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Fourth Floor Low Table, 101 Spring Street, Judd Foundation, New York, from Donald Judd Furniture (2024) published by Judd Foundation and MACK. Matthew Millman © Judd Foundation. Courtesy of Judd Foundation and MACK. Art © Stephen Flavin / Artists Rights Society (ARS), New York.
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Donald Judd : du mobilier utilitaire au business de l’art minimal

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Icône du minimalisme et artisan des lignes pures, Donald Judd a créé un mobilier à l’origine utilitaire, aujourd’hui érigé en symbole de sophistication. Entre New York et Marfa, son héritage oscille entre artisanat, statut social et business florissant. Retour sur l’ascension posthume d’un artiste qui n’a commencé à gagner sa vie qu’à la fin de son parcours et dont les enfants se font aujourd'hui les garants.

Donald Judd (1928-1994) concevait des meubles avant tout pour s’asseoir, ranger ou poser. Fonctionnalité brute, lignes pures, bois non teinté, métal sans artifices : l’art minimal au service du quotidien. Pourtant, ce mobilier, né dans les années 1970 dans les ateliers de Marfa et de New York, est aujourd’hui un symbole de statut social, pris d’assaut par les collectionneurs et souvent copié. Car le marché a transformé cette esthétique austère en un gage de sophistication. Il faut dire que les chaises et tabourets signés Judd sont devenus des icônes, omniprésentes sur Instagram, dans les intérieurs d’architectes stars comme John Pawson et même dans des clips de Kanye West.

En mars dernier, les éditions MACK a mis les pendules à l’heure avec Donald Judd Furniture, un ouvrage réalisé par ses enfants Flavin et Rainer Judd, ainsi que la Judd Foundation. La maison familiale ressuscite les plans originaux, documentant ce qui fut d’abord une économie de survie pour leur père. À l’époque, l’artiste-aménagiste était loin de rouler sur l’or : Judd construisait ses propres meubles par nécessité, à force de n’avoir rien à mettre dans ses pièces désertiques de Marfa, Texas. Aujourd’hui, une simple chaise vendue par la Judd Foundation dépasse allègrement les 10 000 dollars : une somme qui aurait fait tiquer cet artiste rebelle et pragmatique, qui n’a commencé à vivre de son travail qu’à la fin des années 1980.

Two-by-Twelves furniture, Casa Perez, Presidio Country,Texas, from Donald Judd Furniture (2024) published byJudd Foundation and MACK. Matthew Millman © JuddFoundation. Courtesy of Judd Foundation and MACK.
Two-by-Twelves furniture, Casa Perez, Presidio Country,
Texas, from Donald Judd Furniture (2024) published by
Judd Foundation and MACK. Matthew Millman © Judd
Foundation. Courtesy of Judd Foundation and MACK.

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De New York à Marfa : un écosystème à son nom

Les anciennes demeures de Donald Judd sont aujourd’hui les adresses de la fondation dirigée par ses enfants, qui veillent sur cet héritage minimaliste. À New York, le 101 Spring Street, à SoHo est le lieu où tout a commencé. Judd y achète un immeuble industriel en 1968, précurseur de la réhabilitation de ce quartier, devenu depuis l’eldorado des galeries d’art et boutiques de luxe. Là, Judd élabore sa philosophie : l’art doit occuper l’espace, sans compromis, et c’est dans ce manifeste spatial que naît son mobilier.

Mais c’est à Marfa que l’utopie de Dpnald Judd prend racine. En 1973, il quitte la frénésie new-yorkaise pour ce hameau texan quasi abandonné. Il y achète un terrain militaire déclassé pour y installer ses œuvres permanentes et une manufacture de mobilier. Ce qui ressemblait à une retraite solitaire s’est mué en véritable business : aujourd’hui, Marfa est un haut lieu du tourisme culturel. Les galeries Chinati Foundation et Judd Foundation attirent chaque année plus de 40 000 visiteurs : un chiffre vertigineux pour une ville de 1 380 habitants. Une chambre d’hôtel dans cet éden minimaliste s’échange autour de 300 dollars la nuit.

Bed 3 installed on the fifth floor of 101 Spring Street,Judd Foundation, New York, from Donald JuddFurniture (2024) published by Judd Foundation andMACK. Kyle Knodell © Judd Foundation. Courtesy ofJudd Foundation and MACK. Art © ClaesOldenburg . Art © Stephen Flavin; John ChamberlainArt © Fairweather & Fairweather LTD; / Artists RightsSociety (ARS), New York.
Bed 3 installed on the fifth floor of 101 Spring Street,
Judd Foundation, New York, from Donald Judd
Furniture (2024) published by Judd Foundation and
MACK. Kyle Knodell © Judd Foundation. Courtesy of
Judd Foundation and MACK. Art © Claes
Oldenburg . Art © Stephen Flavin; John Chamberlain
Art © Fairweather & Fairweather LTD; / Artists Rights
Society (ARS), New York.

Donald Judd : la rente d’une esthétique copiée

Le paradoxe est flagrant : Donald Judd n’a jamais protégé ses designs par des brevets, revendiquant l’ouverture et l’utilité de son travail. Résultat : un nombre incalculable de contrefaçons pullulent sur le marché. Sur Etsy, une réplique de son iconique Chair 84 se déniche pour moins de 300 euros. Sur les sites d’occasion, les enchères démarrent à 20 000 dollars pour les versions originales. Les amateurs, eux, naviguent entre authenticité et compromis : les puristes font appel à la Judd Foundation pour une réédition officielle, pendant que d’autres jouent le jeu des reproductions bon marché.

Il est ironique de constater que cet art mobilier, né d’une logique de dépouillement, se monnaye aujourd’hui à des prix exorbitants. La fortune posthume de Judd n’est plus un secret : en 2022, une table Donald Judd en contreplaqué s’est vendue pour 350 000 dollars chez Christie’s. L’artiste lui-même aurait probablement levé un sourcil face à ce résultat. Lui qui, jusqu’à la fin de sa vie en 1994, récusait les compromis commerciaux. Car Donald Judd avait compris une chose : la simplicité est l’ultime forme de luxe, qu’elle soit authentique ou copiée.

Dans ce monde où un tabouret aux lignes parfaites vaut plus cher qu’une auto, Donald Judd reste, malgré tout, l’auteur d’une œuvre immuable : celle de l’artisanat réduit à sa quintessence, comme le détaille Donald Judd Furniture à travers ses pages dépouillées qui alternent entre photographies et dessins techniques du mobilier du maître.

Donald Judd Furniture (Judd Foundation and MACK,2024). Photo Charlie Rubin © Judd Foundation.Courtesy Judd Foundation.
Donald Judd Furniture (Judd Foundation and MACK,
2024). Photo Charlie Rubin © Judd Foundation.
Courtesy Judd Foundation.

Donald Judd Furniture, Judd Foundation et MACK, 2024. Acheter.


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