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En s’associant aux Français de l’Orient Express Racing Team, en lice pour la 37ème Coupe de l’America à Barcelone, K-Way relève un défi de taille : faire irruption dans le monde du nautisme par la grande porte. Décryptage avec Lorenzo Boglione, directeur général de la marque K-Way et vice-président du groupe BasicNet qui la possède, et Timothé Lapauw, marin de l’équipe Challenger à bord de l’AC75 aligné au départ de la compétition.
En France, notre histoire d’amour avec « la voile » se conjugue souvent avec la course au large. Vendée Globe, Route du Rhum, Fastnet ou encore Trophée Jules Verne, font écho dans l’esprit des marins côtiers, hauturiers ou même d’eau douce. On imagine des navigateurs taiseux, souvent en solitaire, affrontant les éléments déchaînés de l’Atlantique, des mers du Sud et du Pacifique. On s’empare d’effroi à la simple mention du « Cap Horn », à la pointe de la Terre de Feu au Chili, dernier péage avant l’Antarctique plus au sud et la route du retour au bercail, au nord. Mais au niveau mondial, le graal pour tous les marins, c’est la Coupe de l’America.
Le plus vieux trophée sportif au monde se dispute depuis 1851. Et la prochaine édition se déroulera à Barcelone dans quelques semaines. Nous nous étions déjà attelés à décortiquer les règles pour vous. En prime, on ne saura trop vous conseiller d’ajouter à votre playlist le documentaire « Untold : The Race of the Century » pour être littéralement incollable sur les enjeux de cette course folle.
Penchons-nous désormais sur un aspect important de la compétition : le style. Plus qu’un simple signe d’appartenance à un groupe, la tenue officielle d’une équipe nationale revêt un caractère symbolique. Lorenzo Boglione et ses équipes de K-Way avaient donc la lourde charge de créer une « Team Collection » à la fois technique et fonctionnelle. « De quoi a-t-on besoin lorsque l’on navigue ? nous demande alors Lorenzo. De se protéger ! répond de lui-même l’entrepreneur italien. K-Way a toujours fabriqué des vestes qui protègent. Nous avons naturellement voulu relever le défi de créer une collection pour les marins », conclut celui qui fut le premier sponsor de cette équipe engagée dans la 37ème Coupe de l’America.
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Rappels obligatoires
Évoqué ainsi, sur le papier, cela paraît simple. Mais en pratique, l’Orient Express Racing Team (OERT) se compose de trois équipes. Aux avant-postes, l’équipe Challenger naviguera à bord de l’AC75 – un monocoque volant de 75 pieds de long – avec 8 marins à son bord. Ils sont quatre de chaque côté, en parfaite symétrie. Non, vous ne rêvez pas : cette coquille de carbone, de chair et de technologie possède deux pilotes. D’un bord à l’autre, la responsabilité de la navigation change de mains. Imaginez une Formule 1 par exemple, avec deux pilotes qui se partageraient la tâche d’un virage à l’autre. Édifiant, non ? Bienvenue à bord !
À l’avant se trouve donc un pilote, derrière lui, un régleur pour les voiles et les foils. Et les deux derniers de la file indienne sont des « power sailors ». Ils sont chargés de pédaler pour accumuler de la pression hydraulique et faire les réglages du bateau. Cela vous semble complexe, c’est normal. La majorité des règles de l’America’s Cup n’ont pas changé depuis le milieu du 19ème siècle. À l’époque, on n’aurait jamais imaginé que des bateaux puissent voler en équilibre sur un foil à plus de 100 km/h. Pourtant, c’est la réalité d’aujourd’hui. C’est d’ailleurs cette recette magique entre modernité et authenticité qui fait le charme de la compétition. En plus des machines incroyables qui repoussent les limites de l’entendement sur lesquelles les marins naviguent.
Le mot « machine » s’emploie ici au pluriel car deux autres équipes pour chaque nation s’engagent dans la Coupe de l’America. Une équipe Women, menée par Manon Audinet, et une équipe Youth, avec son skipper Enzo Ballanger, complètent le trio d’équipages tricolores pour cette 37ème édition de la compétition. Ces deux dernières équipes naviguent sur un AC40, une version plus courte de l’AC75 et surtout dite monotype. C’est-à-dire que les navires sont tous identiques entre les concurrents. Mais l’adage dit vrai, ce n’est pas la taille qui compte. L’AC40 fait quelques mètres de moins que l’AC75, mais ses vitesses de pointe sont tout aussi ahurissantes.
En AC75, tout est unique ou presque. Le bateau doit rentrer dans une jauge dictée par le précédent vainqueur de la Coupe, en l’occurrence les Néo-Zélandais. Taille, longueur de mât et certains aspects architecturaux sont communs à tous les bateaux. Mais ensuite, tout est minutieusement étudié, imaginé, développé et conçu dans un secret absolu.
