Motors
Toys
Le tuning est-il mort, ou toujours bien vivant ? En quoi consiste-t-il exactement ? Le Petit Larousse décrit succinctement cet anglicisme devenu nom masculin dans le dictionnaire français : il s’agit de « modifier un véhicule automobile (carrosserie, mécanique, accessoires, etc.) afin de le personnaliser. » Pourtant, derrière ce terme connoté, voire galvaudé, il y a une démarche artistique, peut-être même philosophique. La preuve par neuf.
Comment mener l’enquête dans le milieu du tuning ? The Good Life a mené sa barque -ou plutôt son tape-cul-, du côté des acteurs du cru et s’est glissé dans la peau d’un véritable tuner, guidé par Pierre Sautelet, photos et témoignage à l’appui.
La béhème, un mythe
C’est son petit surnom familier. La retranscription phonétique des lettres B et M renvoie à la marque allemande BMW (Bayerische Motoren Werke, en français manufacture bavaroise de moteurs, ndlr), soit béhème.
Pierre Sautelet se souvient. « Quand j’étais petit, dans la famille, on a eu des Golf et des béhèmes. Mon père au volant fumait des clopes, Patricia Kaas à fond dans l’autoradio. On descendait dans le sud à 180 tout du long. On reproduit ce qu’on a vécu lors de l’enfance et s’il avait eu des Citroën j’aurais sans doute pris un autre tournant. Depuis l’âge de dix ans je voulais une BMW 323, avec les deux pots d’échappements comme les voitures américaines… » Étudiant, à 19 ans, Pierre la repère sur Leboncoin et saute dans le premier train pour aller la récupérer. Sans le sou. « Mon grand-père, qui a toujours aimé les belles bagnoles, était fier de m’aider à cocnrétiser ce projet. »
« Le beau tuning ne se voit pas. » – Pierre Sautelet, tuner
Le tuning est (aussi) élégant
Il faut pour cela évoquer le « stance » : du terme anglais signifiant « position ». C’est que le tuning parfait est toujours une question de centimètre : l’alignement des roues par rapport aux ailes, les cales pour élargir les trains roulants, le carrossage des roues, l’ajustement pneumatique par rapport aux jantes, l’allure de la voiture lorsqu’elle roule… C’est tout ça le stance, comme sur une voiture de course !
« Tu veux que je te dise pourquoi les gens font du tuning ? Nous les tuners (ceux qui pratique le tuning au quotidien. Les tuners purs et durs sont avant tout passionnés par l’objet et son apparence, ndlr) on ne se permettra pas dénaturer la ligne d’une voiture, des designers ont bossé là-dessus. À leur sortie d’usine les voitures sont trop hautes, avec de trop gros pneus et des jantes trop petites. Avec des jantes plus grandes et un rabaissement choisi, elles sont plus harmonieuses. Quand je vois ma béhème sur cette photo, j’ai l’impression qu’elle a toujours été comme ça. Le beau tuning ne se voit pas. »
Le tuning ou l’art de se distinguer
Le tuning ou la personnalisation peut s’appliquer à beaucoup d’objets : camions, motos, scooters, jet-skis, bateaux, 4×4… Même les vélos ont, depuis toujours, été modifiés.
Comme pour les amateurs de belle sape ou d’horlogerie, le tuning, c’est avant tout une manière de se distinguer. « Un camionneur m’avait pris en stop. Il vivait dans son camion, l’image de sa petite entreprise était en jeu ! Forcément, il était connu comme le loup blanc avec son Scania V8, 580 ch, l’échappement qui fait du bruit, sa peinture perso et sa grosse rampe de phares de compétition. Les routiers ne se négligent pas ! »
Des ploucs qui ont de l’argent
Dans le tuning, les meetings sont la base. Le Sema-Show est un gigantesque salon américain prenant place chaque année à Las Vegas. La Mecque du tuning, en somme. En Europe, il existe aussi quelques incontournables : VW days en France, Edition 38 en Grande-Bretagne ou le Wörthersee Festival en Autriche.
« Les tuners ne sont pas que des ploucs, il y a aussi des ploucs qui ont de l’argent. Tous les ans, mes potes du tuning vont au Sema Show à Vegas. Ils louent deux Cadillac Escalade, ils font de l’hélicoptère, ils tirent au lance-roquettes dans le désert, ils débarquent au Bellagio en costard Armani. Là, on est en Autriche au Wörthersee, l’un des plus gros meetings de tuning, avec une Mercedes W115 du début des années 70, refaite à neuf, elle est sur air (l’air ride est un système de suspensions à boudins d’air, comprenant compresseur et cuve d’air. Une technologie issue des poids lourds qui ne doit pas être confondue avec celle des low riders américains équipés de suspensions hydrauliques, ndlr). On est en 2012, à l’époque on ne voyait pas ce genre de caisse claquée au sol ! »
Le tuning est aussi féminin
Non, le tuning n’est pas qu’une passion masculine fleurant bon la sueur et l’eau de Cologne Scorpio. « Dans la voiture de collection, c’est trop souvent papa qui vient avec maman. Dans le tuning, il y a aussi des filles qui possèdent de grosses caisses. En Angleterre surtout. Elles ont des comptes instagram avec beaucoup d’abonnés, sont belles et stylées. Le tuning est pour elles une façon de plus de se démarquer. »
Taper des burn*
De l’anglicisme burnout, le burn est une figure réalisée en auto (ou en moto) consistant à faire déraper les roues motrices tout en accélérant et en bloquant partiellement – ou pas -, le train de roues opposé. Résultat ? Du bruit, de la fumée et une trace de pneus tatouée sur le bitume.
