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Chartres deviendra-t-elle un jour la capitale de l'Hexagone ?
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Urbanisme // The Good City

Comment Chartres joue sur l’anti-parisianisme pour se développer

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Urbanisme

Parmi les gagnantes de la pandémie, Chartres mène en réalité depuis deux décennies une culture d’adhésion pour gagner en dynamisme et investissements. Ville de province la plus proche de Paris, elle tient absolument à se distinguer de la capitale pour exister.

Quel Parisien n’a pas un jour rêvé de quitter Paris ? Oui, mais pour aller où ? Depuis la pandémie, un phénomène démographique semble s’être produit : le boom des villes satellites du bassin parisien. Un exemple parmi d’autres : Chartres, préfecture d’Eure-et-Loir, 40 000 habitants intra-muros, 140 000 avec l’agglomération, à seulement 80 kilomètres de la capitale. Connue avant tout pour sa cathédrale gothique inscrite par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité, cette cité rayonne sur la plaine beauceronne depuis 2 000 ans. Elle compte à son actif de nombreux monuments médiévaux, ainsi que quelques autres atouts qui ont permis de nourrir une fine stratégie de marketing territorial.

« Nous sommes la ville de province la plus proche de Paris, nous nous situons dans un modèle où l’on est à bonne distance de la capitale pour bénéficier de ses atouts, tout en étant suffisamment loin pour ne pas être embêtés », souffle Jean-Pierre Gorges, le maire (LR) de Chartres, non sans une certaine franchise. « Les pires solutions, c’est l’excentration, toutes les stupidités des villes nouvelles comme Saint-Quentin-en-Yvelines, Cergy-Pontoise, Marne-la-Vallée, qui sont proches de Paris avec tous les désagréments qui en découlent, sans aucun avantage », tient-il encore à distinguer.

On ne présente plus la cathédrale de Chartres.
On ne présente plus la cathédrale de Chartres. A. Lamoureux

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Un million de visiteurs pour « Chartres en lumières »

Chartres, au contraire, entend miser sur la concentration, avec une politique municipale qui lutte depuis près de 25 ans contre l’étalement urbain, en misant avant tout sur son hyper-centre, 64 hectares classés en site patrimonial remarquable. « En 2001, nous avons pris des décisions à l’opposé de ce qui se faisait. Nous nous sommes dit que nous avions un capital important, une histoire dont il reste beaucoup de vestiges », ajoute l’édile. De nombreux monuments ont ainsi été restaurés et ouverts au public, le pourtour de la cathédrale rendu piéton jusqu’aux anciennes portes médiévales, le bitume banni et remplacé par des trottoirs pavés. De larges contre-allées ont été ouvertes le long des boulevards circulaires à la place des stationnements, les 3000 places de parking étant désormais cachées en niveaux souterrains pour laisser place aux espaces verts et aux circulations douces.

« Et tout ce patrimoine, on le met en lumière », renchérit, non sans fierté, Jean-Pierre Gorges. Avec 268 soirs d’exploitation par an, l’opération « Chartres en lumières », la plus grande mise en valeur du patrimoine au monde, attire plus d’un million de visiteurs chaque année. Des bâtiments qui se révèlent autrement avec des détails que seule la lumière peut sublimer. 21 sites sont ainsi mis à l’honneur à l’aide d’une technologie de vidéo mapping : musée des Beaux-Arts, église Saint-Pierre, mais aussi des places, ponts et lavoirs de la basse-ville. Son impact sur l’activité commerçante est conséquent : pour 1€ dépensé dans l’événement, 30€ sont générés sur le territoire. Chartres s’est vu décerner à cet effet par le ministère des Affaires étrangères le label EXPE-CT, qui permet de valoriser l’expertise de la municipalité pour ses compétences associées à la thématique « vitrail et valorisation du patrimoine par la lumière ».

Chartres en lumière.
Chartres en lumière.

Une culture d’adhésion à la ville

Et cette politique culturelle porte ses fruits : « Autrefois destination de passage, Chartres est devenue une destination de courts séjours », note Isabelle Mesnard, présidente de C’Chartres Tourisme. L’enjeu consiste à renforcer la ville en une destination culturelle et patrimoniale. Les nuitées en hébergement marchand ont ainsi augmenté de 67 % en 4 ans, passant de 300 000 en 2019 à 500 000 en 2023, avec 65 % de clients étrangers. « Aujourd’hui, la taxe de séjour atteint 800 000 euros contre 150 000 en 2001 », ajoute le maire.

Chartres tente en réalité depuis plus de 20 ans de construire une marque de territoire, une sorte de chauvinisme exploité à des fins marketing. « Notre slogan, c’est ‘ici, c’est Chartres !’ et il a une vraie valeur d’adhésion », s’enthousiasme-t-il encore. Le réseau C’Chartres Business a également été lancé pour le développement économique de la ville. La politique municipale n’a pas cherché à attirer des entreprises extérieures, mais a plutôt misé sur une croissance endogène, c’est-à-dire qu’elle s’est occupée essentiellement des entreprises présentes. « Depuis 2001, la municipalité n’a cessé de baisser ses taux d’imposition », vante encore l’élu, qui se défend de vouloir attirer par ce biais une population aisée. « Quand on a une politique d’investissement, on n’a pas besoin d’impôts. La dynamique économique génère des flux financiers qui retombent naturellement dans les caisses de la ville. Notre modèle ne s’appuie pas sur l’impôt, mais sur l’investissement. »

Chartres est à la fois une ville dynamique et verte.
Chartres est à la fois une ville dynamique et verte.

L’arrivée des Parisiens

Chartres a vu l’arrivée, depuis 2020, d’une population parisienne séduite par la qualité de vie et la proximité de la ville. « Il y a eu un effet Covid, reconnaît l’édile, avec plus de ventes, surtout pour toutes les maisons bourgeoises sur lesquelles les gens se sont projetés, des opérations qui ont surcoté ces demeures jusqu’à la pénurie. » Si le prix moyen au mètre carré tourne aujourd’hui autour de 4000 euros, il dépasse aisément les 5000 pour les biens d’exception. « Nous nous sommes dit aussi qu’il fallait défaire la concentration de logements sociaux pour des quartiers apaisés avec plus de mixité. Nous avons beaucoup investi dans le logement social, avons détruit 2000 logements, vendu 1000 et construit 3000. »

Alors, Chartres deviendrait-elle une annexe de la capitale ? « Jamais, rétorque Jean-Pierre Gorges. Elle est à la bonne distance et nous tenons à la protéger. Celui qui veut aller à Paris le peut en moins d’une heure de trajet, en train ou en voiture. » La gare TER, la deuxième plus grande du pays, place en effet la préfecture d’Eure-et-Loir à 55 minutes de Montparnasse. « Nous n’avons pas de RER, nous nous vivons comme une ville de province et c’est très bien ainsi. » Avant d’ajouter : « Je lance un challenge pour que Chartres devienne la capitale de la France, une ville propre, dynamique et sécurisée, tout le contraire de Paris. » À bon entendeur.

A bonne distance de Paris, Chartres préserve encore et toujours son charme.
A bonne distance de Paris, Chartres préserve encore et toujours son charme. A. Lamoureux

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Site internet de la ville de Chartres.

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