Culture
Avec un sens consommé de l’absurde, le duo dano‑norvégien sème ses œuvres mastodontes aussi bien dans les meilleures institutions de l’art que dans l’espace public. Rencontre avec deux drôles d’hommes dans leur atelier berlinois king‑size.
Les blagues de ces deux-là tombent rarement à plat. De préférence monumentales, elles vous amusent illico, puis révèlent leur intelligence acide dès qu’on tire leurs fils multiples. L’art caustique, c’est là la spécialité du Danois Michael Elmgreen et du Norvégien Ingar Dragset. Il y a cette boutique Prada vide qu’ils ont érigée en plein désert texan.
Il y a ce gamin en bronze et or, montant un cheval à bascule, qui ornait, à Londres, Trafalgar Square en 2012 – pied de nez à la statue équestre voisine de George IV. Il y a encore ces urinoirs, dont les tuyaux d’évacuation s’entortillent, qui se glissent dans les toilettes de quelques musées choisis. Un collectionneur mort dans une piscine, présenté à la Biennale de Venise en 2009… Des blagues mi-savantes, mi-grasses qui rapportent gros : le duo est de toutes les collections qui comptent et s’expose partout.
Aujourd’hui, fini la rigolade et l’impro, les voilà à la tête d’une usine à art dans la capitale allemande – une sublime station de pompage des années 20, tout en briques, baies vitrées géantes et luminaires art déco – où maturent leurs rêveries insensées. Comme d’autres plasticiens, Olafur Eliasson en tête, ils ont été séduits par « ce Berlin des années 90 où tu n’avais à souscrire à aucune vision de l’art, où tous les jeunes artistes étaient regardés avec une curiosité bienveillante, déclare Michael Elmgreen à The Good Life. C’était désorganisé et c’est ce qui nous plaisait. ». On remarque ici un lit de bébé sur lequel s’accroche un rapace, l’une de leurs pièces mordantes, là une maquette de Van Gogh’s Ear, cette piscine en kit en forme d’oreille installée à New York.
