Food
The Good Guide
Une culture et un savoir-faire précieux distinguent le sushi du comptoir traditionnel de celui du fast-food. Jad Ibrahim, 25 ans, l’a bien compris après les avoir explorés tous les deux, à différentes époques de sa vie. Sans snobisme et avec un goût prononcé pour le partage, ce fin gourmet raconte son apprentissage de cet art de vivre à part entière dans "La Quête du sushi parfait", un récit intimiste, parfois humoristique et souvent savoureux.
Enfant gourmand, appréciant les bons repas partagés en famille, Jad Ibrahim succombe à la malbouffe en entrant dans l’âge adulte. Ingurgitant des plats industriels tout préparés et fréquentant les fast-foods, le jeune homme de 1m87 passe alors de 80 à 93 kilos. Mais le jour de ses 19 ans, il « tombe dans la marmite » du sushi. Pour son anniversaire, sa maman l’emmène déjeuner chez Benkay, à Paris : le déclic ! Pensant connaître la gastronomie japonaise, il se met alors en quête du sushi parfait. Au fil du temps et des mets dégustés, cette quête se révèle être une aventure pleine de surprises culinaires et culturelles, qui le mènera de la Bretagne au Japon, en passant par Londres et New York, à la recherche des meilleurs comptoirs à sushi.
Aucun doute pour lui, les meilleurs comptoirs des chefs se trouvent au Japon, mais leurs portes ne s’ouvrent pas facilement aux étrangers. Il faut réserver de longs mois à l’avance, et souvent régler la note au préalable ! « Mais, les néophytes, avec un budget allant de 60 à 80 €, peuvent déjà avoir un excellent aperçu de ce mets et de sa culture dans des restaurants spécialisés ouverts uniquement le midi ! Les pièges se situent dans la gamme de tarifs supérieurs. Vous avancez en terrain miné », précise Jad Ibrahim. Au sommet, aucune erreur n’est permise ! De retour de sa quête du meilleur comptoir à sushi au monde, il en a sélectionné quatre, particulièrement alléchants, pour The Good Life.
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Les meilleurs comptoirs à sushi au monde
Hakuba, à Paris
Niché dans l’hôtel Cheval Blanc Paris, Hakuba est pour Jad Ibrahim tout simplement « une des meilleures approches du sushi en Europe. Comme il est trop compliqué de reproduire en France le sushi japonais parfait, les produits n’y étant pas toujours disponibles en raison des normes européennes, les chefs Takuya Watanabe et Arnaud Donckele, qui cuisinent ici à quatre mains, ont sélectionné les meilleurs dont ils disposent pour proposer un menu d’essence japonaise avec quelques touches de gastronomie française, centré autour du sushi. Yannick Alléno et Yasunari Okazaki avaient déjà eu cette idée à L’Abysse au Pavillon Ledoyen, mais ici, elle est nettement plus aboutie. C’est vraiment, pour moi, le meilleur restaurant de sushi en Europe », et Jad Ibrahim sait de quoi il parle : il a sillonné le continent de part en part, guidé par son flair désormais aiguisé.
Yoshino, à New York
Après avoir exploré quelques comptoirs renommés à New York, comme le Sushi Noz, le Shion Uino ou encore l’Icca, le restaurant du chef Kazushige Suzuki, qu’il considère comme l’un des meilleurs itamae (maître sushi) de la mégapole, Jad Ibrahim s’est aventuré chez Yoshino, le restaurant du chef Tadashi Yoshida. Preuve de son entière satisfaction, il lui a dédié tout un chapitre : « Masterclass chez Yoshino ». « Ce comptoir est, pour moi, le meilleur au monde en dehors du Japon. Les sushis de Tadashi Yoshida n’ont rien à envier à ceux des meilleures adresses de Tokyo ». L’auteur écrit même à leur sujet : « Dans ma bouche, le céphalopode révèle une texture qui n’oppose aucune résistance. Il est parfaitement tendre. Chaque bouchée exhale un arôme iodé, tandis que le jus de la marinade se répand sur mes papilles. De la sauce soja, du sucre, du daikon pour attendrir la texture de la chair : ce qui semblait être une recette traditionnelle se révèle une véritable démonstration technique ». En plus, Tadashi Yoshida a le sens du spectacle, ce qui n’est pas pour déplaire à la clientèle américaine. « Mais attention, ses artifices n’ont rien d’un cache-misère. Par exemple, pour impressionner l’assemblée, il n’hésite pas à braiser au charbon son sushi de maquereau au plus près des convives, pour que la peau devienne craquante et que les chairs se contractent sous des yeux ébahis ».
