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The Good Business

Les produits adaptogènes : arnaque au mal-être

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« Devenir la meilleure version de soi » est la promesse des distributeurs d’adaptogènes mais qu’en est-il d’un point de vue scientifique ?

Dans un marché du bien-être florissant, les produits adaptogènes – au croisement du médical et du mystique – tirent peu à peu leur épingle du jeu dans certaines régions du monde. Promus au travers d’arguments questionnables philosophiquement (devenir la « la meilleure version de soi »), ces stimulants dernier cri sont-ils de simples produits marketing ou concourent-ils à véritablement aider notre quotidien ? Et qu’en est-il de leur avenir sur le marché français ?

Les adaptogènes : kézako ?

« Adaptogènes : nouvelle classe de régulateurs métaboliques qui permet d’augmenter la capacité d’adaptation de l’organisme aux facteurs environnementaux », Akropharma. Avec un thermomètre frôlant les 30 degrés en octobre et un taux de particules fines dans l’air parisien proche de celui de Bangalore, l’idée semble riche, qui plus est dans une société au sein de laquelle bien-être et recherche d’équilibre priment.

Derrière ce néologisme figurent les herbes, plantes et champignons visant à réguler, apaiser, stimuler ou renforcer l’organisme. Le terme « adapatogène » serait d’ailleurs dérivé du fait que ces végétaux poussent dans des climats hostiles voire extrêmes, les contraignant à développer des vertus miraculeuses pour s’y adapter. On les retrouve notamment dans les montagnes himalayennes, les forêts sibériennes ou encore les Andes péruviennes et ces derniers sont utilisés entre autres dans les médecines chinoise, amérindienne ou indienne.

Mais leur utilisation contemporaine – avant que Gwyneth Paltrow et Katy Perry n’en garnissent leur bol de céréales – remonte aux années 50 et à l’ère soviétique. Des chercheurs russes se penchent alors sur les substances pouvant doper leurs troupes afin d’augmenter leur productivité, à commencer par la vigne schisandra utilisée par les chasseurs nanaïs et censée stimuler le corps et l’esprit.

Dès les années 1980, les gourous du bien-être – naturopathes, arucistes modernes et autres néo-marabouts – flairent le bon filon : à chaque peine son adaptogène. Aux peine-à-jouir la racine de ginseng, aux excités la plante de gingko, aux flemmards la maca, aux anxieux les baies de goji et aux systèmes immunitaires fragiles le champignon reishi… Que l’on retrouvera en poudres, huiles, gélules, boissons prêtes à boire, cosmétiques ou sérums.

Ginseng, source vitale ?
Ginseng, source vitale ? Ginseng

Derrière les maux contemporains, la manne financière

Une tendance – une fois n’est pas coutume – venue des États-Unis, promue par quelques têtes d’affiches aux comptes Instagram bien fournis : Bella Hadid au profit de Kin, Gwyneth Paltrow et Moon Juice, Amanda Chantal Bacon et Sun Potion, ou encore Katy Perry dont la boisson « De Soi » permettrait enfin de s’ouvrir à la vie et d’être soi… Ouf !

La cible ? Une clientèle urbaine, aisée, sophistiquée, « consciente » et féminine, en quête du produit miracle pour conjuguer vie professionnelle haletante, santé de fer, plastique irréprochable et trio de bambins à la raie toujours du bon côté. Ou tout simplement en quête de cette matière extérieure se fondant délicatement dans le smoothie matinal pour combler le vide intérieur.

Dans un marché mondial du bien-être estimé par le cabinet de conseil McKinsey autour 1 500 milliards de dollars, celui des boissons adaptogènes (204 milliards) semble être un poids plume. Néanmoins, avec un taux de croissance autour des 7 %, ce dernier pourrait atteindre 40 milliards en Europe à horizon 2028 selon Business Wire, soit plus ou moins le PIB de la Tunisie, avec en lignes de mire l’Allemagne, le Royaume-Uni, et la France.

A en croire plusieurs médecins et pharmaciens français interviewés pour ce papier, la demande de produits « bien-être » se limiterait aux gélules de ginseng et à quelques boissons stimulantes — le terme « adaptogènes » étant par ailleurs peu connu. Cependant, compte tenu de la croissance du stress au travail et d’un contexte économique et géopolitique anxiogène, les prévisions de croissance du marché du bien-être en France prévues autour de 5 % (Statista) pourraient être revues à la hausse.

Côté distribution, si les supermarchés français rechignent encore à proposer des produits jusque-là réservés aux magasins bio et aux pharmacies, certaines enseignes urbaines s’y mettent. A l’image du BHV Marais ou du Printemps qui distribuent désormais quelques marques hexagonales, comme la drômoise Hygée, vendues à prix d’enfer : 666 € le kilo de poudre pro-concentration, 875 € le mélange ginseng-maca pour lutter contre la fatigue… Le tout enrobé de packaging éco-responsable et d’une sémantique choisie et constellée d’anglicismes, au croisement du scientifique et du mystique, mais sans jamais tomber dans l’écueil du vocable médical (histoire d’être raccord avec la loi). Stimuler plutôt que guérir, apaiser plutôt que soigner, transcender plutôt que traiter, ou pour ladite marque drômoise, « aider l’organisme à retrouver son équilibre naturel au travers de compléments holistiques »…

« La Concentration », par Hygée.
« La Concentration », par Hygée. Hygée

Véritables stimulants ou placébobos ?

« Devenir la meilleure version de soi ». Si cette promesse des distributeurs d’adaptogènes pose question philosophiquement, qu’en est-il d’un point de vue scientifique ? Plusieurs expériences concluantes auraient été effectuées sur les animaux. Quant aux tests sur les humains, ils prouvent au mieux une aide relative à la fatigue et au stress. Au pire, ils pointent l’activité immunodulatrice ou néotropique de ces derniers.

Certains experts expliquent par ailleurs que les multiples molécules contenues dans les adaptogènes agissent en synergie et que ceux-ci doivent donc être ingérés ensemble pour maximiser leur efficacité. La composition et la qualité de ces molécules dépendant aussi de la composition du sol, des engrais utilisés et du climat sur lesquels ces plantes sont cultivées.

Enfin, il y a peu de chances pour que vous retrouviez une libido étincelante ou que vous vous découvriez des talents de physicien nucléaire suite à l’absorption de quelques centilitres contenant eux une dose infime de nano-particules stimulantes. De la même manière qu’il faudra ingurgiter quelques dizaines de litres de boisson au CBD avant de caresser le tournicotis d’un pétard, au détriment de votre diabète. Dernière option ? Vous envoyer une dose suffisante de ginseng ou d’éleuthérocoque par injection intrapéritonéale. Ce que votre serviteur ne vous recommande pas.

Aussi faudrait-il nous questionner sur les symptômes d’un mal-être contemporain, en France et ailleurs, où la vacuité intellectuelle trouve refuge dans la nourriture physique, au travers de compléments ou substituts toujours plus nouveaux et toujours plus onéreux. Et dans notre recherche d’identité, plutôt tenter de renouer avec nos racines – la cuillère d’huile de foie de morue au coucher est toujours aussi bon marché et fournie en Oméga 3 ! – que poursuivre la quête inépuisable de la meilleure version de nous-mêmes.


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