The Good Business
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Cette certification d’origine américaine fait son chemin en France. En traquant tous les aspects de l’activité de l’entreprise, de l’empreinte environnementale à l’impact social, elle intéresse les grandes sociétés comme les TPE. Une simple norme de plus ou la première référence mondiale en la matière ?
Dans la profusion des labels de toutes sortes, le citoyen consommateur peine, il est vrai, à s’orienter, qu’il s’agisse de ceux de l’agriculture, comme le très reconnu AB pour le bio, ou de ceux de la finance, avec d’obscurs fonds d’investissement B Corp, le Graal de la RSE. Cette certification d’origine américaine fait son chemin en France.
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« Parce qu’il est devenu urgent d’évoluer vers une économie plus inclusive, régénératrice et contributive, des entreprises mettent partout dans le monde leur impact social, sociétal et environnemental au cœur de leur raison d’être. » La profession de foi est affichée hardiment, quitte à faire sourire les cyniques ou susciter la méfiance des sceptiques.
En traquant tous les aspects de l’activité de l’entreprise, de l’empreinte environnementale à l’impact social, elle intéresse les grandes sociétés comme les TPE. Une simple norme de plus ou la première référence mondiale en la matière ? par guillaume rebière // illustrations jacopo rosati estampillés « durables ».
La certification B Corp (pour Benefit Corporation) ne veut pas tous les mettre d’accord, mais sa vocation est bien de trouver la bonne mesure de l’impact global d’une entreprise. D’origine américaine, elle est attribuée par B Lab, un organisme à but non lucratif créé en 2006 à Philadelphie, qui a d’abord essaimé dans le monde anglo-saxon avant de concerner aujourd’hui 80 pays sur tous les continents.
Une antenne a été ouverte à Paris en 2019, sous le statut d’association, pour amplifier le mouvement localement. Il commence à prendre : plus de 350 sociétés françaises (sur environ 7 600 à l’international) sont à ce jour labellisées, grandes ou petites, de Danone à La Ruche qui dit Oui !
Pour un changement systémique
L’épreuve consiste d’abord à répondre à 200 questions dans 5 domaines : la gouvernance, l’environnement, les collaborateurs, les communautés et les clients. En fin de compte, moins de 5 % des postulants obtiendraient les 80 points (sur 200) requis pour obtenir le label. En fait, une entreprise ouvre généralement un compte pour estimer son positionnement avant de s’engager véritablement dans une candidature.
« Dans le monde, nous en sommes à plus de 200 000 comptes ouverts, dont 10 000 en France, précise Louise Seguin, responsable de la communication. Et c’est très bien, parce que B Corp est un mouvement, plus encore qu’un label ou un organisme certificateur. Nous créons des outils d’évaluation gratuits qui contribuent à un changement systémique. »
Cette approche est sans doute plus difficile dans la culture normative française, mais elle permet davantage de diversité dans la représentation : la marque Veja ou le distributeur Naturalia paraissent évidents, peut-être moins le média vidéo Loopsider ou le site de reconditionnement Back Market, intégrés récemment.
« B Corp est accessible à tous, mais il faut prouver ce qu’on affirme. Et compter entre un et deux ans depuis la soumission du dossier jusqu’à la fin de l’audit », assure Élisabeth Laville, la fondatrice du cabinet de conseil Utopies, administratrice de B Lab France.
Plus on est gros, plus le processus est complexe. Le cas Danone est symptomatique : dans le mouvement depuis 2015, la multinationale française sera globalement certifiée au mieux en 2025. L’instruction du dossier se fait filiale par filiale. Le géant de l’agroalimentaire en a des dizaines et estime qu’aujourd’hui 75 % de ses ventes mondiales sont couvertes par le label.
« Nous sommes associés à B Lab afin d’aider à définir un processus de certification cohérent et atteignable pour les multinationales et les sociétés cotées, explique le groupe français, très engagé depuis sa fondation, en 1973, par Antoine Riboud, qui prônait la semaine de 32 heures. Cela poursuit notre double projet, à savoir la réussite économique et le progrès social. »
Certification B Corp : en mouvement
Seulement fermé à quelques secteurs non éligibles, comme les industries fossiles ou celles de l’armement, B Corp apparaît comme une opportunité pour des filières hétérogènes.
Exemple dans celle des vins et spiritueux, très puissante en France, mais aussi très éclatée. Émilien Boutillat peut témoigner du « très gros travail accompli » afin d’obtenir la certification, en juillet 2022, pour Piper-Heidsieck, Charles Heidsieck et Rare Champagne, les trois maisons du groupe EPI de Christopher Descours : chef de cave, c’est lui qui a coordonné le dossier pendant plus de deux ans.
Toutes les entreprises décrivent le même chemin, tel Château Maris, domaine du Languedoc certifié dès 2016, le premier en Europe dans ce secteur : « Nous étions bio depuis 2002, puis en biodynamie deux ans plus tard, nous avions conçu un bâtiment écoresponsable… B Corp nous a permis de valoriser nos actions et de réévaluer d’autres points, comme les relations au sein de l’équipe. Cela a donné plus de sens à notre travail », témoigne Hannah Egea, la responsable de la responsabilité sociétale (RSE) de cette très petite entreprise de onze salariés.
« 80 % des sociétés françaises certifiées sont des TPE‑PME et nous allons jusqu’à la microentreprise, si elle y trouve de l’intérêt, justifie Louise Seguin, qui assume le marketing et la communication autour du label. Ça fait partie du jeu, les entreprises font ainsi rayonner le mouvement. »
Le monde de la finance est également bien représenté : le fonds de capital-risque Blisce est certifié, mais pourquoi ? « Pour ce que nous faisons, pas ce que nous disons », répond son fondateur, Alexandre Mars, qui a choisi de financer des start-up comme Too Good To Go (antigaspi) ou Talkiatry (santé).
En intégrant de nouvelles thématiques, les standards de certification vont être modifiés l’an prochain, toujours dans cette approche d’adaptation permanente, par exemple avec le renforcement de l’urgence climatique. « Ne pas être les meilleurs du monde, mais les meilleurs pour le monde », tel est le credo de B Corp et il ne changera pas.
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