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Yoshiharu Hoshino, réinventer le luxe en l’apaisant
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The Good Business

Yoshiharu Hoshino, réinventer le luxe en l’apaisant

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Si les 38 établissements de son groupe hôtelier expirent un infini confort et l’accueil idéal, c’est que son CEO – qui n’a pas de bureau et qui pratique le ski soixante jours par an – inspire une hôtellerie guidée par la nature et l’artisanat.

Souvent, un hôtel imprime sa signature sans qu’on s’en rende compte. C’est sans doute cela l’élégance. Des restaurants fonctionnent également de la sorte. A Paris, l’un des meilleurs moments offerts par l’iconique Tour d’Argent pourrait se résumer en quelques mètres : ceux qui séparent l’ascenseur qui vous mène au septième étage… et votre table. Paris s’ouvre alors en corolle, et le service pivote vers vous. A ­l’Hoshinoya Tokyo, inauguré en 2016, il en va de même. Vous êtes en plein quartier d’Otemachi, non loin de Tokyo Station et du Palais impérial. L’acier, les vitres se perdent dans les verticales, la modernité crisse avec élégance et efficacité, lorsque apparaît l’Hoshinoya.

Yoshiharu Hoshino
Yoshiharu Hoshino DR

C’est très discret. A peine un logo effleuré sur les portes vitrées, c’est tout juste si vous ne vérifiez pas qu’il n’y a pas méprise. Les portes coulissent. Immédiatement, vous êtes plongé dans l’atmosphère d’un établissement hors norme, sans doute l’une des meilleures expériences hôtelières du Japon, régulièrement distinguée par des awards et autres trophées professionnels. On vous demande de vous déchausser et, déjà, les pieds ont trouvé leur rythmique, l’approche douce des tatamis. Votre valise vous est subtilisée, une enveloppe imaginaire vient vous réconforter, relâchant toute tension du voyage et les frottements des arrivées.

Osmose

« Pourquoi nos hôtels fonctionnent de la sorte ? interroge le CEO, Yoshiharu Hoshino, 59 ans. La réponse est simple. Parce qu’ils ont été conçus à la campagne, près des sources et de la nature. Le succès de notre chaîne vient de là. Je suis la troisième génération d’hôteliers et, pour ma part, j’ai commencé avec notre adresse de Karuizawa, dans la préfecture de Nagano, lorsque j’ai hérité du groupe de mon père, en 1995. J’y suis né, et c’est là que j’ai compris qu’une telle création se devait de fonctionner à l’osmose : la nature, les traditions, les coutumes… Tout doit participer de la même pensée, de la même harmonie. C’est la genèse même de notre groupe. »

Les hôtels du groupe Hoshino Resorts – dirigé par Yoshiharu Hoshino, 59 ans – offrent des parenthèses uniques au Japon… et ailleurs, comme ici l’Hoshinoya Guguan, à Taïwan, inauguré en juin dernier.
Les hôtels du groupe Hoshino Resorts – dirigé par Yoshiharu Hoshino, 59 ans – offrent des parenthèses uniques au Japon… et ailleurs, comme ici l’Hoshinoya Guguan, à Taïwan, inauguré en juin dernier. DR

Yoshiharu Hoshino nous parle depuis son bureau de Tokyo. Là aussi, on peut comprendre la philosophie de ce groupe discret qui emploie près de 3 000 personnes. C’est comme une ruche. On s’active de partout. Mais où se situe donc le bureau du grand patron ? Ce n’est pas compliqué, il n’existe pas : « A quoi bon avoir un immense bureau, occuper l’espace de façon égoïste, répond Yoshiharu Hoshino, je suis toujours en voyage et en réunion. Ici, c’est comme dans une grande bibliothèque : on s’assoit là où il y a une place. C’est vrai, on est un peu serré, peut-être faudra-t-il déménager, mais nous travaillons bien de la sorte, l’énergie est communicative ».

Les ouvertures à venir

Hoshinoya Guguan, une station thermale de Taïwan, a été inauguré en juin dernier. Début novembre, Risonare Nasu, un « agriturismo resort », à 2 heures de Tokyo a ouvert dans la perspective des JO de 2020. Il s’inscrit dans l’esprit de la chaîne Kai, célébrant les ryokans, les onsen et la culture locale en dehors des sentiers battus. Okinawa inaugurera son premier Hoshinoya au printemps 2020, alors que l’Omo7 Shin‑Imamiya ouvrira en 2022.