Sushi Namba, à Tokyo
Namba Hibiya est l’un des sept restaurants de sushi de Tokyo à arborer une médaille d’or. Y avoir une place est, selon Jad Ibrahim, « un cadeau du ciel. C’est le plus beau des comptoirs à sushi que j’ai jamais vus à Tokyo, l’un des meilleurs aussi. Phénomène très rare, une large baie vitrée y laisse pénétrer la lumière du soleil, conférant une atmosphère douce toute particulière, à l’image des mets proposés. Sur le menu, j’ai été surpris de constater que, pour chaque pièce de sushi, les températures du riz et du neta y étaient mentionnées. Le chef souhaite, en effet, que les clients puissent déguster ses sushis dans des conditions optimales ». Jad Ibrahim en a profité pour y tester un mets raffiné et controversé : la queue de baleine. À ce sujet, il écrit : « Quand le chef place devant moi ce nigiri, je suis décontenancé. La chair rouge vif, qui laisse entrevoir des nervures de gras, a l’apparence du thon rouge ou du bœuf wagyu. En bouche, l’expérience est déroutante. ‘Bœuf de mer’ furent les mots qui me vinrent spontanément à l’esprit. Une texture de viande rouge au goût unique se rapprochant du maquereau. Pour éviter que le gras et l’iode ne prennent le dessus, Namba avait ajouté un peu de gingembre râpé ».
Sushi Arai, l’un des meilleurs comptoirs à sushi au monde
Pour Jad Ibrahim, Sushi Arai est l’un des restaurants de sushi les plus respectés au monde, et de ce fait, l’un des plus difficiles à réserver. Il s’y est d’ailleurs retrouvé le seul étranger lors de sa dégustation : « Malgré les quelques vidéos que j’ai pu voir en ligne, son menu et ses produits restent la plupart du temps confidentiels. Je ne savais pas à quoi m’attendre ». Il y reçoit une leçon de découpe exemplaire, à faire saliver les papilles. « Le chef Yuichi Arai en a une maîtrise parfaite et rare. Il peut faire tourner un filet jusqu’à cinq fois avant de déceler la meilleure coupe. Les gastronomes japonais savent que le goût d’un poisson évolue en fonction de la coupe. Depuis les filets jusqu’à leur découpe en sashimi, le chef sait préserver et exalter tout le caractère des poissons, notamment de la daurade, un poisson doux aux saveurs pourtant subtiles et discrètes. Ici, aucune fausse note, aucun bruit ni mouvement qui puisse perturber l’harmonie dans laquelle nous baignons », ajoute-t-il. Particulièrement emballé par son expérience, il écrira par la suite : « Aucune impureté ne vient perturber les saveurs du sushi. Sa cuisson parfaite a donné au shari (riz vinaigré, ndlr) une texture ronde et moelleuse. Les grains se détachent et viennent danser sous mon palais comme de petites perles soyeuses. L’encornet est accompagné de l’agrume, son partenaire de toujours. La chair est tendre, l’acidité subtile vient stimuler mes papilles. Le céphalopode s’exprime pleinement dans une sorte d’umami légèrement salin, avec des notes de noix, qui se superposent au goût du shari et créent un univers de saveurs nouvelles ». Tout un poème ! Le sushi parfait ?
« La Quête du Sushi Parfait », de Jad Ibrahim / Les Arènes – Komon / 208 pages / 17 €
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