Fashion
The Good Look
Pratique pour transporter son ordinateur et ses dossiers sans s’encombrer les mains, le sac à bretelles des étudiants est (ré)adopté par la plupart des adultes qui télétravaillent et se déplacent à deux-roues, mais pas seulement.
Il n’a jamais été considéré comme un it-bag – cette sacoche, besace ou tote bag dont les marques de luxe font grande publicité depuis les années 2000. Trop estudiantin, sportswear, voire pas assez cher, le sac à dos n’était également pas le favori du secteur de la maroquinerie puisqu’il s’avérait être plus souvent fabriqué en toile qu’en cuir.
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Sauf que le développement des mobilités douces – le scooter, le vélo ou la trottinette, en remplacement de l’automobile – a relégué les traditionnels porte-documents et autres malettes aux objets inutiles.
En outre, les créateurs de mode n’ont pas cessé de réinterpréter le look et les équipements du guide de haute montagne pour la vie en ville et, enfin, les confinements successifs – oui, le Covid a eu, là aussi, des répercussions – ont démocratisé la pratique du télétravail, qui oblige de transporter souvent son ordinateur et ses dossiers entre l’entreprise et la maison.
Les cycles de la mode
« Le sac à dos, c’est la basket de la maroquinerie. Lorsqu’un homme prend goût à son confort et sa praticité, il lui est très difficile de revenir en arrière et d’utiliser un sac traditionnel », observe Alexandre Rousseau, designer en maroquinerie et cofondateur de la marque Bleu de Chauffe.
« Longtemps, les ventes de sacs à dos ont été en dents de scie, comme tout autre accessoire de mode, ajoute le styliste Pierre-Henri Mattout, aujourd’hui à la tête de la boutique PHMSaints Pères, à Paris. Et puis les citadins ont commencé à privilégier les déplacements à deux-roues et, là, il s’est imposé comme le sac idéal, qui laisse les mains libres pour tenir un guidon et permet d’être chargé de ses affaires sans être déséquilibré, contrairement à une besace qui pèsera d’un seul côté du corps et pourra favoriser une chute. »
Sylvie Pourrat, directrice stratégie et développement de WSN, l’organisateur des salons professionnels Who’s Next et Première Classe, respectivement spécialisés dans les marques urbaines et les accessoires de mode, se souvient d’un événement, remontant à une quinzaine d’années, où les sacs à dos de spécialistes étaient mis en avant sur Who’s Next, alors qu’on commençait à peine à parler de solutions de remplacement de la voiture pour se déplacer.
« Les modèles de l’époque étaient très techniques, pas forcément stylés. L’accent était mis, par exemple, sur leurs bandes réfléchissantes. Ou alors, c’étaient des sacs dérivés du sport, des activités en haute montagne et on les distinguait surtout par leurs capacités de contenance en litres. »
Quelques années auparavant, en 2004 précisément, l’américain Eastpak, dont le Padded Pak’R était déjà le sac favori des étudiants depuis des années, avait tenté de toucher d’autres publics en nouantdes collaborations avec des designers de mode masculine comme Walter Van Beirendonck, Raf Simons ou Kris Van Assche.
Encore plus ancien : Miuccia Prada avait inclus le backpack dans sa chiquissime ligne de sacs et de bagages en toile noire robuste. Mais toutes ces tentatives créatives n’ont jamais eu le même effet de levier que les nouveaux modes de travail et de déplacement. « Le succès actuel des sacs à dos n’est pas lié à une question de style, observe Fernando Bonastre de Celis, fondateur de la marque Bonastre. Derrière chaque achat, il y a la recherche d’un contenant pour un usage très précis. »
Pierre-Henri Mattout complète : « Le format ne doit pas être trop gros, ni trop petit. Les clients veulent pouvoir y glisser leur ordinateur. Après, s’ils n’en sont pas à leur premier sac à dos, ils veilleront à l’écartement des bretelles. Sont-elles pourvues, ou pas, de renforts matelassés sur la partie haute ? Et puis comment le sac vient-il se positionner au bas du dos ? Est-il équipé d’une ceinture supplémentaire au niveau de la taille ou d’un clip pectoral qui répartit son poids sur le corps ?… »
Comme souvent les hommes en matière d’habillement, on est loin de l’achat sur un coup de tête. « Ils anticipent aussi que ce sac sera quelque peu maltraité, ajoute Fernando Bonastre de Celis. Qu’il sera souvent exposé à la pluie, parfois coincé dans un panier à vélo, bourré dans un casier, posé au sol, oublié dans un coin tout un weekend… Ils veulent que ce nouveau compagnon soit design, pratique et solide, tout en étant abordable côté prix. Les vendeurs nous rappellent souvent qu’il y a des seuils psychologiques à ne pas dépasser. »
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