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Depuis des décennies, les plus folles prédictions sont faites sur les capacités de l’intelligence artificielle. Si l’horizon semble toujours plus s’éloigner dans certains champs d’application, l’immense succès rencontré par ChatGPT, ce robot conversationnel capable de mener un véritable échange avec un interlocuteur humain, vient rappeler toutes ces promesses.
L’intelligence artificielle, un terme déjà galvaudé ?
Intelligence artificielle, que de fantasmes nourrit-on en ton nom ! Des projets séduisants comme les voitures entièrement autonomes aux perspectives inquiétantes d’une machine échappant au contrôle de l’homme, l’IA attire autant qu’elle effraie. Sa définition, particulièrement floue, contribue à sa difficile appréhension par le grand public.
“L’intelligence artificielle est un terme marketing que les experts eux-mêmes n’utilisent pas entre eux” – Victor Storchan, CEO d’Althiqa
“L’intelligence artificielle est un terme marketing que les experts eux-mêmes n’utilisent pas entre eux”, résume Victor Storchan, cofondateur et CEO d’Althiqa, une start-up française qui a pour objectif de familiariser les entreprises avec une technologie sur laquelle elles misent souvent avec un sentiment de défiance.
Car si elle s’est glissée dans toutes les strates de notre quotidien, via notamment les algorithmes qui alimentent différentes applications sur les smartphones, l’IA semblait jusqu’à présent indiscernable pour le commun des mortels.
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ChatGPT, le robot stupéfiant
C’était sans compter sur l’immense succès rencontré par ChatGPT. Ce robot a été créé par l’américain OpenAi, une organisation à but non lucratif dirigée par Sam Altman, l’un des plus fervents défenseurs de la toute-puissance de l’IA, dans la lignée d’Elon Musk. Il est accessible à tous dans une version « démo » depuis plusieurs semaines.
L’interface ultra-simple permet à un utilisateur lambda de discuter de n’importe quel sujet, ou presque, avec un robot qui converse et écrit comme un humain — à quelques erreurs de syntaxe près — et qui est capable de rédiger des dissertations, des articles… voire du code informatique. Une prouesse historique. “Ses capacités et l’échelle à laquelle il évolue ont stupéfait toute notre communauté”, déclare Victor Storchan.
Comment fonctionne ChatGPT ? Il faut d’abord entraîner un modèle de base. Pour cela, on attrape un texte d’Internet, on coupe les phrases, on masque des séries de mots et on demande au modèle de les restituer. La finalité est de le rendre capable de prédire le prochain mot, un peu à l’image de ce que propose un smartphone lorsqu’on écrit un message.
Puis on crée un « dataset » (un jeu de données) et on lui donne des « prompts » (instructions). Exemple. “J’aimerais que tu me racontes l’histoire de The Good Life, en étant fiable et honnête”. Pour rendre fonctionnel le robot, il faut le nourrir abondamment — les datasets font 60 000 prompts.
Et ensuite ? Puisque le système est basé sur un processus stochastique, c’est-à-dire aléatoire, il est possible de lui faire générer des réponses différentes pour une même question. C’est là qu’entre en jeu le “Reinforcement Learning from Human Feedback” : on donne les réponses différentes à des humains qui vont les classer de la meilleure à la moins bonne — un travail extrêmement coûteux en raison des volumes de prompts à traiter.
Ce classement donne un score pour chaque question qui permet de mesurer la qualité de la réponse. Cela permet aussi d’entraîner un autre modèle qui, lui, prend n’importe quel texte et qui, en retour, donne un score de qualité. Progressivement, ChatGPT apprend à donner la meilleure réponse possible. “Là où OpenAI a été astucieux, c’est que l’interface en ligne permet aux utilisateurs lambdas de donner, eux aussi, un score à la réponse qu’ils obtiennent à l’aide d’un bouton (pouce vers le haut ou vers le bas), ce qui améliore encore le modèle”, souligne le CEO d’Althiqa.
Bientôt WebGTP dans Bing
Pour l’instant, les seules connaissances qu’a ChatGPT sont les données qu’il a reçues lors de son entraînement ; il n’est pas connecté à Internet. Mais OpenAI et Microsoft — qui a versé 1 milliards de dollars dans l’organisation en 2019 —, travaillent à intégrer WebGTP (un modèle proche de ChatGPT) dans Bing, le moteur de recherche du géant de Redmond.
Si ChatGPT fait figure de pionnier, il est serré de près par ses concurrents. “Aujourd’hui, il en existe six, dont Anthropic et son robot Claude, très comparable à ChatGPT. Ce que l’on voit dans l’IA depuis un moment, c’est que dès qu’un outil fonctionnel paraît, très vite les rivaux parviennent à le répliquer”, observe Victor Storchan.
Pour lui, aussi spectaculaire soit-il, ChatGPT reste une démo. Ce n’est pas un produit et il a encore moins de business model. En revanche, cet outil offre des perspectives entrepreneuriales prometteuses pour une quantité de start-up qui vont se positionner comme intermédiaires entre ceux qui produisent les modèles d’IA et les clients finaux. “Certaines jeunes pousses vont proposer des plug-in sur Gmail pour écrire des mails automatiquement, ou sur Spotify pour découvrir des musiques en bouleversant les modes de recherche”, explique le CEO d’Althiqa.
Prochaine étape : souris et clavier indépendants
Prochaine start-up qui pourrait, selon lui, faire le buzz : Adept, qui entend disrupter l’interaction clavier-souris. Selon les vidéos de présentation de l’entreprise américaine, l’utilisateur a juste à écrire une requête dans son plug-in pour que celui-ci prenne le contrôle de son ordinateur. En lui demandant par exemple : “Trouve-moi un logement pour une famille de 4 personnes. J’ai un budget de 600 000 dollars”, le modèle navigue seul sur le site d’annonces immobilières de votre choix pour vous trouver la perle rare.
De même, le plug-in d’Adept permet aussi sur Craiglist (équivalent américain du Bon Coin), de taper “trouve-moi un frigo à moins de 1 000 dollars”, puis “envoie un message au vendeur pour savoir si je peux le récupérer demain”. Là encore, la souris bouge toute seule, déniche le produit voulu, ouvre votre boîte mail et envoie votre question, sans que vous n’ayez rien d’autre à faire que regarder votre écran et vous extasier de sa prouesse. Décidément, la révolution de l’IA ne fait que commencer.
G.A.
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