Aventures
Vous l’avez forcément croisé un jour. Peut-être dans la rue, car Mister Magoo ressemble à monsieur Tout-le-monde. Et plus probablement sur un écran de télé. Souvenez-vous de ce petit bonhomme à l’âge indéfinissable, coiffé de son éternel chapeau, jovial et bienveillant, mais surtout myope comme une taupe.
L’étonnant petit monsieur est myope, d’une myopie carabinée, qui le conduit à confondre un lion avec une dame, à ranger ses gants dans un aquarium ou à serrer la main d’un vêtement accroché à un portemanteau, sans réaliser qu’il n’y a personne dedans. On pourrait penser que Mister Magoo – Quincy, de son prénom – refuse de mettre des lunettes par simple coquetterie, mais ce serait une erreur de vision.
D’abord, il lui arrive d’en porter malgré lui. Dans le générique, les deux « O » de son nom viennent se poser sur ses yeux et forment une paire d’énormes bésicles. Surtout, si Mister Magoo avait des lunettes, il ne pourrait pas vivre toutes ses incroyables aventures du quotidien qui transforment cet antihéros en un véritable héros.
Mister Magoo, l’anticartésien
Si Magoo se décidait enfin à se rendre chez un opticien, sa vue corrigée lui ferait prendre conscience du danger et le dissuaderait de courir le moindre risque. Il ne se hasarderait plus à traverser la cage d’un lion en marchant comme si de rien n’était. Ou à conduire une voiture sur les rails d’un « Grand 8 », et à contresens. Tant que sa myopie opère, il est confronté à des situations extraordinaires, de celles qu’un héros de dessin animé est seul à connaître sans qu’il ne lui arrive jamais rien.
Il est tout bonnement incassable, à la différence des pauvres humains que nous sommes. « Magoo me semble être le prototype absolu du personnage inoxydable, explique Serge Bromberg, spécialiste du cinéma d’animation, dans Mister Magoo, héros toon incassable, un entretien filmé produit en 2017 par le Forum des images. C’est tout simplement celui qui est myope et qui a perdu sa paire de lunettes. S’il en avait, il tomberait probablement en miettes trois secondes plus tard ou il serait écrabouillé. C’est parce qu’il ne les porte pas qu’il est incassable. »
On ne connaît pas grand-chose de Mister Magoo. Qui est-il exactement ? Que fait-il de son existence, à part provoquer des catastrophes et se fourrer dans des galères dont il sort indemne sans même avoir conscience du danger ? « Son métier, c’est d’être Mister Magoo, poursuit Serge Bromberg, dans le documentaire. On ne sait rien de lui, à part qu’il n’a rien à faire, sauf vivre, et vivre sans ses lunettes ! Il ne se rend pas compte qu’il y a un problème, et il le résout justement parce qu’il ne s’en rend pas compte. Il y a une dimension totalement irréelle : grâce à l’animation, on n’est jamais cassé. On peut traverser la vie en rêvant, avec la poésie de l’indestructibilité. »
L’incrédulité consentie
Magie du dessin animé, qui entremêle le réel et l’absurde, le plausible et le fantasme. Sans que le spectateur, ce grand enfant, ne s’étonne jamais de rien, conformément à la « suspension consentie de l’incrédulité ». Selon cette théorie, énoncée en 1817 par Samuel Taylor Coleridge, nous renonçons à faire preuve de scepticisme face à une œuvre de fiction, même la plus abracadabrante.
Tout ce que l’on sait avec certitude, c’est qu’il est créé en 1949 dans un court-métrage d’animation destiné aux salles de cinéma et intitulé The Ragtime Bear. S’il est déjà affligé de sa myopie légendaire, le personnage est nettement moins sympathique que celui que nous connaissons. Colérique et autoritaire, il n’a pas cette innocence débonnaire qui fera le charme du héros des dessins animés réalisés dans les années 60 et 70 pour le petit écran, reconnaissables à leurs superbes aplats de couleurs et à la légèreté de leur trait.
Dans le deuxième cycle de ses « exploits » – façon de parler – télévisuels, Les Aventures célèbres de Monsieur Magoo, celui-ci incarne dans chaque épisode une figure différente, du comte de Monte-Cristo à Frankenstein en passant par Merlin l’enchanteur.
Mister Magoo star des écrans
Mister Magoo sera révélé au public français sur la troisième chaîne de feu l’ORTF avant d’être à l’affiche, en 1975, de l’émission culte « Les Visiteurs du mercredi », diffusée sur TF1. Devenu une star du grand écran sous les traits de Leslie Nielsen, Monsieur Magoo fait désormais partie des classiques de notre paysage culturel, cité aussi bien dans Les Simpson, que dans des séries comme Better Call Saul ou Daredevil.
En 2019, il a fait son retour sous forme de dessin animé sur la chaîne France 4, dans une version « relookée » par Xilam Animation. Et c’est toujours avec plaisir que nous acceptons bien volontiers de mettre entre parenthèses notre esprit cartésien quand ce bon Mister Magoo apparaît à l’écran…
Fiche technique
• Catégorie : animation.
• Genre : humour.
• Première apparition : 1949.
• Créateur : John Hubley.
• Production : UPA.
• Adaptations télévisées :
– 1960-1961 : The Mr. Magoo Show (UPA, 130 épisodes).
– 1964-1965 : The Famous Adventures of Mr. Magoo (UPA, 26 épisodes).
– 1977 : What’s New Mr. Magoo ? (DePatie-Freleng, 32 épisodes).
– 2019 : Mr. Magoo (Xilam, 78 épisodes)
• Adaptation au cinéma : Mr. Magoo, de Stanley Tong, avec Leslie Nielson (1997).
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