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Laurent Alexandre, spécialiste des biotechnologies, expert en technomédecine, essayiste et président de DNAVision, société de séquençage d’ADN.
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The Good Business

L’intelligence artificielle vue par Laurent Alexandre

The Good Business

Il provoque, invective, dérange. Spécialiste des biotechnologies, expert en technomédecine, essayiste, le président de DNAVision, société de séquençage d’ADN, exhorte l’humanité à mener une guerre urgente et sans merci à une intelligence artificielle dont elle sous-estime la superpuissance à venir.

TGL : Cette présélection des individus, cet eugénisme, n’est-elle pas choquante, inacceptable ?
L. A. : C’est sûrement choquant, et je ne dis pas que j’approuve ce modèle de société. Mais je veux alerter sur cette situation d’extrême injustice qui se dessine aujourd’hui : dans une société de la connaissance, il n’y a plus de place pour les individus peu doués. C’est du jamais-vu dans notre histoire, car, jusqu’à présent, des individus qui n’avaient pas une forte intelligence conceptuelle mais étaient courageux et travailleurs parvenaient toujours à trouver une place dans la société. Demain, ce sera, hélas, différent. Faut-il ne rien faire ? Les « gens pas très doués » de 2080 pourront-ils faire valoir leurs droits quand ils auront en face d’eux des robots avec le QI de Bill Gates qui travailleront vingt-quatre heures sur vingt-quatre ?

TGL : Et l’éthique, dans tout ça ? L’urgence n’est-elle pas de protéger l’être humain ?
L. A. : Mais de quelle éthique parlons-nous ? De l’éthique de 2018, qui débouche sur un monde profondément inégalitaire, ou de celle des années 2030-2080, qui, justement, cherchera à réduire ces inégalités ? Pour ceux qui font partie de l’aristocratie de l’intelligence, l’éthique de 2018 est parfaite ; pour les faibles QI, elle conduit au naufrage. Je réponds à cette question par celles-ci : ce naufrage des cerveaux moins doués est-il éthique ? ce cauchemar politique inégalitaire est-il acceptable ? Je refuse qu’on se résigne à parquer dans un coin des millions de chômeurs en leur octroyant le revenu universel, ce qui reviendrait à les traiter en handicapés intellectuels incapables d’entrer sur le marché du travail. Ce n’est pas ma vision de la société. La vision d’Homo deus – des dieux et des inutiles –, je n’en veux pas !

TGL : Le déferlement de l’IA ne doit-il pas nous intimer de sublimer l’intelligence humaine dans ce qu’elle a d’inimitable, de singulier, d’exceptionnel, de « non artificiel » ?
L. A. : Evidemment. Constater ce tsunami me conduit plus que jamais à défendre l’identité humaine. L’éducation ne doit avoir qu’une obsession : envoyer nos enfants là où l’IA est faible, et les ­détourner des secteurs où, au contraire, l’IA sera forte. Or, l’éducation fait ­aujourd’hui le contraire, elle oriente nos enfants vers des domaines où l’IA va les laminer : des formations très techniques, verticales, alors qu’il faut au contraire développer la culture générale, les humanités, la multidisciplinarité, l’esprit critique, la réflexion stratégique, ­l’intelligence collective, toute cette valeur ajoutée humaine qui fait la force de l’intelligence biologique et que l’IA du XXIe siècle ne possède pas. Cessons de former des comptables et des chauffeurs routiers !

Il faut tirer l’enseignement vers le haut. Et les parents ont une énorme responsabilité : il est plus important aujourd’hui pour un gamin de lire des livres, électroniques ou en papier, que de passer trois heures par jour sur Snapchat !

 

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