Culture
De la mise en cause du programme à la négociation permanente, rien n’est figé dans l’acte de construire en Belgique. De quoi stimuler l’inventivité et encourager la créativité.
Office
Kersten Geers et David Van Severen ont créé Office, à Bruxelles, en 2002. Leur production mêle à la fois des projets théoriques et concrets, auxquels ils accordent une égale importance. Ils défendent une architecture à mille lieues des grands gestes, « réduite à son essence même et à sa forme la plus originale : un ensemble limité de règles géométriques basiques (carré, cercle, triangle…) est utilisé pour créer un cadre dans lequel la vie se déploie dans toute sa complexité ».
Minimale et radicale, leur production aborde toutes les échelles. En 2008, ils signent le pavillon belge de la Biennale d’architecture de Venise. Pour l’occasion, ils vident les lieux et disposent des milliers de confettis multicolores. A côté, ils construisent un pavillon éphémère. Une manière de célébrer, sans artifice, l’architecture du premier pavillon construit dans les Giardini vénitiens. Office est aussi connu pour ses modes de représentation : des collages à la fois simples et radicalement efficaces.
Atelier d’architecture Pierre Hebbelinck
L’atelier créé par Pierre Hebbelinck après avoir obtenu son diplôme de l’Institut supérieur d’architecture Lambert Lombard, en 1981, est installé à Liège dans un ensemble de trois maisons mitoyennes. C’est un lieu protéiforme et stimulant où l’on trouve des espaces de travail, mais aussi un jardin, une cour intérieure, une matériauthèque, un atelier maquettes ainsi que la maison d’édition Fourre-Tout, créée en interne.
Depuis près de trente ans, l’atelier a fait de la réhabilitation du patrimoine son sujet de prédilection. Personnalité engagée, Pierre Hebbelinck met ses convictions au service de bâtiments impeccables qui sonnent comme des évidences. « J’aime les projets à défi avec de véritables enjeux », précise-t-il. Dans les différentes réalisations, la mémoire est toujours présente sans jamais verser dans la nostalgie ou un quelconque fétichisme.
Tirer le meilleur parti de budgets limités ou de programmes hétérogènes, voilà tout le talent de Pierre Hebbelinck. On lui doit le théâtre de Liège, en 2013, ou le Mons Memorial Museum (photo), achevé en 2015. Depuis 2018, il supervise la réhabilitation du musée Guimet, à Lyon, en collaboration avec l’agence Hart Berteloot. Des bâtiments qui partagent une approche fi ne et sensible, mais qui ont également en commun de n’avoir jamais cédé au compromis.
dmvA
Depuis une vingtaine d’années, David Driesen et Tom Verschueren sont associés au sein de dmvA, acronyme de « door middel van Architectuur » (par le biais de l’architecture). Ils sont basés à Malines, en Flandre. Expérimenter, voilà ce qui anime le duo et qui caractérise sa production. « Le processus de création ne suit pas un manifeste, mais s’exprime en expérimentant l’architecture : une recherche sur la forme, le matériau, sur la durabilité… »
Expressif et précis, le travail de dmvA aime susciter des émotions et recherche « le maximalisme à travers le minimalisme ». Un hôtel d’une chambre à Anvers, une maison camouflée à Holsbeek, des jeux pour enfants à Malines : les projets de dmvA se suivent et ne se ressemblent pas. Ils aiment surprendre et déjouer les codes, à l’image de la réalisation qui les a fait connaître : une extension en forme d’œuf, baptisée le Blob et posée dans le jardin d’une maison, à Anvers.
51N4E
En guise de nom, Johan Anrys et Freek Persyn ont choisi les coordonnées géographiques de la ville où ils sont installés : Bruxelles. Ils créent 51N4E en 1998 avec Peter Swinnen, qui a quitté l’agence en 2013. Régulièrement invitée dans les concours internationaux, l’agence s’est forgé une solide réputation grâce à une méthodologie de projet bien affirmée. Engagé, le tandem est convaincu que le travail collaboratif est la seule manière de concevoir un projet aujourd’hui et que le dialogue et l’expérimentation sont devenus des actes de design à part entière.
Ce qui importe le plus n’est pas forcément visible ni visuel, mais plutôt la façon dont se font les choses. Parmi leurs projets emblématiques, le centre d’art Buda, à Courtrai (2011), le centre culturel C-Mine (photo), à Gand (2010), le Skanderbeg Square, à Tirana (2017) ou, en cours, le World Trade Center de Bruxelles. Dans ces réalisations comme dans l’ensemble de leur travail, ils sont allés au-delà de la commande afin de libérer le projet, tout comme ils ont mis le citoyen et l’usager au cœur des priorités.
