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Aujourd’hui, un mouvement mondial visant à la revalorisation du café donne de nouvelles perspectives au grain torréfié, 2025 - TGL
Aujourd’hui, un mouvement mondial visant à la revalorisation du café donne de nouvelles perspectives au grain torréfié, 2025 - TGL
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Le café sur la voie de la modernité

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Durant des siècles, le café a été consommé de manière quasi binaire, en expresso ou filtré, sans qu’on s’intéresse réellement à la qualité du produit ingéré. Aujourd’hui, un mouvement mondial visant à sa revalorisation donne de nouvelles perspectives au grain torréfié.

Le café est arrivé en Europe grâce aux marchands vénitiens – la fameuse parenté italienne –, qui suggèrent, selon ce qu’ils ont pu observer sur les lieux de production, de le torréfier, puis d’en infuser les grains moulus afin d’en recueillir le jus.


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Le nouvel âge du café

Cette recette est encore celle appliquée de nos jours, tandis que l’expresso a fait son apparition à la fin du XIXe siècle grâce à l’ingéniosité d’inventeurs français, puis italiens, qui trouvent un moyen d’augmenter le potentiel d’extraction d’un café. Pour faire simple, le café filtre concerne principalement l’usage domestique, tandis que l’expresso, en raison de l’équipement nécessaire – un percolateur à haute pression –, va demeurer un procédé pour ainsi dire réservé au secteur de la restauration.

À la maison, si les capsules Nespresso avaient engendré un véritable phénomène, un nouveau virage est en train de s’amorcer avec le développement des machines expresso à moulin intégré.
À la maison, si les capsules Nespresso avaient engendré un véritable phénomène, un nouveau virage est en train de s’amorcer avec le développement des machines expresso à moulin intégré. DR

Pendant longtemps, on ne va pas trop se poser de questions sur ce qu’on ingère : l’essentiel est que la tasse donne le coup de fouet qu’on attend de la caféine pour bien démarrer la journée. L’expresso a cet avantage d’être, comme son nom l’indique, presque immédiat dans sa préparation comme dans sa dégustation.

Si l’on a plus ou moins à l’esprit que le café est produit dans un pays tropical (Brésil, Colombie, Pérou, Éthiopie, Viêtnam…), le marchand de café comme le client ne se préoccupent pas vraiment de l’origine de celui qui est servi. « Pendant longtemps, il n’y avait pas de valeurs pour le café. En fait, on ne parlait de rien, et d’ailleurs, on n’en savait pas grand-chose », souligne de manière un peu radicale Christophe Servell, le fondateur de Terres de café.

Les grains sont choisis selon leur profil aromatique plus ou moins fruité et sont torréfiés de manière à livrer le meilleur de leur caractère selon le mode d’extraction utilisé.
Les grains sont choisis selon leur profil aromatique plus ou moins fruité et sont torréfiés de manière à livrer le meilleur de leur caractère selon le mode d’extraction utilisé. DR

Pour autant, dans les années 70, une visionnaire, l’Américaine Erna Knutsen, amorce un travail de fond pour viser à plus de qualité dans le sourcing et donc améliorer l’expérience de la consommation du café. La Specialty Coffee Association of America (SCAA) voit ainsi le jour avec pour objectif d’établir des barèmes de notation du café – un café noté plus de 80/100 est considéré café de spécialité, un 88+ est labellisé grand cru –, qui permettent de distinguer des singularités gustatives et les terroirs.

Une révolution lente à Paris

Un demi-siècle plus tard, l’association a pris une ampleur internationale et les agitateurs de café commencent à avoir gain de cause auprès des consommateurs, même si, en France, la révolution a mis du temps pour faire son œuvre.

Aujourd’hui, les cartes des coffee-shops comptent une ribambelle de boissons lactées, autant à base de lait de vache que de laits végétaux, avoine en tête.
Aujourd’hui, les cartes des coffee-shops comptent une ribambelle de boissons lactées, autant à base de lait de vache que de laits végétaux, avoine en tête. DR

Fondateur, à Paris, de Coutume Café, l’Australien Tom Clark se souvient de son arrivée dans la capitale : « Je suis venu pour mes études il y a une vingtaine d’années et j’ai été surpris de voir que le café servi était très différent de celui qu’on buvait en Australie. Le café avait souvent un goût de brûlé, à cause d’une torréfaction trop poussée, et les gens mettaient systématiquement du sucre pour cacher l’extrême amertume. »

En 2011, il lance Coutume et fait partie des pionniers du renouveau du café, prônant une torréfaction plus douce pour préserver la diversité des saveurs selon les origines. Et pour s’assurer de la diffusion, il crée son propre coffee-shop, à l’australienne, comme le feront la plupart des néotorréfacteurs. La dégustation du café évolue ensuite avec l’usage presque immodéré du lait, ou plutôt des laits.

