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Wang Tao
A la tête de la société DJI, Wang Tao, 35 ans, pèse 3,6 Mds $.
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The Good Business

L’incroyable et irrésistible ascension de Wang Tao

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Avec son look normcore, il cache bien son jeu… et son irrésistible succès. En tout juste dix ans, Wang Tao a su se hisser parmi les hommes les plus brillants et les plus riches de Chine. Grâce aux drones civils, des quadricoptères télécommandés qui plaisent particulièrement aux Américains.

Le premier drone « ready-to-fly »

Ce succès, Wang Tao le doit surtout au Phantom, un drone que DJI lance le 7 janvier 2013. Très vite, l’appareil devient pour la PME chinoise ce que le tout premier iPod fut pour Apple. L’arrivée ­soudaine de ce petit oiseau blanc, avec ses hélices, sa caméra et son GPS intégré provoque ce jour-là un bouleversement sur le marché des drones civils. Avant lui, en effet, ces joujoux pour adultes pouvant prendre des photos ou des vidéos à plusieurs dizaines de mètres du sol étaient surtout réservés à une poignée de mordus. Le plus souvent, ces initiés s’amusaient à bricoler leurs propres caméras volantes en assemblant eux-mêmes les différents composants. Lors de sa sortie, le Phantom, lui, se positionne comme le premier drone « ready-to-fly » : relativement bon marché, à 679 dollars l’unité, il peut voler à peine sorti de sa boîte.

« Si l’on étudie les annales de la technologie, ce n’est pas si souvent, mine de rien, qu’une entreprise arrive à obtenir une position dominante sur un marché d’aficionados qui, progressivement, s’ouvre au grand public. Kodak a réussi ce pari avec les appareils photo, Dell et Compaq avec les PC, et GoPro avec les ­caméras d’action », écrivaient l’année dernière trois journalistes de Forbes dans une longue enquête sur DJI. Depuis, les trois usines de DJI, à Shenzhen, dans l’extrême sud de la Chine, ont cessé la production du Phantom 1. Le produit star de Wang Tao en est maintenant à sa quatrième génération : le Phantom 4, vendu en France pour 1 400 euros. Celui-ci peut voler pendant 28 minutes sur un rayon de 5 kilomètres, avec une vitesse maximale de 72 kilomètres par heure. A Pékin, Kou Jian, un Chinois de 33 ans, a déboursé au printemps l’équivalent de 1 200 euros pour le tenir entre ses mains. « A vrai dire, je ne m’en suis servi que deux fois, quand je suis parti en week-end. Car à l’intérieur de Pékin, faire voler un drone est strictement interdit ! Il faut passer le cinquième périphérique, et encore, même au-delà, ce n’est pas vraiment toléré. Il faut vraiment aller loin, à la campagne, pour pouvoir jouer avec, regrette ce jeune cadre supérieur dans les télécoms. Mais bon, du point de vue technologique, c’est irréprochable ! DJI est une boîte chinoise, tout est fabriqué sur place. »

A côté de ces drones de loisirs, DJI vend aussi des appareils professionnels. Son drone le plus haut de gamme, le fameux Inspire 1 RAW (6 200 euros), a, par exemple, été utilisé aux États-Unis… sur des plateaux de cinéma pour les prises de vue aériennes. Enfin, DJI commercialise également toute une batterie d’accessoires, des pièces détachées, ainsi que des « plates-formes volantes » nues sur lesquelles les passionnés peuvent fixer leur propre caméra. Wang Tao, justement, fait partie de ces passionnés de la première heure.

En 2014, dans une interview au Wall Street Journal, ce natif de Hangzhou, près de Shanghai, avait expliqué comment il était tombé dans la marmite : « C’était un rêve depuis l’enfance. Quand j’étais à l’école élémentaire, j’avais remarqué, dans une vitrine, un hélicoptère miniature qui coûtait à l’époque l’équivalent de plusieurs mois de salaire. Mes parents ne pouvaient pas se permettre de l’acheter. Ils me l’ont offert bien plus tard, lorsque j’étais au lycée, pour me récompenser après des examens. Je l’ai assemblé, mais je n’ai pas pu le faire voler immédiatement car, pour cela, il fallait des mois d’entraînement. Quand enfin j’ai pu m’en servir, il s’est écrasé tout de suite. »

Plus tard, alors étudiant en ingénierie électronique à l’Université des sciences et des technologies de Hong Kong, Wang préfère sécher les cours pour mettre au point un système de commandes de vol pour hélicoptères dans le cadre d’un projet d’études. Remarqué par son professeur de robotique, un certain Li Zexiang, qui détient désormais 10 % de DJI, le jeune homme poursuit en master. Mais en 2006, Wang Tao quitte Hong Kong pour rentrer à Shenzhen, où ses parents sont installés et où il a grandi. Dans le trois-pièces qu’il partage alors avec deux camarades de fac, Wang utilise le restant de sa bourse universitaire pour lancer DJI.

A l’époque, la petite PME est spécialisée dans les systèmes de commandes et autres composants pour drones. Mais le perfectionnisme du futur milliardaire pousse ses premiers employés à bout : très vite, le gros des troupes jette l’éponge. Fin 2006, un ami de la famille investit 90 000 dollars dans DJI. Et, petit à petit, Wang Tao se fait un nom dans le petit cercle des amateurs de drones « do it yourself ». Ses produits deviennent de plus en plus perfectionnés, ce qui lui permet d’être exposé dans des foires, comme en 2011 dans l’Indiana, aux États-Unis. Fin 2012, DJI maîtrise déjà tous les composants nécessaires à l’assemblage d’un drone civil. Étape franchie quelques mois plus tard avec le Phantom 1. « L’entreprise a vraiment décollé avec le Phantom, analyse Adam Najberg. C’était la bonne technologie, au bon moment et au bon endroit. » Bien joué !

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