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Entre océan Atlantique et rives de l’estuaire de la Gironde, le Médoc a une longue histoire viticole, même si la région n’est pas la plus touristique du Bordelais. Des vins à (re)découvrir pour leur capacité de garde.
S’il est facile d’aller visiter les vignobles de la rive droite de la Garonne, atteindre le Médoc est plus difficile. Encore aujourd’hui, une seule route mène à cette presqu’île triangulaire, délimitée à l’ouest par la côte Atlantique, à l’est par la Garonne suivie de l’estuaire de la Gironde, et au sud… par les arbres de la forêt des Landes. Autant dire que cette frontière n’est pas claire. Appelée In Medio Aquae par les Romains, cette zone témoigne des efforts incessants des hommes. Longtemps, elle a été uniquement composée de petites îles, entre dunes et étangs face à l’océan, et marais du côté du fleuve.
Les hommes se sont acharnés à combler ces zones humides, grâce à l’aide d’ingénieurs néerlandais, et à colmater les petits ports de la rive girondine, tout en laissant en place les terrasses et les croupes graveleuses. Ils ont réussi à transformer le domaine céréalier des Graves en un vignoble réputé. Aujourd’hui, même si l’on vante les vins du Médoc, la région reste l’« un de ces pays où l’on ne passe pas, mais où l’on vient », souligne Stéphane Courrèges, œnologue et conseil de nombreuses propriétés médocaines.
Certains disent même que les Médocains sont des Charentais qui savaient nager… La vigne n’a pas toujours été la principale culture du Médoc. Au Moyen Age, la presqu’île est encore couverte de landes à l’extrême nord et, plus au sud, de forêts et de terres à seigle. Au milieu, naissent quelques îlots viticoles, témoignages de la présence romaine, mais circonscrits autour de prieurés et de seigneuries. Il faudra attendre le XVIe siècle pour que des notables du parlement bordelais et des négociants constituent de véritables propriétés, et les années 1760 pour que la quasi-totalité du vignoble médocain soit plantée.
Les heures glorieuses des vins du Médoc
Porté par le succès du « claret », ce vin rouge léger si prisé des Britanniques, le Médoc connaît, au XVIIIe siècle, une période glorieuse. Elle se poursuivra jusqu’au coup d’arrêt induit par l’épidémie de phylloxéra, à la fin du XIXe siècle, puis par la crise des années 30 et les gelées de 1956. Ce n’est qu’à partir des années 60 que les propriétaires investissent de nouveau, pour créer des chais ultramodernes et reconstruire le vignoble, en le multipliant par deux et demi. Aujourd’hui, la presqu’île recense deux principaux types d’appellations : six « communales » (Margaux, Pauillac, Saint-Julien, Saint-Estèphe, Moulis et Listrac), toutes situées dans le Haut-Médoc, donc au sud de la région, tandis que l’appellation médoc est la plus au nord. Cela semble simple, pourtant des subtilités peuvent induire les amateurs en erreur. Car tous les vins de la sous-région Haut-Médoc peuvent aussi prétendre à l’appellation médoc… Pour être certain qu’un vin provient bien du nord de la presqu’île, il faut se rendre sur place ou prendre une carte avant d’aller faire ses emplettes chez un caviste.
Cela étant, les vins du Médoc ont réussi à attirer et à fidéliser des amateurs du monde entier qui apprécient leur typicité : ils peuvent se boire jeune, mais ils ont également un beau potentiel de garde. « Un vrai mouton à cinq pattes », confirme Stéphane Courrèges. Si aujourd’hui, 99 % du vignoble est planté en cépages rouges (essentiellement merlot, cabernet sauvignon et franc, mais aussi un peu de petit verdot), certaines propriétés tentent l’aventure du blanc, comme le Château Loudenne, qui le commercialise en bordeaux, n’ayant pas droit à l’appellation médoc. Nombreux crus bourgeois A la variété des terroirs, fait écho celle des vins. La palette des crus de l’appellation se distingue par des vins ronds et équilibrés, parfois très corsés, toujours d’une belle couleur rubis.
De plus, les vins du Médoc profitent des deux dénominations : cru artisan et cru bourgeois. La première est attribuée depuis plus de cent cinquante ans, le plus souvent à des domaines de taille modeste dont les propriétaires travaillent eux-mêmes les vignes. Ils sont au nombre de douze dans le Médoc. Quant aux crus bourgeois, ils sont beaucoup plus nombreux puisque l’appellation Médoc en compte 271. S’il s’agit aujourd’hui d’une homologation ministérielle qui répond à un cahier des charges très strict, c’est avant tout un héritage qui remonte au Moyen Age. Les bourgeois de Bordeaux bénéficiaient alors d’une exonération de charges sur la vente locale en Guyenne (anglaise, à l’époque) et à l’exportation de leurs vins. Dès 1740, un texte fait même état d’une sélection qui précise les prix des crus du Médoc.
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