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The Good Culture
Après la sortie de la série Balenciaga sur Disney + en janvier, The New Look, dédié à Christian Dior, sur Apple TV+ en février, c'est Kaiser Karl qui s'intéresse à Karl Lagerfeld et se fait attendre sur Disney +. Un début d'année haute couture qui donne envie d'approfondir ces biopics : 10 livres pour devenir incollable sur ceux qui ont fait la mode.
Il y eut d’abord « Balenciaga », une série au cordeau, très élégante, signée du trio basque José Mari Goenaga, Jon Garaño et Aitor Arregi, qui revenait sur l’ensemble de la carrière du créateur énigmatique Cristóbal Balenciaga (1895 – 1972). Et puis « The New Look », créée par Todd A. Kessler, un parti pris audacieux où la mode n’est qu’un prétexte pour évoquer la Seconde guerre mondiale, ses enjeux face à la futilité apparente de la haute-couture, la collaboration, la sortie de la guerre puis l’invention par Christian Dior (1905 – 1957) du tailleur de la collection « Corolle » – devenue culte – que la rédactrice du Harper’s Bazaar, Carmel Snow, qualifia de « New look ». On y croise d’ailleurs Balenciaga, Balmain, Lelong et, évidemment, Coco Chanel. Viendront bientôt les productions sur Christian Dior ou Karl Lagerfeld (le 7 juin 2024 sur Disney+), qui s’intéresseront chacune à un moment bien spécifique de leurs carrières. La mode est partout, sur le petit écran, mais comment suivre les intrigues et les approfondir, sinon avec ces 10 livres ?
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Pour Karl (1933 – 2019), dont la série a été créée par Isaure Pisani-Ferry et Jennifer Have en adaptant le génial ouvrage de Raphaëlle Bacqué, Kaiser Karl, le synopsis nous promet une plongée en 1972. Lagerfeld a 38 ans et ambitionne de se mesurer au chouchou de la Rive Gauche, j’ai nommé Yves Saint Laurent. L’histoire, on la connait déjà du côté du couple Saint-Laurent-Berger grâce à deux films sortis coup sur coup ; place alors désormais à la perception du styliste allemand.
Gageons que nous verrons trainer quelques livres à l’écran chez celui dont la bibliothèque en contenait environ 300 000 et qui affirmait à L’Obs, en août 2012 : « Il y a tellement de choses à voir, à lire, à apprendre que dire qu’on s’ennuie, c’est criminel, on ne mérite pas la vie. Aujourd’hui, les gens s’abrutissent beaucoup, je ne veux pas taper là-dessus, mais il faudrait redécouvrir la lecture et ne pas se contenter d’images préfabriquées de la télé. »
Alors ouvrons un livre, puis deux, et même dix… et onze.
11 livres et romans qui retracent l’histoire de la mode et ceux qui la font
1- « Karl, une histoire de la mode » de Marie Ottavi
Commençons par celui qui a le plus marqué la mode contemporaine. Karl Lagerfeld, dont le portrait, sans lunette, est reproduit six fois sur la couverture. A la manière d’une photo d’identité certainement, à la manière d’un Warhol peut-être, assurément avec l’envie de lever le voile sur un homme qui aimait brouillait les pistes. Plusieurs enfances contradictoires, une date de naissance falsifiée, un père baron danois, ou ne serait-il pas suédois ? Au fond, qu’importe la véritable biographie de Karl Lagerfeld, peu importe son âge.
Reste l’enquête que la journaliste Marie Ottavi a mené, avec « deux entretiens exclusifs accordés à l’auteure par Karl Lagerfeld lui-même et enrichie par les témoignages de ses proches et de nombreuses personnalités : la princesse de Hanovre, Bernard et Hélène Arnault, Silvia Fendi, Tom Ford, Alessandro Michele, Valentino, Carine Roitfeld, Claudia Schiffer, Inès de La Fressange, Linda Evangelista, Tadao Ando, Fran Lebowitz… », selon le résumé de l’éditeur. L’occasion de saisir un créateur brillant, cultivé et impeccable machine à se réinventer.
« Karl, une histoire de la mode » de Marie Ottavi, 13 € aux éditions Robert Laffont. Acheter.
