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Fins stratèges du service, les concierges des hôtels de luxe redéfinissent l’art de recevoir. Expériences uniques, visites de lieux secrets, rencontres insolites… tout est possible.
Ils ont tout vu, tout entendu. Depuis la création de la fameuse confrérie des Clefs d’Or en 1929, en France, les concierges des hôtels de luxe ont la réputation de pouvoir répondre à – presque – toutes les requêtes. La série télévisée Palace, avec son humour potache, en avait même fait ses choux gras à la fin des années 1980.
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« Un matin, un client nous a contactés avec l’envie d’arriver à une fête déguisé en mariachi, accompagné de musiciens, explique Marie-Anne Pain, membre des Clefs d’Or et cheffe concierge de l’hôtel 5 étoiles le Lutetia, à Paris. Il a fallu mobiliser les équipes pour organiser un minidéfilé en quelques heures… Le soir venu, le client a finalement décidé de rester en chambre pour regarder la télévision », conclut la responsable du palace parisien, imperturbable.
Grain de sable dans une machine bien huilée, la pandémie a récemment chamboulé la manière dont nous occupons notre précieux temps libre, jusqu’à modifier les notions de luxe et de service. Dans un monde qui avait parfois perdu son sens, que pouvait-on désirer de plus ? Peut-être une bonne idée à laquelle on n’aurait même pas besoin de penser tout seul.
1 – Lutetia, Paris
S’inviter dans des maisons d’architecte
Passées de réactives à proactives, certaines conciergeries proposent désormais des activités uniques imaginées grâce à une connaissance irréprochable de leur environnement et un carnet d’adresses sans précédent. Au Lutetia, c’est le directeur de l’hôtel, Jean-Pierre Trevisan, qui a eu l’idée de concocter une journée autour des architectures modernistes iconiques de la région parisienne. « Nombre de nos clients sont des habitués qui connaissent bien Paris. Nous voulions leur offrir des expériences inédites accessibles depuis notre établissement », explique l’hôtelier chevronné.

La virée démarre sur le parvis du boulevard Raspail, à bord d’une Jaguar XJ6 Série 1 de 1970. Direction la villa Savoye, à Poissy, un manifeste moderniste signé Le Corbusier construit dans les années 1930. Après une heure de visite commentée par un guide spécialisé, le chauffeur signale un départ vers Bazoches-sur-Guyonne, à 30 kilomètres de là. Le bolide s’arrête bientôt sur le parking de la maison Louis Carré, devant la demeure de l’ancien avocat au barreau de Rennes. Érigée par l’architecte et designer finlandais Alvar Aalto, la maison-musée est pourtant fermée au public ce jour-là.
À l’heure du déjeuner, Patrick Charvet, le chef de la Brasserie Lutetia, met le couvert dans la salle à manger sous les luminaires du maître… La journée se poursuit avec une visite de l’ancienne maison de l’artiste Theo Van Doesburg, à Meudon, avant d’effectuer un arrêt rue Mallet-Stevens, à Paris, dans l’antre d’une villa Le Corbusier, aux côtés de Jean-Michel Wilmotte, qui a notamment signé la décoration du Lutetia. En fin de journée, la Jaguar vrombit vers le palace sous le regard ému du directeur de l’hôtel. La force de la programmation est là, dans la ferveur d’un passionné d’architecture qui a voulu offrir aux autres ce dont il rêvait pour lui-même.
2 – Hotel Eden, Dorchester, Rome
La chapelle Sixtine pour soi
À Rome, la passion pour l’art et l’architecture anime Fulvio De Bonis, le cofondateur de la société Imago Artis, créée en 2008. C’est à lui que l’hôtel Eden, du groupe Dorchester, fait appel pour ses clients VIP. Il propose notamment des visites exclusives du Vatican, dans les dédales du joyau pontifical. Au détour d’un couloir, derrière une petite porte dérobée, la chapelle Sixtine s’offre dans toute sa splendeur, vidée des touristes !

Heureux de partager son savoir sur Michel-Ange, Fulvio escorte ensuite les invités aux portes du palais Odescalchi, une somptueuse demeure rococo de la seconde moitié du XVIIe siècle, à la façade idéalisée signée le Bernin. Après plusieurs salons en enfilade, le majordome en livrée signale un arrêt dans un canapé moelleux.
Au mur, La Conversion de saint Paul, datée de 1600, est l’un des rares tableaux du Caravage à se trouver dans une collection privée. Une envoyée de l’atelier Merlini Storti, qui a eu la lourde tâche de restaurer le chef-d’œuvre, détaille l’étendue du travail effectué et la portée historique du tableau. La visite se termine avec un passage dans l’atelier pour admirer des œuvres en cours de nettoyage. Fort de son succès, Imago Artis emploie aujourd’hui une quarantaine de personnes et a récemment ouvert un bureau à Milan.

Autrefois considérée comme un extra, l’expérience hors les murs compte aujourd’hui autant que la qualité d’un linge de lit ou la taille d’une suite. « Ces programmes permettent de proposer une vision d’une destination alignée avec les valeurs de l’établissement », explique Fulvio De Bonis. Sa plus belle réussite ? Faire venir des célébrités américaines dans le café où il prend son expresso quotidien. « On ne pouvait pas faire plus authentique que ça ! » plaisante-t-il.
3 – L’Oscar, Londres
Traitement royal
Nommé en hommage à l’écrivain Oscar Wilde, L’oscar, un hôtel 5 étoiles ouvert en 2018 près de Covent Garden, baigne dans une ambiance baroque édouardienne opulente, remise au goût du jour par le décorateur Jacques Garcia. Désireux de maintenir son cachet royal, l’établissement propose à ses invités les plus précieux de remonter la Tamise – et le temps – en bateau jusqu’à la tour de Londres.

Une fois dans la célèbre forteresse, le maître des corbeaux, un ancien soldat royal chargé de superviser les corvidés pour éviter l’effondrement du royaume (dixit la légende), révèle les superstitions qui planent encore sur les lieux. Le programme se termine en apothéose avec une visite privée des joyaux de la couronne du roi Charles III.
4 – Fife Arms, Braemar
Récolter des plantes médicinales
En proposant une offre exceptionnelle, les hôtels tissent des liens indissociables entre la beauté de la destination et le lieu du séjour. Audelà d’ouvrir des châteaux et des palais, certains établissements ont fait le pari de miser sur une richesse tout aussi précieuse et encore peu exploitée : sa population locale.

À Braemar, en Écosse, l’hôtel Fife Arms organise des randonnées dans le parc national de Cairngorms avec une spécialiste de la flore locale, passionnée par le rôle du mycélium dans la communication interspécifique. Une balade aussi joyeuse que loufoque, agrémentée d’une dégustation de plantes médicinales trouvées sur la route, et d’un cours de botanique qui frise parfois l’ésotérisme.
5 – Rosewood, Amsterdam
Apprendre le Gezelligheid hollandais
Après dix ans de travaux, le Rosewood Amsterdam est prêt à lever le rideau sur la rénovation de l’ancien palais de justice daté de 1665. Pour se démarquer d’une concurrence haut de gamme déjà bien ancrée dans la ville, l’hôtel s’est donné pour mission de faire découvrir le Gezelligheid hollandais, une convivialité typique que l’établissement compte transmettre en proposant les services de divers intervenants. À travers l’histoire de leurs ancêtres, la restauration des cellules et de la salle d’audience prendra alors un tout autre sens… Le business de l’émotion a de beaux (sé)jours devant lui !

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