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Depuis environ quinze ans, de nombreux constructeurs de smartphones tentent de venir chasser sur les terres de l’iPhone d’Apple et des Galaxy de Samsung. Fort d’une stratégie qui se résume en deux mots, patience et innovation, la marque chinoise Honor poursuit actuellement cet ambitieux dessein.
C’est un signe qui ne trompe pas. La capacité d’une marque à faire déplacer les journalistes est généralement proportionnelle à son dynamisme. En juin dernier, pour le lancement de son nouveau smartphone, le 200 Pro, Honor a réuni à l’hippodrome de Longchamp de Paris près de 800 personnes. Parmi elles, la moitié étaient des journalistes et influenceurs européens. Si le nom d’Honor n’évoque pour vous que vaguement quelque chose, cette notoriété pourrait presque vous paraître étrange. Pourtant, si l’on se fie pour le moment aux chiffres, ils parlent d’eux-mêmes.
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Selon le cabinet Counterpoint Research, entre 2022 et 2023, Honor est la seule marque en Europe à avoir vu ses parts de marché progresser (+8%). Simultanément, depuis fin 2023, Honor est devenu leader sur son marché domestique, la Chine.
En France, la marque est actuellement le 4ème plus gros vendeur de smartphones derrière les indéboulonnables Apple, Samsung et Xiaomi. Ce dernier se concentrant principalement sur l’entrée de gamme. Avec déjà environ 7% de parts de marché, Honor vise même les 10% d’ici la fin de l’année. Une ambition et une croissance presque insolentes quand on sait que la marque s’est relancée sur le Vieux Continent en 2021.
Émancipation et montée en gamme
Loin d’être un simple Rastignac, Honor a été créé en 2013 par un autre géant chinois, Huawei. L’objectif était alors de capturer le marché des jeunes consommateurs avec des produits abordables et commercialisés, dans un premier temps, uniquement en ligne. Un canal de vente plutôt inédit à l’époque.
Au fil des années, cette filiale de Huawei s’est forgée sa petite réputation auprès des plus technophiles, notamment grâce à des modèles au rapport qualité-prix imbattables. Ce fut notamment le cas du Honor 7 qui a eu un succès d’estime en France, en Allemagne et au Royaume-Uni en 2015.
En 2019, coup de tonnerre dans le monde de la téléphonie. Huawei, alors deuxième constructeur mondial et en plein ascension, est accusé d’espionnage par l’administration Trump. Le géant asiatique n’a dès lors plus le droit de travailler avec des firmes américaines. De facto, c’est un coup dur. Huawei ne peut plus utiliser le système d’exploitation Android et son store d’applications, ni les services de Google (Google Map, YouTube, Gmail…). Une ostracisation qui fera dégringoler les ventes de smartphones Huawei en France et en Europe.
Afin de permettre à sa filiale d’échapper à ces sanctions, Huawei revend Honor en novembre 2020 à un consortium chinois pour environ 15,2 milliards. Sauvé sur le gong, la marque reste dans l’ombre quelques mois afin d’affiner sa nouvelle stratégie puis, à l’été 2021, le constructeur officialise son retour en France et en Europe. Émancipée, la marque désire dès lors monter en gamme et ne plus se cantonner à un rôle de seconds couteaux auprès de la génération Z.
La France, un marché stratégique pour Honor
Si le marché des smartphones est si compliqué à pénétrer en Europe, c’est parce qu’il n’obéit pas seulement à une logique purement technologique. Contrairement à la Chine, ce n’est pas nécessairement le produit au meilleur rapport qualité prix ou le plus performant qui aura le plus de succès. Pour séduire les consommateurs européens, la notoriété et la considération de marque sont deux éléments cruciaux.
La première s’acquiert patiemment à grands coups d’investissements publicitaires et marketing, tandis que la seconde, plus inconsciente, est liée à la capacité d’innovation d’une marque. Sans brûler les étapes, le constructeur chinois suit donc patiemment une feuille de route comme l’explique Pierre-Alain Houard, directeur marketing de la marque pour la France. « Depuis le retour d’Honor, nous tablons sur une croissance saine. Notre stratégie est de conquérir le segment premium avec des produits d’une valeur supérieure à 600 euros. Pour y parvenir, nous avançons par étapes afin d’atteindre nos objectifs de notoriété et de considération. C’est très important. Contrairement à l’Espagne, l’Allemagne ou l’Italie, où l’achat va être plus pragmatique, les consommateurs français sont très exigeants et très attachés à une marque avant d’être attachés à un produit. Ici, l’achat est très statutaire. Construire un territoire de marque, cela prend du temps, mais nous progressons à notre rythme. Entre mi-2022 et le printemps 2023, notre notoriété assistée est passée de 47% à 63% ».
