Les pièces sont achetées en bon état, pour que boîtier et mouvement demeurent les plus proches possibles de l’origine. Après révision, elles sont ensuite mises en vente dans le réseau de boutiques en propre avec une garantie de 3 ans. Rassurant !
Jaeger-LeCoultre vient aussi de lancer sa collection évolutive, Les Collectibles, qui propose des pièces emblématiques, soigneusement choisies et révisées par l’un des 10 maîtres-horlogers de la firme.
Ces experts limitent leurs interventions de restauration au minimum. Il s’agit de conserver le plus possible la patine qui signe l’histoire d’une montre. Ils ont à leur disposition les pléthoriques archives de la manufacture. Ils peuvent aussi piocher dans les stocks de composants originaux ou utiliser les “étampes” maison si une refabrication à l’identique s’avère nécessaire.
Ce programme est destiné aux collectionneurs et amateurs d’horlogerie souhaitant acquérir une pièce emblématique de la maison. Ces montres de haute volée sont disponibles sur le site de la marque, mais aussi sous forme de collections capsule qui voyagent à travers le monde.
Du business en perspective…
C’est que se pencher sur les montres de seconde main permet aux manufactures de s’approprier une partie de ce marché juteux qui leur échappait jusque-là. Le secteur est en effet en plein essor. Le cabinet suisse LuxeConsult, spécialiste de la haute horlogerie, a publié les résultats de son étude concernant le marché des montres d’occasion et ils sont sans appel : en 2022, les montres de luxe d’occasion ont représenté 25 milliards d’euros de recettes contre 80 milliards certes pour les montres neuves.
Mais la seconde-main a connu une croissance de 20%, deux fois supérieure à celle des montres neuves. Surtout les spécialistes helvètes prévoient que d’ici 2033, les montres anciennes dépasseront, en chiffre d’affaires, les garde-temps neufs.
Eviter les contrefaçons
Prendre pied en direct sur le marché de la seconde main, permet aussi aux manufactures de lutter contre la contrefaçon, un cancer qui gangrène le secteur, d’autant que les montres sont désormais si bien imitées qu’elles sont difficiles à identifier même par un professionnel. Pour être sûr de son fait, il faut inspecter directement le mécanisme et donc, ouvrir la boîte. Cette opération délicate ne s’effectue pas sans risque ni sur un coin de table.
Et question contrefaçon, Rolex est gâtée ! Il existe un nombre incommensurable de fausses montres de la maison en circulation. Pas étonnant que la marque à l’Etoile ait dégainé son label Certified Pre-Owned, en décembre dernier. Ce programme offre la possibilité d’acquérir auprès des détaillants officiels des modèles de seconde main certifiés authentiques et garantis. Surtout, il vise à rassurer les clients.
Les montres volées constituent l’autre fléau du marché de la seconde main. La presse relate régulièrement les agressions parfois violentes, dont sont victimes les porteurs de montres de luxe. Ces pièces sont ensuite revendues frauduleusement, bien souvent sur Internet.
Des plateformes tentaculaires en ligne
Si les manufactures posent un pied sur le marché de la seconde main, le plus gros du business est encore réalisé en boutiques spécialisées et sur Internet. Le marché horloger a vu apparaître au début des années 2000 des sites web spécialisés. Ces plateformes sont devenues des mastodontes au fur et à mesure de l’internationalisation de ce secteur et proposent des tarifs souvent inférieurs aux pièces vendues en direct par les manufactures. Ils disposent en outre d’une offre surabondante.
Née en 2003, Chrono 24 en est la plus célèbre et la plus importante de toutes. Ce colosse allemand met en contact vendeurs et clients. Les chiffres le concernant donnent le vertige. Il présente 500 000 montres récentes ou d’occasion et réalise 10 000 ventes par mois environ. Son chiffre d’affaires annuel ? Il frôle les 2 milliards d’euros.
D’autres plateformes font le choix de vendre leur propre stock de montres comme Chronext, apparue en 2013. Cette vitrine allemande a dépassé les 100 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2022. Apparu initialement sur Internet en 2002, Watchfinder propose aussi ses montres révisées. Cette vitrine numérique a depuis été rachetée par le groupe Richemont, l’un des géants du luxe mondial. La plateforme a aussi ouvert un show-room physique à Paris.
Dangers encourus…
Attention, acheter une montre d’occasion sur Internet peut être risqué ! La lecture des avis des usagers des plateformes Internet est de ce point de vue édifiante. Si certains clients sont ravis, d’autres sont beaucoup plus critiques. Ils dénoncent, en vrac, la réception de montres contrefaites ou celles de montres volées, avec dans ce cas, le risque d’être inculpé pour recel ; les produits qui ne correspondent pas à l’annonce ou aux photos publiées; la réception de… rien du tout. Scandaleux !
Mais aussi le paiement de frais de douanes inattendus, le paiement de frais de remises en état ou de réparations non fixés au départ qui alourdissent la facture, les “vendeurs particuliers” qui ont tendance à s’évaporer en cas de litige ou encore le non-respect des délais de livraisons. Il semble que certains vendeurs passent une annonce avant de disposer de la montre proposée à la vente. Une fois l’acheteur trouvé, ils se mettent en quête du modèle en question… Bref, ils procèdent à l’envers. Enfin, il faut se méfier d’une montre proposée à un prix vraiment bas. Il peut s’agir d’une pièce en mauvais état, volée ou encore contrefaite.
Dans l’absolu, la loi française prévoit un délai légal de rétractation de 14 jours suite à un achat sur le net. Le produit peut être renvoyé et la transaction remboursée. Idéal ! Mais dans la pratique, il n’est pas toujours évident de se faire rembourser…
Mieux vaut donc prévenir, bien baliser son achat, que guérir, se lancer dans un procès aléatoire. En définitive, les services proposés par les manufactures pour la vente de montres de seconde main sont souvent haut-de-gamme et très encadrés. Au contraire, les plateformes Internet tentaculaires visent plutôt le volume et les prix bas.
Une chose est sûre : le marché horloger de la seconde main attise les convoitises. Il faut dire que ce secteur est porteur et devrait le rester tant que les vitrines des boutiques Rolex, Richard Mille ou encore Audemars Piguet demeureront à moitié vides ! Ces “pièces d’occasion” pallient en quelque sorte à la pénurie de pièces neuves qui sévit désormais en haute horlogerie.
N.D.
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