The Good Business
Avec son look normcore, il cache bien son jeu… et son irrésistible succès. En tout juste dix ans, Wang Tao a su se hisser parmi les hommes les plus brillants et les plus riches de Chine. Grâce aux drones civils, des quadricoptères télécommandés qui plaisent particulièrement aux Américains.
Son « uniforme » est toujours plus ou moins le même : chemise blanche et pull noir, lunettes rectangulaires, barbichette au menton, sans oublier… cette indispensable casquette de laine, vissée sur la tête, peu importe la saison ! Drôle d’accoutrement, a priori, pour un patron qui, selon le magazine Forbes, pèse tout de même 3,6 milliards de dollars. Wang Tao, ou Frank Wang pour ceux qui l’interpellent dans la langue de Shakespeare, aimerait-il les choses simples ? Ce Chinois de 35 ans est le premier entrepreneur au monde à être devenu milliardaire grâce aux drones civils : son entreprise, Dajiang Innovation Technology (DJI), une société de quelque 5 000 employés basée à Shenzhen, est parvenue en tout juste dix ans à essaimer aux quatre coins de la planète.
Fin 2015, elle détenait presque 70 % du marché, selon le cabinet d’intelligence économique américain IDC. Ceux qui connaissent bien Wang Tao se sont habitués, eux, à son look décontracté, en ligne avec la vision qu’il a de son métier. « Si vous lui demandez, au bout du compte, ce qu’il veut faire avec DJI, il vous répondra : “rendre la technologie accessible au plus grand nombre”. Point final », raconte Adam Najberg, le dir-com de DJI. Après vingt et une années passées entre New York et Hong Kong pour le Wall Street Journal, cet Américain a rejoint DJI en septembre 2015 en tant que directeur de la communication internationale. A Shenzhen, capitale chinoise de l’électronique et fief de DJI, il est loin, cependant, d’être le seul étranger à avoir été séduit par les sirènes de monsieur Wang. « Ici, c’est un peu comme à l’ONU. Certes, les ingénieurs sont en majorité chinois, mais au marketing, il y a des Suédois et des Slovènes. Nous possédons quinze centres de recherche dans le monde, dont un au Japon et un en Californie, spécialisé dans la robotique », s’enthousiasme l’ancien journaliste.
DJI en chiffres
- Collaborateurs : 5 000 (en 2016), dont 1 500 ingénieurs et développeurs.
- Nombres d’usines : 3, à Shenzhen, détenues à 100 % par DJI.
- Chiffre d’affaires : plus de 1 Md $ en 2015, contre 500 M $ en 2014.
- Gouvernance : DJI appartient à 45 % à Wang Tao. Le reste est réparti entre les autres dirigeants, amis et proches qui ont investi dans la société.
La force de Wang Tao ? Avoir su produire, à moindre coût, des drones de haute technologie pour le grand public. Et avoir vu très grand. « Il a un flair incroyable, toujours les bonnes intuitions. C’est quelqu’un qui s’est entouré de gens hyperperformants comme lui, des gens qu’il connaît depuis ses années à l’université », dit de lui Adam Najberg. Chemin faisant, DJI est devenue une société d’envergure internationale, un fait d’armes pour une aussi jeune start-up chinoise des high-tech, née en 2006 seulement. Les États-Unis sont aujourd’hui leur premier marché, loin devant la Chine, en quatrième position. En Europe, les quadricoptères télécommandés conçus par le milliardaire ont également fait une entrée remarquée au Royaume-Uni, en Allemagne, ainsi qu’en France.
Dans l’Hexagone, les petits appareils volants à quatre hélices de DJI ont même pris par surprise l’un des leaders mondiaux : Parrot, célèbre constructeur français de drones de loisirs. Sollicitée par The Good Life, l’entreprise tricolore, fondée en 1994 et cotée sur Euronext Paris, n’a pas souhaité commenter le succès de son concurrent. « Nous avons plutôt l’habitude d’être contactés pour parler de nos activités ou du marché », esquive-t-on poliment au 174, quai de Jemmapes, dans le 10e arrondissement parisien, siège de la société. L’arrivée spectaculaire des Chinois sur le marché des drones n’aurait-elle toujours pas été digérée ? « Nous connaissons une hypercroissance depuis 2011, s’émerveille, de son côté, Adam Najberg. Entre 2011 et 2014, nos ventes ont triplé ou quintuplé année après année. Et en 2015, notre chiffre d’affaires a doublé par rapport à l’année précédente. »