« On est au fin fond de l’Autriche, mon ami Raphaël vient de terminer de restaurer lui-même sa Golf 2 GTI 8 Soupapes. Pour fêter ça, il décide de lui mettre un burn mémorable. J’aime cette photo. »
BBS, la légende du tuning
Les BBS, ce sont ces jantes allemandes en trois parties, pour les voitures de course d’époque. Elles sont modulables et faites pour être ajustées : sur un circuit sinueux, on diminuera par exemple leur largeur pour être maniable, sur un circuit tournant on permet des voies plus larges. À compter des années 80, les BBS se vendent très bien en monte d’origine par des constructeurs allemands comme Volkswagen, BMW ou encore Porsche.
« BBS, c’est racing. Mais au fil du temps ils ont perdu en rareté. Tout ce qui est jantes trois parties, RM, RS ou RF, c’était monté à la main, donc rare et cher. L’apothéose du tuning c’est justement de posséder ce que les autres n’ont pas. Ce qui est numéroté ou introuvable, un peu comme dans les montres ou le vin, finalement. »
Split et carrossier des manouches
Tapi dans l’ombre, un Split rehaussé, à droite un Renault Master de gitan et au premier plan un autre Split avec des jantes américaines hors de prix. Split pour split window, est un anglicisme – encore un -, signifiant simplement que la vitre est divisée en deux. Le split s’applique aux pare-brise ou lunettes arrière des Volkswagen Coccinelle, Combi ou Porsche 356. Les modèles les plus anciens étaient systématiquement dotés de ce split window, pour la simple et bonne raison que les constructeurs n’avaient pas la technologie nécessaire pour réaliser un pare-brise d’une seule pièce de verre.
« Ces Split, c’est introuvable aujourd’hui, mon carrossier il en a trois ou quatre dans le garage. Il te dit toujours qu’il n’a rien, mais s’il vend le contenu de son garage, il a 200 000 € qui tombent ! Sa spécialité, pour payer ses vacances, c’est de repeindre les camions de manouches. Les gitans ont toujours des camions blanc de blanc. Le secret est simple : tous les trois ans ça repasse en cabine pour une peinture fraîche. Toujours avant de partir aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Ils paient bien et ils paient vite. »
Le mythe GTI
La GTI est une catégorie automobile inventée par Volkswagen en 1976 avec la Golf GTI. Avec 110 ch et un poids plume de 810 kg, la première des GTI propose des performances de voitures de sport dans la carrosserie d’une compacte tantôt citadine, tantôt habitable mais surtout polyvalente et accessible au plus grand monde. Une révolution.
« Mes cousins avaient une Golf 2 GTI. Ils arrivaient aux déjeuners de famille « Oh, on a bien roulé, 200 tout le long« . À l’époque les mecs qui achetaient des sportives, faut le dire, c’était pas pour épater le voisin ! J’ai grandi en rêvant à ma GTI : rouge, trois portes, simple. Je l’ai aimée, cette caisse. Quand on collectionne, quel que soit l’objet d’ailleurs, on achète des souvenirs, des Madeleines de Proust. Même si, à terme, je veux posséder la chose plus que l’utiliser. C’est ma pathologie, je suis sûr que je ne suis pas le seul. Je sacralise mes objets et j’en jouis peu, finalement. »
Le tuning ne mourra pas tant qu’il y aura des autos en circulation et des Hommes pour les apprécier. A l’origine initié par les classes populaires, dans les années 30 aux États-Unis, pour rendre plus puissantes et performantes des autos dépassées et acquises à vil prix, le tuning rassemble aujourd’hui encore ceux qui opposent à la production en série un désir de réappropriation de l’objet de masse.
Et si l’âge d’or du tuning dans la presse semble révolu – les enfants des années 1980 et 1990 se souviendront avec émoi d’Option Auto, GTI Mag, Boost Tuning, VW mag ou ADDX -, les réseaux sociaux demeurent, de nos jours, l’antichambre du tuning. Les grands rassemblements ont évolué mais sont légion : Le Sema Show aux États-Unis, Tokyo Auto Salon au Japon, Gravity Show ou Edition 38 en Angleterre, sans oublier l’incontournable VW Days dans l’Hexagone.
Propos recueillis par A.M.
Le Sema Show,
Las Vegas
Du 31 octobre au 3 novembre 2023
Tokyo Auto Salon,
Tokyo
Janvier 2024
Gravity Show,
Birmingham
26 et 27 août 2023
Edition 38,
Northampton,
7 mai 2023
Lire aussi
The Good Road Trip : En Islande avec l’Enyaq Coupé IV
Italie : road trip dans les Marches en Maserati Ghibli Hybrid !
Icônes électriques : Fiat 500, Mustang, Mini, Golf et Morgan