Avec l’OMO7, à Asahikawa, le groupe tente une approche urbaine du genre.
Avec l’OMO7, à Asahikawa, le groupe tente une approche urbaine du genre. DR

Le nirvana au 17e étage de l’Hoshinoya Tokyo

Revenons à l’Hoshinoya Tokyo. L’ascenseur file doux. On l’imagine hissé par des filins de soie. Il glisse vers le haut. A vos pieds adoucis, le sol est de tatamis, encore et toujours. Votre chambre est au fond du couloir. C’est la partie la plus silencieuse de l’hôtel. Vous y entrez et là, l’émotion s’empare de vous. Vous voici au cœur d’une véritable expérience japonaise : le comble du raffinement avec, en filigrane, à travers les immenses baies vitrées, l’immensité de la jungle moderne, l’urbanisme altier de la ville, ses stridences architecturales apaisées par le glissement des parois douces, compréhensives.

Ce qu’il y a de surprenant, c’est l’aménagement de la vaste chambre. Il est pensé pour calmer le temps, étirer l’espace. Eclairage tamisé, réglable ; paysage bas des meubles et des fauteuils avec, tout au fond, le lit profilé sous ses couettes immaculées. Il n’y a là aucune ostentation, aucune surenchère esthétique qui vous ferait vous sentir de trop, presque déplacé. Dans la salle de bains développant coins et recoins, douche spartiate, bains accueillants, pierres sombres, volcaniques et… sofa de méditation. C’est bien simple, vous n’avez qu’une seule hâte : profiter de la chambre, fermer les écoutilles et écouter le chant du monde.

L’Hoshinoya Tokyo, ouvert en 2016, est un établissement hors norme. Sans doute l’une des meilleures expériences hôtelières du Japon.
L’Hoshinoya Tokyo, ouvert en 2016, est un établissement hors norme. Sans doute l’une des meilleures expériences hôtelières du Japon. DR

Revient alors, en écho, la philosophie Hoshino-san : « La technologie n’est pas du tout notre souci, nous nous en servons, mais nous préférons sa dimension software, histoire d’apporter un vrai souvenir authentique à nos clients. Pour moi, le nouveau luxe, c’est d’être capable d’offrir une expérience unique et inoubliable d’un séjour. Etre capable d’offrir cette sensation, qu’il est impossible de trouver ailleurs qu’ici, à ce moment présent. » De partout des détails, des impressions, jusqu’à la mine du crayon de bois, la douceur du bambou et, toujours, le leitmotiv des tatamis au sol. Ils incitent à une marche douce, attentive, réfléchie. Epidermique.

Le groupe Hoshino Resorts

Depuis sa création par Kenji Hoshino, en 1904, le groupe aura ouvert près de 38 établissements. On compte 2 Hoshinoya en dehors du Japon : à Bali (Indonésie) et à Guguan (Taïwan).

Au cœur de la sensation

On ne s’y promène pas indifféremment. Le pied lui-même prend ses aises, apprécie cette dimension tactile, celle-là même du glissement des claustras, le souffle amorti des portes ; le calme comme une scansion, une ponctuation. Tout cela correspond à une rythmique de vie. Elle se veut aérée. Diplômé de Keio University et de Cornell University (­Master of ­Management in Hospitality), Yoshiharu Hoshino passe soixante jours de l’année à pratiquer le ski. D’où ce tropisme vers la nature. Les « destinations » de ce groupe – qui rivalise avec les chaînes Four Seasons, Aman, ­Mandarin Oriental – jonglent avec les « Hoshinoya » (ryokans culte au confort moderne), les « Omo » (vivant l’instant local), la branche « Kai » (axée sur les dîners raffinés et l’art du bain), et d’autres variantes vibrant à l’appel des cimes, de l’océan, de la « vacance » à l’état pur.

L’Hoshinoya Tokyo.
L’Hoshinoya Tokyo. Hoshino Resorts

Dans les adresses phares du groupe – les Hoshinoya –, le moment des repas est conçu avec un soin magnifique suscitant un style : la « Nippon Cuisine ». Ce genre de repas au formalisme touchant et hautement soigné se veut une alliance des techniques françaises et des produits locaux. Une sorte d’hymne à la nature japonaise – alternant ­rivières, océan et campagne –, servie dans de la vaisselle appropriée – qui varie selon le plat, la saison, l’hôte ou l’humeur du maître d’hôtel –, vous laissant dans un état entre attendrissement et véritable plaisir sensoriel.

Ce qu’il y a de très fort dans ces expériences, c’est la continuelle péréquation entre le ton des voix, le vocabulaire, les tournures de phrase et la dimension artisanale des matériaux. Du papier shoji des cloisons au toucher des lèvres sur les tasses, de la qualité des cotons, de l’eau, des nourritures s’élèvent une sorte d’hymne au bien-être couronné par un moment divin : rejoindre, sur les toits, au dix-septième étage, les bains (onsen). Le ciel y est offert et c’est alors que vous ressentez un sentiment étrange et merveilleux : être au cœur de la sensation.


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