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Voyage à 1000 km/h : où en est l’Hyperloop ?

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Une dizaine d’entreprises à travers le monde planchent sur le « cinquième moyen de transport », qui prévoit de nous faire voyager à 1 000 km/h dans des capsules parcourant des tunnels placés sous vide. Les prochains essais à pleine vitesse pourraient mener à l’ouverture de la toute première ligne commerciale vers 2030.

Dix ans seulement. Selon les dirigeants des entreprises se consacrant à réaliser l’Hyperloop, c’est le temps qui reste avant l’ouverture de la première ligne de ce transport terrestre circulant à 1 000 km/h. « Si, au vu d’essais prouvant que l’Hyperloop est opérationnel, un gouvernement se décide à financer la construction d’une ligne, on peut envisager de manière réaliste un voyage inaugural vers 2030. Ensuite, tout peut aller vite : lors des débuts du chemin de fer, 100 000 kilomètres de lignes ont été créés en trente ans », affirme Mars Geuze, cofondateur et directeur commercial de Hardt, une start-up néerlandaise dont les 42 collaborateurs planchent sur l’Hyperloop.

Autrement dit, la moitié du chemin aurait été parcourue depuis qu’Elon Musk a mis le sujet sur la table en 2013. Il avait alors actualisé les travaux réalisés sur des trains ou capsules circulant dans des tubes à vide, tout en se faisant l’avocat d’une ligne d’Hyperloop reliant San Francisco à Los Angeles.

À l’époque, l’idée de voyager sur Terre dans une capsule lancée à la vitesse d’un avion avait fait les gros titres, et suscité une énorme excitation. Aujourd’hui, l’Hyperloop n’apparaît plus comme un enjeu aux yeux du grand public. Une dizaine d’entreprises créées depuis 2015 travaillent pourtant d’arrache-pied pour faire advenir ce « cinquième mode de transport » (après le train, la voiture, le bateau et l’avion), très rapide et peu énergivore.

Trois sont de grosses start-up nord-américaines : Virgin Hyperloop (dont l’actionnaire majoritaire est DP World, une firme de Dubaï, Richard Branson ne jouant plus un rôle actif), HyperloopTT (dont le siège est à Los Angeles, mais dont le CEO est basé à Abou Dhabi) et TransPod , une entreprise canadienne dont le CEO, Sébastien Gendron, est français.

TransPod, une start-up canadienne née en 2015, est l’un des principaux acteurs du marché. Son objectif est d’innover et de redéfinir le transport entre les grandes villes.
TransPod, une start-up canadienne née en 2015, est l’un des principaux acteurs du marché. Son objectif est d’innover et de redéfinir le transport entre les grandes villes. DR

Deux sont des sociétés d’État chinoises : Chinese Aerospace Science and Industry Corporation (CASIC), fabricant de satellites et de missiles, a en effet dévoilé un programme en trois étapes pour développer un Hyperloop supersonique, en collaboration avec China Railways Construction Corporation (CRCC), qui conçoit et construit des lignes de TGV.

Et cinq sont des start-up européennes bénéficiant de financements publics et collaborant avec des centres de recherche universitaires : le néerlandais Hardt, basé à Rotterdam, l’espagnol Zeleros (Valence), les suisses Swisspod (Monthey et Miami) et Swissloop (Zurich), et enfin le polonais Nevomo (Varsovie), qui travaille sur un Maglev transformable en Hyperloop. La France brille par son absence, même si HyperloopTT a installé un centre de R&D à Toulouse et si TransPod  construit une ligne d’essai à Droux, en Haute-Vienne.

Des solutions variées

Où en sont tous ces acteurs ? Jusqu’ici, ils ont validé en laboratoire les technologies qu’ils ont adoptées, et effectué des tests à échelle réduite dans des tunnels très courts, sans atteindre la vitesse maximale prévue. L’essai à 160 km/h d’une capsule transportant des passagers effectué par Virgin Hyperloop, en novembre 2020, n’a pas du tout stimulé l’imagination du public.

Mais l’avantage de cet écosystème d’une dizaine de concurrents est l’exploration de solutions variées. Côté propulsion, cela va du classique moteur à induction linéaire au réacteur électrique proposé par Zeleros. Côté sustentation, la lévitation magnétique active, qui nécessite de placer des électroaimants sur la voie, laisse souvent place à la lévitation magnétique passive : ils sont alors sous le véhicule, ce qui réduit le coût du tunnel.

Côté capsules (ou pods, comme on dit dans le métier), la capacité varie de 24 à 100 passagers. Enfin, les tunnels peuvent être en acier, en béton renforcé par des fibres textiles ou en matériaux composites, et le niveau de vide qui y est créé varie de 1 à 100 : soit 10 % de la pression atmosphérique pour Zeleros (l’équivalent de l’air à 15 000 mètres d’altitude) et 0,1 % pour Hardt ou HyperloopTT. Dans le premier cas, les pompes qui font le vide sont moins puissantes, donc bon marché. Dans le second, la consommation d’énergie pour propulser la capsule est bien plus faible.

