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The Good Business
Affranchis du poids de l’histoire, ils regardent vers l’avenir et aspirent à vivre, entreprendre et créer comme le font leurs contemporains ailleurs dans le monde. Ils savent que rien n’est facile, mais que tout est possible.
« Avoir un impact ! », « placer le pays sur la carte du monde », « contribuer au développement de l’économie »… Les jeunes entrepreneurs qui arrivent aux manettes de l’économie à Phnom Penh n’a que ces mots à la bouche.
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Une forte ambition
Ces jeunes entrepreneurs ont entre 25 et 50 ans, sont cambodgiens ou français, voire possèdent la double nationalité.Contrairement aux précédentes générations, celle-ci parle bien l’anglais. Ceux qui en avaient les moyens ont effectué leurs études supérieures à l’étranger. Certains sont nés au Cambodge et y ont grandi.
D’autres ont quitté le pays enfants, fuyant avec leurs parents, souvent pour la France. D’autres encore sont nés en France de parents en exil et sont venus à Phnom Penh pour un voyage, une mission, et ont décidé d’y rester afin de « contribuer », comme ils 1e disent.
C’est le cas de Dara Khuon, arrivée adolescente avec ses parents, en 1993, et aujourd’hui dirigeante de True-Money, une fintech locale. C’est aussi le cas du jeune entrepreneur Thierry Tea, né en France, venu à Phnom Penh en 2022 pour rejoindre l’Overseas Cambodia Investment Corporation fondée par son grand-oncle, après une carrière aux Philippines dans le groupe Airbus.
C’est encore le cas de Wisal Hin, né au Cambodge en 1975, certes, mais arrivé en France à l’âge de 4 ans. Après quinze ans de missions au sein du Programme des Nations unies pour le développement, il a cofondé Platform-Impact à Phnom Penh afin de soutenir la croissance des entreprises « à impact ». Cette génération provoquera- t-elle le momentum, l’impulsion qui positionnera le pays sur la carte du monde ? Peut-être…
C’est en tout cas son ambition. « Il est temps ! Il y avait un vrai déficit de compétences, de ressources humaines. La nouvelle génération est prometteuse. Elle vit avec Internet, elle s’est affranchie de l’histoire et certains sont vraiment très brillants », constate Ratana Phurik-Callebaut, analyste financière indépendante.
Partie du Cambodge à l’âge de 2 ans, la jeune entrepreneur a grandi et fait ses études en France, avant de commencer une carrière dans la banque d’affaires. Elle est revenue à Phnom Penh il y a une vingtaine d’années, lorsque l’Organisation des Nations unies a proposé à son mari une mission de quatre ans au Cambodge.
« Je n’avais pas envie de me rendre dans ce pays. Finalement, nous avons décidé de partir et j’ai eu le coup de foudre ! Le Cambodge n’était pas développé comme aujourd’hui et il n’y avait pas de banques d’affaires, alors j’ai travaillé à la chambre de commerce française de Phnom Penh. Quatre ans plus tard, les choses avaient tellement vite évolué et nous étions si bien ici que nous avons décidé de rester », relatet-elle.
Elle siège à présent au conseil d’administration de plusieurs entreprises locales et préside l’école de commerce, filiale de la banque ACLEDA. Certes, ceux qui accèdent aux postes de décision font partie d’une élite, mais ils connaissent le potentiel, les forces et les faiblesses du pays, y compris la corruption qui se pratique encore largement.
« Le résultat des élections de fin juillet était attendu et le nouveau gouvernement ne sera pas forcément plus démocrate, mais ceux qui le composent appartiennent à la génération qui n’a pas de sang sur les mains et ils seront compétents, car ils ont été bien formés », remarque un observateur de la vie politique locale.
Le mouvement a déjà commencé. Ainsi, Koeut Rith, né au Cambodge en 1979, diplômé en droit à l’université Jean-Moulin de Lyon, est devenu ministre de la Justice en mars 2020.
Autre exemple, Dith Tina, né à Phnom Penh, lui aussi en 1979, est diplômé de l’École des mines de Paris et titulaire d’une maîtrise de physique de l’université Paris-Saclay. Après avoir occupé différents postes de secrétaire d’État, il a été nommé ministre de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche en octobre 2022.
Un « role model » stimulant
Sila Chy est sans doute la figure la plus emblématique de cette génération. Né en 1974 au Cambodge, il conjugue désir d’apprendre, goût d’entreprendre et une forte aspiration au bonheur. « Je me suis toujours demandé comment rendre les Cambodgiens plus heureux, car ils ne l’étaient pas ! »
Alors, il baptise sa principale entreprise « Sabay », « ce qui veut dire “heureux”, en khmer », précise-t-il. Il a démarré ses activités par la vente de CD en 1999, puis s’est rapidement diversifié.
« Pour se développer, un pays a besoin d’investissements dans cinq domaines, que j’appelle les cinq “F” : food, fun, film, fashion et finance. Ma femme est dans la mode, moi, j’ai investi dans les quatre autres ! »
Sabay s’est spécialisée dans le fun, les services Internet, le gaming et les médias numériques. Sila Chy exploite en franchise une trentaine de pizzérias et de restaurants asiatiques. Il a deux sociétés de distribution de films et a ouvert des salles de cinéma à la pointe de la technologie et du confort.
Il a aussi financé la création de Kirisu Farm, la première ferme laitière industrielle du pays, « pour produire localement, car 99 % des produits laitiers consommés au Cambodge sont importés », s’étonnet- il.
Il affirme vouloir ralentir le rythme, mais ne compte pas s’arrêter là ! Il peut lever le pied, la relève est en place. Après des études de gestion d’entreprise au Canada, en Arizona et au Royaume-Uni, Ing Chhiv Ly, du haut de ses 27 ans, assure désormais la direction de Ly Ly Food, l’entreprise fondée par sa mère, Mom Keo, en 2002. Comment voit-elle son avenir ?
« Je suis une businesswoman, je vais faire grandir l’entreprise, mais aussi en créer d’autres. Le leadership du pays est plus jeune, ambitieux et enthousiaste qu’auparavant. L’économie va s’accélérer et le Cambodge a encore tellement de potentiel ! » Qu’on se le dise, la nouvelle génération a déjà mis le pays sur le chemin de la transformation.
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