2- « Coco Chanel un parfum de mystère » d’Isabelle Fiemeyer
Si aucune série ne lui est dédiée à proprement parler, – nombre de films s’en sont chargés – il était impossible de ne pas citer un livre sur Coco Chanel tant elle est présente, de près ou de loin, dans les 3 séries citées plus haut. Elle est l’amie vache dans « Balenciaga » ou la maîtresse d’un officier nazi dans « The New Look ». Quant à « Kaiser Karl », elle semble parfumer toutes les scènes de son célèbre numéro 5. Comme l’annonce le sous-titre, Chanel est un mystère. Chaque nouvel ouvrage pense détenir la clef de ses agissements. Et beaucoup citerait « L’Irrégulière » d’Edmonde Charles-Roux comme ouvrage de référence. Or Gabrielle Chanel détestait Edmonde et cette dernière ne s’est pas gênée pour avoir la main lourde en lui tirant le portrait.
Trêve de querelles, le livre d’Isabelle Fiemeyer a cela d’intéressant qu’elle est la seule biographe à avoir connue la petite-nièce et confidente de Coco Chanel, Tiny. Sans faire l’impasse sur les activités de l’élégante sous l’Occupation – si bien retracées et détaillées dans « The New Look » -, mais en démontrant que le mythe s’est construit en dépit de preuve, l’auteure offre une biographie retraçant toute la vie de celle qui changea la mode à jamais.
« Coco Chanel un parfum de mystère » d’Isabelle Fiemeyer, 6,10 € aux éditions Payot.
3- « Miss Dior, Le destin insoupçonné de Catherine Dior » de Justine Picardie
Ceux qui se sont déjà laissé tenter par la série « The New Look » comprendront instantanément le titre de cet ouvrage. Les autres découvriront que Catherine Dior, la sœur du couturier, était une résistante française, arrêtée en 1944 puis transférée rue de la Pompe, dans une annexe parisienne de la Gestapo, avant d’être déportée à Ravensbrück avec d’autres prisonnières politiques.
C’est l’histoire dramatique que raconte la journaliste de mode Justine Picardie, ancienne rédactrice en chef du Harper’s Bazaar anglais. Cette dernière était d’ailleurs tombée par hasard sur des documents relatant le passé héroïque de la sœur de Christian Dior, lui qui la citait si souvent comme étant sa muse ultime. C’est tout l’enjeu du livre, repris par la série Apple TV+ : couture et courage. Si la série n’est pas très bonne, le livre est merveilleux, regorgeant de détails et de photos de Cecil Beaton ou Robert Doisneau de cette femme moderne qui décida de partir en Provence, après la guerre, pour se consacrer aux fleurs. Elle y cultiva des hectares de roses, devenant là aussi une source d’inspiration pour son frère qui lui dédia son tout premier parfum, Miss Dior.
« Miss Dior, le destin insoupçonné de Catherine Dior » de Justine Picardie, 23,90 € aux éditions Flammarion.
4- « Balenciaga, shaping fashion » de Lesley Ellis Miller
A celui qui ne voulait pas qu’on le raconte, qui ne voulait rien dévoiler, pour qui seul le vêtement comptait, quoi de mieux que de lire ce beau manuel retraçant ses principes de couture et ses plus belles réalisations. Une rapide biographie résume son sort et son enfance mais rien n’est dit sur son rôle durant la Seconde guerre mondiale ou sur ses compagnons. Tant mieux, Cristóbal avait tout cela en horreur. A l’inverse, la série, basée sur l’histoire vraie de l’entretien du couturier avec la journaliste Prudence Glynn à l’aube de sa vie, en 1971, s’épanche sur tous les aspects importants. Surnommé « le maître » ou encore « le couturier des couturiers », envié de tous pour son exquise technique, Coco Chanel dira de lui : « C’est le seul d’entre nous qui est un vrai couturier. »
Il faut se perdre dans les dessins, les tenues en volume et les différentes matières des tissus pour tenter de comprendre cet homme perfectionniste qui brandit l’aiguille en étendard. Page 151, la photo de la robe « Tulipe » en gazar, tissu qu’il inventa, automne/hiver 1965 est un choc. A l’intérieur, un soutien-gorge y est cousu pour permettre à sa propriétaire de dévoiler un sublime dos nus enrubanné. Le col est réalisé pour laisser dépasser au millimètre près son collier de perles. Ses clientes – dont on peut nommer les plus connues : Grace Kelly, Jackie Kennedy, Pauline de Rothschild, Ava Gardner ou Marlene Dietrich- ne disaient-elles pas que ses vêtements étaient à la fois dramatiques et faciles à porter ? N’allez pas pour autant imaginer qu’ils étaient pour tout le monde, Balenciaga vivait pour le concept de haute couture. Un vêtement créé pour une seule personne, le nec plus ultra du sur-mesure, à découvrir en 192 pages.