Fondée en 2016 et basée à Valence, l’espagnole Zeleros est l’une des start-up européennes du marché.
Fondée en 2016 et basée à Valence, l’espagnole Zeleros est l’une des start-up européennes du marché. DR

Le freinage, les systèmes de communication et la mise au point de pods transportant du fret font aussi l’objet de recherches. Enfin, la sécurité implique une distance entre capsules suffisante pour permettre à l’une d’elles, lancée à 1 000 km/h, de s’arrêter avant de percuter la précédente si celle-ci a eu un problème, ce qui limite la fréquence des départs. Plusieurs sociétés affirment cependant qu’elles pourront transporter 150 000 voyageurs par jour.

Des tunnels à construire

La prochaine étape ? C’est la construction de tunnels d’une longueur suffisante pour tester les capsules à grande vitesse. Hardt en terminera un de 2,6 km de long en 2024, TransPod  compte achever celui de Droux (2,4 km) dès cette année, HyperloopTT a abandonné l’idée d’un tunnel de 1 km à Toulouse pour passer à 5 km ailleurs, Zeleros négocie avec le gouvernement espagnol le financement d’un tunnel de 4 km, Virgin Hyperloop a annoncé la mise en chantier d’un tunnel de 9 km en Virginie…

Et une fondation suisse, EuroTube, se focalise sur la construction d’un tunnel d’essai de 3 km surnommé Alphatube pour 2025, dans le Valais. « Il sera utilisé par notre partenaire Swissloop, mais sera modulable, et permettra donc à n’importe quelle entreprise de le louer pour tester sa capsule », explique Lorenzo Benedetti, directeur de la R&D d’EuroTube.

Pour réaliser ces installations, la recherche de financements passe à une autre échelle. Le coût d’Alphatube est, par exemple, estimé à 50 millions d’euros par ses concepteurs. La construction d’une ligne commerciale coûtera pour sa part entre 20 et 50 millions de dollars le kilomètre en fonction du prix d’achat des terrains. En décrochant en mars dernier 550 millions de dollars pour construire un tunnel de 20 km au Canada – qui servira à des essais, mais constituera aussi le premier segment d’une ligne reliant Calgary à Edmonton –, TransPod  a ainsi frappé un grand coup. Pour la première fois, des investisseurs parient sur la réalisation d’une ligne commerciale. De quoi réactiver d’autres études de faisabilité, parmi les dizaines déjà réalisées sur des trajets tels que Chicago – Pittsburgh, Bangkok – Phuket, Riyad – Jeddah, Paris – Bâle…

Le train supersonique Virgin Hyperloop.
Le train supersonique Virgin Hyperloop. DR

Hyperloop, une réglementation à définir

Si l’Hyperloop a ses détracteurs et suscite un certain scepticisme, les gouvernements commencent cependant à l’inclure dans leurs plans pour les transports. Fin 2021, la Commission européenne a même accordé 15 millions d’euros à Hardt. Bruxelles a aussi créé un comité technique (le JTC 20) pour définir le cadre de réglementation de l’Hyperloop, et s’assurer de sa sécurité et de son interopérabilité.

Aux États-Unis, la récente loi sur les infrastructures autorise les acteurs de l’Hyperloop à accéder à des financements fédéraux. Par ailleurs, des groupes industriels tels que Tata Steel, Hitachi, ABB, EDF, Capgemini… sont devenus partenaires de start-up concevant l’Hyperloop. « Nous collaborons avec Airbus pour la turbine électrique à zéro émission de CO2 qui propulsera nos capsules », affirme Juan Vicén, directeur du marketing de Zeleros.

Enfin, on observe des collaborations entre start-up. Nevomo et Swissloop font partie de l’Hyperloop Development Program mis en place par Hardt et les autorités néerlandaises. Et Hardt, Nevomo, TransPod  et Zeleros travaillent de concert à la mise au point de standards pour les infrastructures, les capsules et la signalisation.

« Nous voyons nos concurrents d’aujourd’hui comme de possibles partenaires demain. Il y aura sans doute des regroupements d’entreprises, mais au final, je ne crois pas qu’il y aura un seul gagnant. Comme au début du train, de l’automobile ou de l’aviation, plusieurs sociétés réussiront sur cet immense marché, avec des technologies différentes », estime Andrés de León, CEO de HyperloopTT. Si ses avancées sont aujourd’hui discrètes, il reste donc parfaitement possible que l’Hyperloop voit le jour. Rendez-vous en 2030…


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