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Portugal, un tremplin pour la Chine
laura

The Good Business

Portugal, un tremplin pour la Chine

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A la suite de la crise économique et financière de 2008, le gouvernement portugais s’est lancé dans une vaste campagne de séduction à destination des investisseurs étrangers. De quoi éveiller l’appétit de la Chine, qui a largement su tirer parti des opportunités offertes en misant sur des marchés stratégiques, comme l’énergie, les services publics ou les banques. Elle s’est ainsi imposée comme l’acteur économique incontournable du pays.

Selon une étude du cabinet de conseil Rhodium Group, le montant des investissements directs étrangers (IDE) chinois au Portugal de 2000 à 2016 s’élève à 5,7 milliards d’euros. Si l’on considère ces chiffres par rapport à la dimension de l’économie et du marché des capitaux, le Portugal est le pays européen dans lequel l’investissement chinois aurait le plus grand poids. « En cinq ans, environ 30 % des fusions et acquisitions impliquant des compagnies portugaises ont été effectuées par des entreprises chinoises », explique Ana Suspiro, journaliste économique qui a publié Portugal à Venda (« Portugal à vendre ») en 2015. Le titre de l’ouvrage ne pouvait pas être plus explicite.

Portugal, un tremplin pour la Chine
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Les entreprises publiques chinoises à la tête du Portugal

A la fin des années 2000, le Portugal n’échappe ni à la violence de la crise économique et financière qui frappe le monde, ni aux mesures préconisées dès 2011 par le programme d’assistance mené par la ­sacro-sainte trinité formée par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international. « Les crises survenues au Portugal ont favorisé l’émergence d’un nouveau type d’investissement à grande échelle où de très grandes entreprises chinoises investissent dans l’économie portugaise », explique Miguel Santos Neves, professeur d’économie et de sciences politiques à l’université autonome de Lisbonne. Ainsi, ce sont d’abord les secteurs de l’énergie et des services ­publics qui ont séduit. China Three Gorges est l’entreprise étatique créée pour construire et gérer le barrage des Trois-Gorges sur le Yangtsé (l’ancien fleuve Bleu), soit le plus grand complexe hydro­électrique du monde. En 2011, elle devient le premier actionnaire d’Energias de Portugal (EDP) en rachetant 2,69 milliards d’euros la part de 21,35 % détenue par l’Etat. En 2012, State Grid, une autre entreprise publique chinoise, acquiert 25 % de Rede Energéticas Nacionais (REN), principale compagnie nationale de transport et de distribution d’électricité, pour 287,12 millions d’euros.

Portugal, un tremplin pour la Chine

Ces investissements dans certaines entreprises portugaises assurent en parallèle un débouché sur le marché des pays lusophones aux investisseurs chinois. Ainsi, en acquérant 49 % du capital de l’entreprise EDP Renovaveis (EDPR, détenue à 75 % par EDP) pour 359 millions d’euros, China Three Gorges obtient une présence sur le marché des énergies renouvelables en général et de l’énergie éolienne en particulier. EDPR possédant, entre autres, des parcs éoliens au Brésil et aux Etats-Unis, China Three Gorges contourne ainsi les restrictions d’accès direct imposées aux entreprises chinoises et est malgré tout présente sur le marché américain. Une aubaine pour l’investisseur chinois, qui ne cache pas ses ambitions et compte faire d’EDPR le fer de lance de l’énergie renouvelable sur les marchés européen, nord-américain et brésilien, pendant que lui-même prendrait la tête du marché asiatique. En 2012, Sinopec, compagnie publique chinoise de pétrole, rachète 30 % de Petrogal Brasil, entreprise rattachée au portugais Galp Energia et qui gère les opérations d’extraction de pétrole au Brésil, pour la somme de 3,9 milliards d’euros. Il s’agit de la plus grande transaction jamais faite par un investisseur chinois cette année-là.

En 2013, Beijing Enterprises Water Group rachète Veolia Portugal pour 95 millions d’euros et prend le contrôle, entre autres, de la distribution de l’eau dans quatre municipalités, touchant ainsi 670 000 clients. Il s’agit de la première internationalisation de l’entreprise publique chinoise et de la première incursion d’un investisseur chinois dans ce secteur en Europe. « Les transactions avec Petrogal Brasil et EDP ont été les deux plus grosses jamais conclues par des investisseurs chinois dans le monde en 2012, souligne Miguel Santos Neves. Les entreprises chinoises ont su tirer parti de la vague de privatisations lancée par le gouvernement portugais dans le contexte de la crise économique. Elles ont su exploiter les besoins en capitaux du pays pour racheter des actifs à bas coûts, tout en accédant à ses infrastructures et à son savoir-faire dans les différents secteurs. La plupart de ces investissements ont été menés par des entreprises publiques, à l’exception de Fosun. » En effet, en 2014, le conglomérat privé a racheté 84,7 % de la compagnie d’assurances Fidelidade, détenue par Caixa Geral de Depósitos et le groupe de santé Caixa Seguros Saúde. Désormais, 45 % du secteur de l’énergie et 33 % des banques et assurances sont aux mains des investisseurs chinois, qui parviennent à éviter l’ire locale en rachetant uniquement des parts minoritaires dans des entreprises emblématiques. Par ailleurs, la plupart de ces transactions se sont effectuées sous forme de ­fusions-acquisitions.

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