Pour conquérir l’Hexagone, Honor est également conscient qu’une autre dimension n’est pas à négliger. Contrairement à ses voisins européens, où les ventes en ligne prédominent, la France est encore un marché où les ventes de smartphones s’effectuent pour près de 50% en boutique.
« Il est impossible de s’installer durablement en France sans nouer une relation pérenne et de confiance avec les opérateurs. C’est un travail de l’ombre, mais aussi de longue haleine. Lors de son retour en 2021, Honor n’était présent que chez SFR et Fnac-Darty. Aujourd’hui, nous sommes présents chez la totalité des opérateurs et des revendeurs. Et notre patience semble fonctionner puisque si nous sommes environ à 7% de part de marché au total en France, ce chiffre grimpe à 9% en boutique », glisse Pierre-Alain Houard. Des petits pourcentages qui pourraient paraître anecdotiques, mais qui sont à pondérer avec l’immensité de tout un secteur. En 2023, près de 13,6 millions de smartphones neufs ont été vendus en France.
Produits innovants et partenariat de renom
« Le secteur des smartphones est devenu ennuyeux, vous ne trouvez pas ? ». « L’Europe n’a plus besoin d’une autre marque entrée de gamme, il y en existe déjà beaucoup, vous avez besoin de produits innovants ». « Sur le long terme, notre objectif est de tenir numéro un et de rivaliser avec Apple et Samsung sur le haut de gamme ». Depuis le début de l’année, lors de ses différentes interventions, le PDG d’Honor George Zhao martèle sans sourciller les ambitions de son entreprise. Si ses propos peuvent presque passer pour de la suffisance, les faits les plus récents lui donnent pour le moment raison. En termes de qualité produit, de fiabilité et d’innovation, Honor met depuis deux ans la barre très haute.
Question qualité, le dernier flagship de la marque, le Magic6 Pro semble faire l’unanimité au sein de la presse tech spécialisée. Surtout, ce smartphone premium arrive en tête dans les catégories photo, écran, batterie, selfie et audio du laboratoire DxOMark. Un organisme indépendant français qui passe au crible de manière scientifique tous les nouveaux smartphones. Pour la fiabilité, Honor n’hésite pas à mettre en avant son très faible taux de retour par rapport à la concurrence. Là où les autres constructeurs testent généralement une seule fois leur smartphone en sortie d’usine, le constructeur chinois le fait cinq fois.
Enfin, pour prouver sa capacité à innover, Honor est passé maître dans l’art des coups d’éclat. Le constructeur vient tout juste de dévoiler en Chine son nouveau smartphone pliant, le Magic V3. Ouvert, il mesure 4,35 mm d’épaisseur, ce qui en fait actuellement le produit de sa catégorie le plus fin du monde. Et ce, au nez et à la barbe de Samsung, pourtant précurseur dans le domaine des smartphones pliables.
Autre fait marquant, pour le lancement européen de smartphone 200 Pro en juin dernier, la firme chinoise s’est associée avec le célèbre studio français Harcourt afin de proposer un mode « Portrait » unique. Une collaboration prestigieuse qui s’est accompagnée d’une campagne média à 360° avec notamment la création d’un studio mobile éphémère sur la Place de la Victoire, à Paris.
« Durant près de deux ans, 20 ingénieurs ont travaillé de concert avec les photographes du studio afin de co-développer une intelligence artificielle. Cette dernière est capable de reproduire le style Harcourt en termes de luminosité, de contraste, de textures ou encore de profondeur de champ. Concrètement trois options sont disponibles sur le smartphone : un mode Harcourt Classic (noir et blanc), un autre Harcourt Color (couleur) et un dernier Harcourt Vibrant », détaille Pierre-Yves Queignec, ingénieur sur la partie photo chez Honor.
Si petit à petit, Honor fait son nid sur le marché des smartphones, l’entreprise reste tout de même clairvoyante. Elle sait bien que pour venir faire de l’ombre à Apple et Samsung, il faut également proposer une galaxie de produits plus large comprenant des tablettes et des ordinateurs portables. Sur ces deux verticales, Honor est déjà présent en Chine, mais encore discret en France.
De même, proposer un écosystème d’IA capable de faire fonctionner tous ces produits ensemble sera un défi de taille pour les prochaines années. Là aussi, la firme nous assure qu’elle y travaille patiemment.
Quoi qu’il en soit, si Apple et Samsung restent pour le moment bien devant, dans les chiffres et dans les cœurs, n’oublions pas que ces deux géants ne se sont pas faits en un jour. Et à tout seigneur, tout honneur, Honor semble pour le moment suivre leurs traces.