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Arrivé sous sa forme digitale dans les années 2000, le financement participatif a rapidement séduit de nombreux investisseurs particuliers. Néanmoins, en 2023 et pour la première fois de l’histoire du crowdfunding, les montants levés sont ressortis en repli en France. Doit-on pour autant affirmer que le modèle n’attire plus les foules ?
Les chiffres sont tombés et ils ne sont pas bons. Selon les données du baromètre du crowdfunding en France, mis en place par Mazars pour Financement participatif France, les fonds collectés en 2023 s’élèvent à 2,1 milliards d’euros, essuyant un repli de 11,3 % en un an. Il s’agit de la toute première baisse enregistrée depuis les débuts du baromètre en 2015. Un recul historique qui, pour l’heure, concerne principalement la France.
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La fin d’un âge d’or ?
Il faut dire que, depuis 2015, la progression des montants investis en financement participatif en France était particulièrement significative. De 2015 à 2023, les chiffres de collecte annuelle ont été multipliés par douze pour atteindre 9 milliards, tous modèles transactionnels confondus (don, prêt, investissement).
Si les chiffres européens sont difficilement compilables, une étude réalisée par UiA School of Business Law, à Agder, en Norvège, estime à 19 milliards d’euros les montants investis par le biais du crowdfunding au cours de l’année 2022. Un volume en progression de 17 % sur un an. Les chiffres 2023 ne sont, en revanche, pas disponibles.
Néanmoins, les experts anticipent un recul des niveaux de collecte au sein du vieux continent. En cause : un contexte macroéconomique incertain sur fond d’inflation et de hausse des taux.
L’immobilier dans le rouge
En France, c’est l’immobilier – 55 % de la collecte globale – qui porte le gros du repli. Entre 2022 et 2023, les fonds recueillis pour les projets fonciers ont diminué de 28 %.
« Dans un contexte d’augmentation des taux d’intérêt, les financements des projets immobiliers se sont tendus. Les opérations de promotion immobilière présentant des prix trop élevés ont donc tardé à trouver acquéreur », explique Vincent Heno, fondateur de la plate-forme de crowdfunding immobilier Beefordeal.
Conséquence pour l’épargnant : un retard de rendement estimé entre trois et douze mois, selon les cas. Dans le pire des scénarios, c’est une défaillance avec perte totale en capital pour l’investisseur. « Il faut bien avoir à l’esprit que ce que recherchent nos investisseurs, c’est un retour sur investissement rapide », souligne Vincent Heno.
Désormais, les audacieux se font plus rares. Si le crowdfunding immobilier continue de servir des taux de rendement élevés (supérieurs à 10 % pour l’année 2023), les risques associés sont importants et la perte en capital totale ou partielle est une hypothèse qu’il n’est plus possible d’écarter.
« Les épargnants étaient attirés par la rentabilité affichée de ces produits, mais n’avaient pas forcément anticipé les risques. Ils ont aujourd’hui davantage conscience des risques associés », constate Aurélien Gouraud, directeur des opérations et du développement chez Lendopolis.
La force de l’énergie renouvelable
L’autre catégorie à accuser le coup est le prêt à destination des entreprises. Il y a quelques mois, la plate-forme October annonçait la fin de son activité de prêts visant à soutenir la croissance de petites et moyennes entreprises, revendant sa technologie au géant Sopra Steria.
« Avec la remontée des taux d’intérêt, les plates-formes spécialisées dans le financement des entreprises peinent à être compétitives face aux établissements bancaires traditionnels », explique Florence de Maupeou, directrice générale de l’association professionnelle Financement participatif France.
Seul le secteur des énergies renouvelables tire aujourd’hui son épingle du jeu. Doucement et progressivement, la collecte sur les projets à impacts progresse. En 2023, celle-ci a augmenté de 11,5 %. Les rendements servis s’établissent autour de 6,5 % avec des durées de financement plus longues, autour de 36 mois.
L’engouement des investisseurs particuliers pour le secteur des énergies renouvelables vient contrebalancer la frilosité envers celui de l’immobilier. « Ce périmètre est aujourd’hui stable et sécurisant », souligne Florence de Maupeou.
Les épargnants sélectionnent ainsi des projets alignés avec leurs valeurs et sont prêts à accepter un rendement moindre que celui servi par les projets immobiliers, au profit d’un risque plus maîtrisé.
La France, marché mature
L’avenir du financement participatif se trouverait donc peut-être dans les projets à impacts. Le crowdfunding a dès ses débuts séduit les épargnants soucieux d’une meilleure traçabilité de leurs investissements. Désormais, la France fait figure de marché mature avec un nombre important de plates-formes régulées.
Avec des tickets d’entrée très accessibles – à partir de 10 euros sur certaines plates-formes –, les petits épargnants ont la possibilité de s’engager en faveur d’initiatives qui leur tiennent à cœur. Un parti pris financier qui attire les investisseurs lassés des traditionnels produits d’épargne proposés par les groupes bancaires.
Dans le même temps, les fondateurs de start-up continuent de solliciter les prêts participatifs à leurs débuts. « C’est un mode de financement qui a largement fait ses preuves. Les porteurs de projet restent attachés au financement participatif, tandis que les investisseurs aiment s’engager à leurs côtés pour financer des initiatives naissantes et ancrées dans l’économie réelle », conclut Florence de Maupeou.
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