Si l’expresso est évidemment de mise pour produire ces boissons, les méthodes douces (Filtre V60, cafetière à piston…) sont devenues très tendance chez ce jeune public, moins porté sur les expressions marquées d’un expresso servi pur.
Si l’expresso est évidemment de mise pour produire ces boissons, les méthodes douces (Filtre V60, cafetière à piston…) sont devenues très tendance chez ce jeune public, moins porté sur les expressions marquées d’un expresso servi pur. DR

Nous, Français, avions la noisette et les Italiens, le cappuccino… mais aujourd’hui, les cartes des coffee-shops comptent une ribambelle de boissons lactées, autant à base de lait de vache que de laits végétaux, avoine en tête. « En une dizaine d’années, la clientèle a considérablement évolué, en même temps que le développement des coffee-shops s’est accru. Nous observons une jeune génération qui ne met jamais les pieds dans un café traditionnel car elle n’y trouverait pas ses boissons favorites que sont le latte ou le machiatto », signale Christophe Servell.

Si l’expresso est évidemment de mise pour produire ces boissons, les méthodes douces (Filtre V60, cafetière à piston…) sont devenues très tendance chez ce jeune public, moins porté sur les expressions marquées d’un expresso servi pur. Aussi, les cafés sont choisis selon leur profil aromatique plus ou moins fruité et sont torréfiés de manière à livrer le meilleur de leur caractère selon le mode d’extraction utilisé.

Retour en grâce du café en grain

Cette culture du café fait désormais partie intégrante de la « lifestylisation » de la société, au même titre que la gastronomie, et n’hésite pas à se frotter à d’autres univers comme celui la mode. L’exemple de Maison Kitsuné, à la fois créateur de mode et label de musique, est emblématique de ce métissage.

Terres de café, créée par Christophe Servell, propose de grands crus.
Terres de café, créée par Christophe Servell, propose de grands crus. DR

« L’histoire avec le café est partie de la passion de l’un des créateurs de la mai – son. Alors, pourquoi ne pas ouvrir un café, puis un autre ? En 2020, nous avons franchi le pas de torréfier nous-mêmes notre blend signature, et aujourd’hui, nous disposons de 35 cafés à travers le monde », explique Johanna Lelouche, à la tête de Café Kitsuné.

À la maison, si les capsules Nespresso avaient engendré un véritable phénomène, qui a ouvert une nouvelle voie dans la manière de consommer le café chez soi – enfin un percolateur simple à utiliser –, un nouveau virage est en train de s’amorcer avec le développement des machines expresso à moulin intégré. « Nous proposons ce type de machine depuis vingt ans, mais depuis l’épidémie de Covid, le marché a explosé et continue de progresser. L’approche est évidemment plus durable et permet d’utiliser n’importe quel café », fait-on remarquer chez De’Longhi.

S’il est tout de même difficile d’imaginer que les géants du secteur lâchent aussi facilement la manne que représente cette boisson chaude dit de commodité, le café de qualité n’en a pas encore fini d’exprimer tout son potentiel.
S’il est tout de même difficile d’imaginer que les géants du secteur lâchent aussi facilement la manne que représente cette boisson chaude dit de commodité, le café de qualité n’en a pas encore fini d’exprimer tout son potentiel. DR

Forcément observateurs de cette montée en puissance du grain de qualité, les gros opérateurs se mettent au diapason, à l’image de Lavazza, qui a lancé la gamme 1895 Coffee Designers consacrée aux cafés de spécialité. De même, la marque française Méo, devenue en quelques années leader de la distribution de café bio dans l’Hexagone avec une très nette progression de son chiffre d’affaires, a, depuis peu, mis à son catalogue un café d’agroforesterie, ainsi que quelques cafés de spécialité en pure origine.

S’il est tout de même difficile d’imaginer que les géants du secteur lâchent aussi facilement la manne que représente le café dit de commodité, le café de qualité n’en a pas encore fini d’exprimer tout son potentiel. Il suffit de goûter une infusion de cascara, la pulpe séchée de la cerise de café, d’ordinaire jetée, ou encore de feuilles de caféier, jamais cueillies, pour mesurer toute la richesse gustative qui s’ouvre à notre palais.


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