« Croire au progrès plutôt qu’à l’obéissance aveugle à des règles qui mettent l’architecture dans une camisole de force. »
Agence V+
« Les fondements, la philosophie, les espoirs du bureau V+ sont contenus dans son nom », résument Jörn Aram Bihain et Thierry Decuypere, les fondateurs de V+ (vers plus de bien-être), à Bruxelles, il y a un peu plus de vingt ans. Comme nombre de leurs confrères, ils considèrent l’architecture comme « un engagement politique, un acte culturel », mais aussi « comme une poésie du centimètre, une expression sociale, une revendication écologique, un étonnement philosophique, un désir d’espace, une source de rêve… »
Leur architecture ne cherche pas l’épure à tout prix. V+ aime les structures expressives, avoue avoir un faible pour l’anecdote architecturale, même si le duo est capable de rester simple quand la commande le suggère. En 2017, ils livrent le Centre de la mode et du design (MAD) à Bruxelles : la réhabilitation d’un ensemble architectural hétéroclite, rénové avec l’aide de Rotor. Un lieu à leur image, riche et iconoclaste, baptisé, non sans humour, Dirty White Cube.
JDS Architects
Cofondateur de PLOT, avec Bjarke Ingels, en 2001, Julien De Smedt crée sa propre agence, JDS Arichitects, en 2006. Elle est basée à Bruxelles, mais possède également une antenne à Copenhague. « Croire au progrès plutôt qu’à l’obéissance aveugle à des règles qui mettent l’architecture dans une camisole de force. Osez prendre des risques et défiez le statu quo pour éviter de contribuer à la banalité et à la conformité », c’est ainsi que Julien De Smedt accueille celui qui ouvre son portfolio.
Avec un tel leitmotiv, son architecture réfute tout minimalisme et toute esthétique brute. Né en 1975, l’architecte, qui a fait ses classes chez Rem Koolhaas, a hérité d’une forme d’attitude décomplexée et se veut résolument international. Ses projets enjambent les continents, à l’instar du Project H, réalisé à Hangzhou. Parmi ses réalisations figurent la rénovation du fameux tremplin de ski Holmenkollen, à Oslo (2010), ou les logements Iceberg, à Aarhus (2013), au Danemark. A Rennes, il vient de remporter un concours ambitieux : un programme immobilier de 32 000 m² à EuroRennes, le quartier de la gare, comprenant le futur siège social du groupe de portage salarial Samsic.
Architecten De Vylder Vinck Taillieu
Jan De Vylder, Inge Vinck et Jo Taillieu ont uni leurs talents, en 2010, pour créer leur agence ADVVT, à Gand. Ce sont des Belges dont on parle beaucoup ces derniers temps. Outre leur talent, l’une de leurs réalisations, exposée à la Biennale de Venise en 2018, a rencontré un vif succès médiatique : le centre psychiatrique PC Caritas, à Melle, près de Gand. Promis à la démolition, les lieux ont été sublimement transformés par ADVVT, qui a saisi l’opportunité de repenser le soin psychiatrique.
Un projet qui illustre la capacité du trio à faire bouger les lignes : « Ce n’est qu’en comprenant le processus de conception que le design est capable de faire preuve d’une attitude critique. Aux attentes actuelles, ADVVT souhaite donner une tournure inattendue par laquelle ce qui est attendu est accordé, mais qui offre plus encore. Une attitude critique, non pas envisagée comme un simple geste, mais comme un instrument vivant pour aller plus loin que jamais ». C’est dit !
Rotor
Sur la scène de l’architecture contemporaine, Rotor fait figure d’ovni. Fonctionnant sur un mode coopératif, ce collectif belge n’a pas grand-chose à voir avec une agence d’architecture traditionnelle. Tous ses membres ne sont d’ailleurs pas architectes. Nourri par une position critique sur l’utilisation des ressources et du circuit des matériaux, le collectif à géométrie variable naît en 2005.
En 2010, Rotor est commissaire du pavillon belge de la Biennale d’architecture de Venise. Avec son projet Usus/Usures, la coopérative bruxelloise questionne la notion d’usure en architecture et importe sur la lagune des matériaux collectés en Belgique, racontant l’histoire de leur utilisation passée. Précurseur du réemploi, Rotor est devenu le spécialiste de la question et l’acteur le plus influent dans ce domaine.
Mais son objectif est avant tout de propager ce regard bienveillant qu’il porte sur le patrimoine et de créer un cercle vertueux. Ses membres ont, depuis, créé un projet créatif, RotorDC (D pour déconstruction, C pour consulting) pour faciliter le réemploi : un commerce où l’on peut trouver des matériaux issus de bâtiments voués à la démolition, mais aussi une structure qui aide les architectes et les clients à s’engager dans cette voie. www.rotordb.org
Lire aussi
Architecture belge, work in progress !
Bruxelles : dans l’antre des architectes, des demeures d’exception
Bruxelles : 4 pépites à découvrir au gré d’une balade architecturale