Emirates Team New Zealand représente le Royal New Zealand Yacht Squadron et se fait appeler le Defender car il a gagné la précédente Coupe de l’America. Pour gagner leur ticket de Challenger et aller défier en duel les Néo-Zélandais, les autres équipes s’affrontent entre elles : les Suisses d’Alinghi Red Bull Racing, les Italiens de Luna Rossa Prada Pirelli, les Américains d’American Magic et les Français d’Orient Express Racing Team.
S’habiller pour la Coupe de l’America : plus qu’une affaire de style
Vous voyez pourquoi la conception des tenues relève donc du défi ? Car ces morceaux de tissus doivent répondre à des caractéristiques bien précises pour les différents marins, en plus de représenter toute une nation. « À Barcelone, à cette période de l’année, il fera très chaud, explique Timothé Lapauw, l’un des Power Sailors à bord. Les courses sont relativement courtes, entre 15 et 20 minutes. Mais à bord, nous n’avons pas tous le même rôle. À l’avant, ils pilotent et gèrent les données. À l’arrière, on pédale ! L’effort est très intense. Donc, on doit avoir une certaine liberté de mouvement dans notre tenue. Et elle se doit d’être très respirante. »
Le rôle de Timothé est ainsi crucial car il sert de trait d’union entre la partie « pilotage et réglage » à l’avant et la partie « muscle » à l’arrière. Il faut concevoir l’équipe comme une collection des meilleures aptitudes existantes à chaque poste. C’est-à-dire que les pilotes, Quentin Delapierre et Kevin Peponnet, sont des marins hors pair, ce qui se fait de mieux à l’échelle mondiale. Et derrière eux, pour produire l’énergie nécessaire, les CEO du projet, Stéphane Kandler et Bruno Dubois – qui n’en sont pas à leur coup d’essai sur la Coupe de l’America sous le drapeau tricolore – ont dégotté les profils les plus performants pour faire le job de « Power Sailor ». Ces huit profils (ils sont quatre à bord et quatre relayeurs entre les manches) sont donc des athlètes de très haut niveau.
Mais ils ne viennent pas tous de la voile. Certains ont d’ailleurs fait leurs premiers pas sur un voilier, à bord de l’AC40 (qui servait de plateforme d’entraînement aux Challengers avant l’arrivée de leur AC75). Maxime Guyon, par exemple, est champion du monde de crossfit. Thibaut Verhoeven était un athlète olympique d’aviron. Passé par la case cycliste de haut niveau, il est désormais à bord de l’AC75 tricolore.
Tout comme son frère, Rémi. Timothé Lapauw, lui, a toujours été un navigateur. En 2017, il était notamment membre de l’équipage représentant la France sur la Youth America’s Cup. Désormais, avec son expertise et sa place à bord, il fait le lien entre les purs marins et les terriens convertis. Cette polyvalence le conduit à superviser le développement des tenues.
« Nous avons eu de la chance car les équipes de K-Way étaient très proactives. Ils avaient conscience des contraintes relatives à chaque poste à bord, explique Timothé Lapauw. Notre gilet de sauvetage, par exemple, toutes les équipes nous l’envient. Il se doit de flotter, mais ce n’est pas tout. La veste nous protège en partie des impacts et embarque du matériel. On a un ‘spare-air’ sur nous, une sorte de petite bouteille d’air sous pression, comme un plongeur. Si le bateau chavire, cela nous octroie quelques minutes pour respirer sous l’eau. On a alors une lame pour se détacher et se frayer un chemin vers la surface. Et notre attirail contient aussi le système de communication radio entre nous et avec le bateau du coach. On doit aussi pouvoir embarquer de la nourriture pour certains, à l’entraînement c’est important ».
En plus de tout cela, les marins portent un casque et un masque de protection pour les yeux. Imaginez l’impact des gouttes d’eau à plus de 100 km/h. Pour Timothé, l’un des points forts de ces tenues « est de pouvoir les porter sans les sentir. Le vrai confort c’est ça. Techniquement, c’est au point et on peut se concentrer sur notre mission sportive à nous ».
La collection ne s’arrête pas là. L’association entre OERT et K-Way s’étend jusqu’aux équipes à terre. Les managers, les coachs, les techniciens, les designers, les manutentionnaires, même l’équipe en cuisine, arborent fièrement les couleurs de l’équipe. Cette volonté d’inclure tous les membres de l’aventure transforme ces tenues en véritable uniforme. Le tissu se mue en symbole. C’est ainsi qu’une sensation « d’être à la maison » flotte dans l’atmosphère de la base technique à Barcelone. Et Lorenzo Boglione le promet : « tout ce que les membres de l’équipe portent, les fans peuvent se le procurer ! Ce n’est pas juste une collection capsule. C’est une Team Collection, et tout le monde peut s’en offrir un morceau ».