« Balenciaga, shaping fashion » de Lesley Ellis Miller, 44 € aux éditions V&A Publishing. Acheter.
5- « Au cœur des maisons de couture » de Sophie Kurkdjian et Sandrine Tinturier
Cet incroyable ouvrage est un pavé dans la marre. Certes un peu différent des autres propositions, il conte un récit nécessaire pour connaître ce qui se cache derrière le fameux « savoir-faire à la française » et découvrir lesdites « petites mains » ou « midinettes » comme on les appelait. Le sous-titre du livre « Une histoire sociale des ouvrières de la mode (1880 – 1950) » donne le ton d’un corpus de 208 pages ultra documenté et joliment illustré.
Qui se cachent derrière les grands noms de la mode ? Dans chaque série télévisée, elles se dévoilent d’ailleurs, essentiellement des femmes mais ici ou là, dans « Balenciaga » par exemple, quelques hommes se joignent à la danse, dans une chorégraphie millimétrée dotée d’une organisation hiérarchique quasi militaire. Une profession combattive, qui se syndicalise rapidement, et qui rassemble des couturières indépendantes. Histoire d’un autre âge et d’un certain despotisme qui force tout de même la réflexion sur les conditions dans les ateliers d’aujourd’hui…
« Au cœur des maisons de couture » de Sophie Kurkdjian et Sandrine Tinturier, 20 € aux éditions de l’Atelier.
6- « Beautiful People » d’Alicia Drake
C’est un classique que tout bon passionné de mode a avalé d’un trait. Sous-titré « Saint Laurent, Lagerfeld : splendeurs et misères de la mode », la quatrième de couverture annonce : « En 1954, le concours du Secrétariat international de la laine couronne deux jeunes inconnus : Yves Saint Laurent, dix-huit ans, et Karl Lagerfeld, vingt et un ans. Tous deux, dotés d’un talent hors du commun, vont bouleverser l’univers compassé de la mode. Ils ont été amis, ils ne le seront plus. » Les jeux sont faits, rien ne va plus.
S’ensuit l’histoire excessive et forcément poignante d’une rivalité hors norme dans un monde fantasque. Racontée par la journaliste britannique Alicia Drake avec moult détails, l’histoire s’étend sur le fameux Jacques de Bascher, dandy et grand amour de Karl Lagerfeld qui partira un temps dans les bras d’Yves Saint-Laurent. On raconte que le directeur artistique de Chanel fit tout pour interdire la publication et la distribution de l’ouvrage. Une raison suffisante pour le lire.
« Beautiful People » d’Alicia Drake, 25,35 € aux éditions Denoël.
7- « Christian Dior – Christian Bérard, la mélancolie joyeuse » de Laurence Benaïm
Laurence Benaïm n’en est pas à son coup d’essai, à ce stade elle est quasi une biographe officielle. Celle d’Yves Saint-Laurent bien entendu, mais aussi celle de Marie-Laure de Noailles ou de Jean-Michel Frank. Elle s’intéresse également à Issey Miyake, Azzedine Alaïa ou René Lacoste. Journaliste géniale, elle dévoile ici l’amitié qui liait Bérard à Dior depuis la fin des années 20. Tous deux ont le même prénom, certes, mais pas grand-chose d’autre en commun. Bérard assume tout, son homosexualité et sa bonhomie, autant que Dior est discret.
Dans la série « The New Look », il apparait seulement dans l’épisode 4 sous les traits de Franz Lang. C’est pourtant un pilier dans la carrière du créateur de la maison Dior. Il sera là lorsque, le 12 février 1947, a lieu le premier défilé de la maison de couture au 30, avenue Montaigne à Paris, qui révolutionnera la mode de l’après-guerre. Laurence Benaïm dit même : « Tout Dior est dans Bérard, tout Bérard est dans Dior. » Pour découvrir l’un et redécouvrir l’autre.
« Christian Dior – Christian Bérard, la mélancolie joyeuse » de Laurence Benaïm, 32 € aux éditions Gallimard.
8- « Karl Lagerfeld, décors d’une vie » de Patrick Mauriès et Marie Kalt
240 pages et 140 illustrations, il n’en fallait pas moins pour revenir sur toutes les maisons et les appartements de Karl Lagerfeld. A Paris ou à Biarritz, à Rome ou à Hambourg, chaque demeure était dépositaire d’un style, prouvant que le maitre des lieux les maitrisait tous. L’art déco comme le Memphis, sans oublier sa merveilleuse collection de la Renaissance ou son appartement rue Voltaire de 350 m2 tout d’alu et de minimalisme vêtu. Chaque page est une leçon de style, ponctuée de références archi pointues, heureusement commentée par le duo derrière cet ouvrage. C’est un bonheur d’entrer dans les intérieurs de cet homme à facettes, en espérant que la série saura restituer ce riche héritage.
« Karl Lagerfeld, décors d’une vie” de Patrick Mauriès et Marie Kalt, 85 € aux éditions Thames & Hudson.
9- « Christian Dior et moi » de Christian Dior
Fait rare dans l’histoire des biographies de couturier, celle-ci fut publiée en 1956, un an avant sa mort, et écrite par Christian Dior lui-même. Il raconte son enfance à Granville, les « années sombres » comme il appelle la période la Seconde guerre mondiale mais aussi son succès soudain. Le livre permet également un accès inédit dans l’univers de la mode, à l’intérieur d’une entreprise, dans les années 50.
Si la première partie évoque « comment je suis devenu Christian Dior », en toute modestie, la seconde est ponctuée de doutes et raconte « comment naît une collection », « de la toile à la robe », « la naissance de la collection » jusqu’aux défilés. La troisième partie va même jusqu’à parler des mannequins et des clientes… Une publication rare !
« Christian Dior et moi » de Christian Dior, 22 € aux éditions la Librairie Vuibert. Acheter.
10- « Loulou & Yves, l’histoire inédite de Loulou de La Falaise et de la Maison Saint Laurent » de Christopher Petkanas
Le pas de côté de notre liste. Si la série « Kaiser Karl » met sur le devant de la scène les rivalités entre Karl Lagerfeld et Yves Saint Laurent, on a voulu, nous, mettre à l’honneur une figure majeure de cette histoire, Loulou de la Falaise. Jouée dans la série par l’artiste Claire Laffut, Loulou est une icône dans tous les sens du terme. Elle rencontre Yves en 1968, lui qui est tout de suite attiré, voire fasciné, par son côté aristocratique. Un électron libre que l’auteur connut lorsqu’il couvrait l’actualité de la maison Saint Laurent entre 1982 et 1988 pour la presse américaine. En 2010, il publia un long reportage sur Loulou de la Falaise dans The New York Times qui lui donna, des années après, l’envie d’écrire un livre pour réhabiliter celle qu’il voit comme un alter ego du couturier, un numéro deux, plus qu’une muse.
Une travailleuse acharnée qui dessina des milliers de bijoux pour la maison, une insolente à la beauté androgyne, une fêtarde a contrario très disciplinée, une femme à l’élégance naturelle qui détestait le mot « muse ». 200 invités (attention name-dropping : Karl Lagerfeld, Andy Warhol, Mick Jagger, Hubert de Givenchy, Robert Mapplethorpe, Patti Smith, Diana Vreeland, Marianne Faithfull, Inès de La Fressange, Helmut Newton…) la racontent ainsi que des coupures de presse de l’époque et des images à jamais gravées dans nos mémoires pour une « biographie orale » comme l’appelle son auteur. Un livre comme une offrande.
« Loulou & Yves » de Christopher Petkanas, 39 € aux éditions Séguier.
11- « Paradise Now : La vie extraordinaire de Karl Lagerfeld » de William Middleton
Dernière parution en date sur le Kaiser, cet ouvrage dense est issu de la plume de William Middleton qui a travaillé en étroite collaboration avec Karl à partir de 1995. Il a pu découvrir diverses facettes du créateur que ce dernier gardait cachées aux yeux du monde entier. Ce livre, grâce à des recherches méticuleuses et s’appuyant sur des interviews avec des dizaines d’amis et de proches collaborateurs, trace le portrait d’un homme et d’un artiste qui aimait se dissimuler derrière son image publique.
L’auteur nous fait pénétrer dans les mystères d’une personnalité, de même que dans les salons les plus fermés de la mode, dans les coulisses des podiums et dans un univers d’artistes talentueux, de mondains élégants et de stars internationales parmi les personnalités les plus marquantes des sept dernières décennies
« Paradise Now : La vie extraordinaire de Karl Lagerfeld » de William Middleton, 26€, aux éditions Bouquins.
